La liberté de la presse a son jour. Le monde entier se prosterne aujourd'hui en l'honneur du journalisme et des journalistes. Juste le temps de leur rendre hommage, de s'insurger contre le musellement de la presse, contre l'emprisonnement et contre l'assassinat des professionnels du métier. Puis les atteintes à la profession suivront leur cours. Il ne se passe pas un jour sans que des journalistes fassent les frais de leur «audace», si toutefois exercer son métier comme il se doit est de l'audace. La liste des reporters tués dans des zones de conflits, que ce soit dans leur pays ou ailleurs, ne cesse de s'allonger. Dénoncer la corruption, l'injustice, les abus de pouvoir ou les cartels de la drogue revient à s'exposer à toutes sortes de risques. Voire à signer son arrêt de mort. La profession dérange. Des garde-fous sont érigés pour lui tracer des limites, mais pas pour lui permettre une libre expression. La liberté d'expression, un mot vide de sens. Contredit chaque jour par tous les dépassements commis à l'endroit de la presse. Des dépassements que les journalistes tentent de contrecarrer en y faisant face, en bloc. La force réside dans la structuration. Ce n'est malheureusement pas le cas chez nous. Le métier évolue dans la dispersion et dans l'individualisme. Les devoirs, on n'hésite pas à les mettre en avant alors que les droits sont tout simplement ignorés. Nous savons tous que des journalistes, dont le nombre n'est pas négligeable, se trouvent dans une situation précaire. Des emplois «au noir» existent dans la presse dont le rôle est pourtant de dénoncer l'illicite. Des éditeurs réduisent de jeunes journalistes à de simples exécutants, tout juste bons à accomplir ce que l'on exige d'eux. Non déclarés, sans un cadre organisationnel qui les protègerait et leur permettrait de revendiquer leurs droits, ils n'ont d'autre alternative que d'essayer de garder leur emploi. A la merci d'employeurs plus soucieux de leur finance, ils n'ont pas non plus la possibilité de se fier à un syndicat censé pourtant défendre la corporation et ses droits. La réalité sur le terrain ne laisse aucune illusion si bien que chacun tente de trouver sa voie comme il peut. Il reste à espérer que le prochain code de l'information revalorise la profession et la sorte de la précarité. Il semble malheureusement que c'est le terme qui définit le métier de journaliste puisque sa situation professionnelle l'est également. Car l'état précaire c'est aussi ces journalistes réduits à squatter des chambres universitaires ou à louer une habitation en groupe en mettant leur vie intime au placard. Des programmes de logements pour les professionnels du métier sont à chaque fois annoncés avant d'être abandonnés. Sans que les pouvoirs publics s'émeuvent de ces revirements qui provoquent la déception des journalistes et prolongent leur précarité. R. M.