Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Pour son meeting de jeudi dernier au centre culturel Ibn Badis, Djahid Younsi, le leader d'El Islah, aura, sur le plan politique, très nettement fructifié son déplacement à Constantine, en ce sens que son adresse marquera durablement ou, du moins, jusqu'au 9 avril les personnes qui y ont assisté. Il y a lieu de souligner qu'aussi paradoxale que puisse paraître la visite dans la même journée du candidat indépendant Bouteflika, elle aura été du «pain béni», plutôt «tout bénef», comme le soulignera un de ses cadres locaux, parce qu'elle aura au moins permis à Djahid Younsi d'improviser un discours qui allait s'avérer percutant et d'une grande influence sur la foule présente puisqu'il enflammera la salle et sera sans cesse interrompu par des salves d'applaudissements et des youyous. Younsi a donc joué sur du velours en prenant pour thème de dernière minute «l'isolement dans lequel a été plongée la ville de Constantine». Le nouveau chef de file d'El Islah dira à ce propos : «Constantinois ! Ce que vous avez vécu aujourd'hui est honteux et renseigne heureusement sur la notion même qu'ont certains de l'exercice de la démocratie, une démocratie qui ne restera que vœu pieux tant qu'il n'y aura pas un réel changement dans ce pays, dès lors que le passe-droit est érigé en culture politique d'Etat et quoique nous ne partageons pas l'idée d'un boycott, nous ne pouvons que comprendre les raisons de certains hommes politiques d'avoir refusé d'aller à cette élection. En effet, n'est-il pas désolant de voir la mobilisation unilatérale de milliers d'éléments des services de sécurité, leur logistique, des dizaines de cars transportant les soutiens ponctuels au candidat Bouteflika, la ville bouclée aux premières heures de la journée. Mais en ce qui nous concerne, le boycott est une forme de capitulation et nous ne capitulerons jamais. Nous avons toujours milité, militons et militerons jusqu'à notre dernier souffle pour le changement, confortés dans notre stratégie par l'idée qu'un pays ne grandit que par ses hommes… qu'un Etat ne grandit que par des hommes politiques qui croient en la justesse de leur vision, celle d'une nation libre abritant des citoyens libres, des institutions solides et pérennes, en ce sens qu'elles survivent aux hommes». Point d'orgue de son adresse, Djahid Younsi dira : «L'Algérie a bien existé avant eux… Il n'y a pas de raison à ce qu'elle continue d'exister sans eux mais, en mieux, avec nous». Le candidat saisira au vol notre remarque sur la mauvaise programmation d'un meeting de son parti, coïncidant avec celui d'un autre candidat et pas n'importe lequel pour souligner : «Sachez que la date de notre meeting a été communiquée au moment opportun ou, du moins, celui requis par la réglementation. C'est celle du meeting du candidat Bouteflika qui ne l'était pas. Ceci étant, nous vous dirons encore mieux : le wali de Constantine dans une démarche pour le moins incongrue n'a pas hésité à solliciter de notre directeur de campagne de modifier la tenue de ce meeting. Ce que, évidemment, nous avons refusé énergiquement et le faisant savoir à un commis de l'Etat qui a fait de ses attributions officielles un usage malheureusement intéressé au profit d'un autre candidat.» Le premier responsable d'El Islah semble très convaincu de grandes surprises qui auront lieu le 9 avril prochain «pour peu que les règles du jeu soient respectées», tiendra-t-il toutefois à préciser. En fait, de bout en bout, il avait trouvé grain à moudre et quoiqu'il n'ait eu cesse de répéter parfois les mêmes propos, Younsi avait amplement compris qu'il avait réussi son coup. Cette emprise réelle sur les personnes présentes ne pourrait en effet que valoir bien des dividendes à sa première candidature à la présidence de la République.