Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Constantine A. Lemili «Je me suis trompé de peuple»… «Ghachi», une formule et un qualificatif lourds de sens et, sans exagération, pouvant être perçus comme une forme de mépris d'hommes politiques envers des personnes courtisées pour adhérer à leur cause et toutefois rétives, pour la majorité, à la matérialiser, en raison sans doute de l'ésotérisme, de la complexité, de la pusillanimité et, plus clairement, de la déconnection totale du discours politique auquel il est recouru par rapport à la réalité et les attentes de ces mêmes personnes. Souvent, la précipitation, pour des leaders de formations politiques lilliputiennes, à vouloir et/ou espérer engranger des dividendes qui n'arrivaient malheureusement pas, a forcément conduit à leur évaporation. Nombreux sont-ils alors à avoir quitté la scène depuis la consolidation de l'exercice démocratique il y a une vingtaine d'années depuis. Cette inconsistance physique de structures réputées assumer les aspirations du peuple n'incitait ce dernier ou du moins une, voire sa majeure partie, non pas à s'en détacher mais à les rejeter et, par la force des temps, excusez du peu, à les honnir. Quoiqu'il n'existe aucune raison de diminuer de la sincérité politique, l'honnêteté morale et intellectuelle, le mérite des cinq candidats recalés à la dernière élection présidentielle, il n'en demeure pas moins que cet échec cuisant est symptomatique d'un unanime désaveu populaire à mettre d'abord sur le compte d'une distanciation phénoménale entre la société, ce qui en fait la substance et l'autoproclamée élite politique dont ils se revendiquent ensuite. Il est vrai qu'en plus de toutes les formations aujourd'hui mises d'elles-mêmes sous l'éteignoir, les chefs de file du Parti des travailleurs et du Front national algérien, en passant par les trois autres, n'auront plus particulièrement qu'à méditer sur cette vérité qui consiste en la nécessité de «s'adapter à la société» et en fonction des changements qui se sont opérés ces dix dernières années aussi bien sur le plan politique national qu'international et des mutations sociales qui, parallèlement, les accompagnent. L'enseignement à tirer de cette dernière consultation, et loin de nous l'idée de nous poser en moraliste, encore moins en gourou politique, est de réfléchir aux voies et moyens de rectifier la trajectoire de leur discours en ne faisant plus une fixation sur les cas particuliers du bilan des autres. Comme ils gagneraient non pas à s'attaquer à certaines conséquences de gestion de l'un ou l'autre mais à respecter les grands principes qui ont conduit à prendre des décisions et des mesures pour le peuple et en son seul nom. Il y a plus de deux siècles, Tocqueville écrivait : «Les petits partis sont sans foi politique. Comme ils ne se sentent pas élevés et soutenus par de grands objets, leur caractère est empreint d'un égoïsme qui se produit ostensiblement à chacun de leurs actes… leur langage est violent mais leur marche est timide et incertaine… Les grands partis bouleversent la société, les petits l'agitent». Ce qu'il fallait juste rappeler et souligner que la nation est une et que, si chacun des partis de l'opposition s'évertuait à faire un credo de ses constantes, de ses symboles, les divergences ne sauraient se situer sur cet aspect précis de la quête politique. Au bout de dix années de mandature, le président de la République a eu, le recul nécessaire aidant et une propension à la scrutation, à apprécier la situation et saisir dans son expression la plus réelle le décalage entre les formations politiques et la société. Le plébiscite du 9 avril dernier plaide avec superbe pour ce constat qui confirme aujourd'hui plus que jamais que, si les partis politiques restent un «mal nécessaire» en démocratie, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent, quelles que soient leur envergure et l'idée que s'en font leurs premiers responsables, repenser leur stratégie, se rapprocher davantage de cette société, s'interroger sur ses attentes, les comprendre et apporter des réponses à toutes ses strates sans parti pris, discrimination… si ce n'est tout bonnement par ignorance.