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«Les usagers de l'autoroute Est-Ouest payeront un prix symbolique»
Affirmant que le projet autoroutier sera réceptionné avant la fin de 2009, M. Ghoul annonce :
Publié dans La Tribune le 20 - 05 - 2009

Entretien réalisé par Nabila Belbachir et Salah Benreguia
LA TRIBUNE : Peut-on savoir où en est le taux d'avancement du plan quinquennal 2005-2009 concernant votre secteur ?
Amar Ghoul : Le secteur des travaux publics a bénéficié dans le cadre du programme complémentaire de soutien à la croissance 2005-2009, d'un portefeuille de projets très important. Jamais notre secteur n'avait bénéficié de moyens financiers et de projets d'une telle ampleur, à l'instar du mégaprojet de l'autoroute Est-Ouest. Cela témoigne de l'importance de la place qu'occupe aujourd'hui le secteur des travaux publics dans l'économie nationale et dans l'option de l'Etat d'insuffler, à travers les travaux publics, une dynamique globale de développement de notre pays. En parlant de l'ampleur jamais égalée de ce programme, je parlerai de près de 2 000 projets inscrits à notre actif dans le cadre du présent plan quinquennal. L'ensemble de ces projets est engagé. D'ailleurs, on enregistre au premier trimestre de l'année en cours un taux d'avancement global de 90%. Au-delà de ce taux très satisfaisant et du bilan quantitatif exceptionnel des livraisons, il est important de mettre en exergue les résultats qualitatifs enregistrés, à savoir l'amélioration de l'état général des infrastructures routières, maritimes et aéroportuaires, la réception de plusieurs projets constituant de nouvelles capacités pour consolider et soutenir les infrastructures existantes, l'amélioration de l'accessibilité de plusieurs zones enclavées. Sans omettre la suppression de plusieurs points noirs de circulation au niveau des centres urbains, l'installation d'un service public de proximité à travers les maisons cantonnières et les parcs matériels, la maîtrise des délais et des coûts qui a connu une évolution sensible et, enfin, l'introduction de nouveaux procédés technologiques dans les projets. Par ailleurs, le secteur a réalisé durant la période 1999-2009 un programme très important
(voir tableau n°1).
A la lumière des avancées réalisées, peut-on savoir quand ce méga projet sera livré ?
L'autoroute Est–Ouest est aujourd'hui une réalité qui s'affirme de jour en jour pour le citoyen –des sections sont livrées au fur et à mesure non sans difficultés (viaducs, tunnels, passages à gué, etc. mais le projet avance bien. Il s'agit donc d'un méga projet qui passe par des phases rigoureusement préétablies pour répondre à sa nature stratégique pour le pays. Il est désormais possible de rouler sur des sections de cette autoroute et de voir son profil, son caractère, ses ouvrages d'art, son empreinte taillée dans le relief, sa protection, son respect de l'environnement et, enfin, le confort qu'elle offre aux usagers. Tout cela relève d'une première phase, même si le citoyen en bénéficie déjà. Cette première phase se terminera dans les délais prescrits dans le contrat-programme de 40 mois. La seconde phase, qui sera lancée à l'issue de la fin de l'étude du péage, est plus complexe, car elle met en jeu l'ensemble des équipements dont se dotera ce fabuleux corridor de 1 216 km. En fait, il s'agira d'installer les divers équipements définis par l'étude du péage. Il s'agit essentiellement de divers échangeurs, aires de services, aires de repos, centres de Gendarmerie nationale, détachements de la Protection civile et tout ce qui est nécessaire pour que, à la fin, l'usager paie à l'Algérienne de gestion des autoroutes (AGA) son parcours au prix symbolique. C'est un travail de longue haleine, mais, sans pour autant attendre tous ces accessoires, l'autoroute sera ouverte à la circulation au fur et à mesure de l'achèvement des 1 216 km de la première phase. Quant au taux d'avancement du projet global, il est estimé à 86%. (Voir tableau n°2).
Quand sera-t-elle livrée ?
Elle sera réceptionnée avant les délais contractuels, en 2010, c'est-à-dire au plus tard avant la fin 2009.
Est-ce que vous concéderez l'exploitation d'une partie de l'autoroute à des concessionnaires étrangers ?
En juillet 2005 nous avons transformé l'ex-l'Agence nationale des autoroutes (ANA Epa) en deux Epic : (ANA Epic) chargée de la construction des autoroutes, et l'Algérienne de gestion des autoroutes (AGA Epic) pour l'exploitation à péage de l'autoroute. L'entreprise AGA a pour mission d'exploiter sous toutes les formes possibles son réseau autoroutier, comme toutes les entreprises du monde. L'AGA est donc investie de cette mission d'exploitation qui devra l'amener à traiter de toutes les concessions, y compris la sienne, avec l'Etat. En effet, l'AGA est elle-même un concessionnaire de l'Etat et les sous–concessions qu'elle concèdera obéiront certainement à des décisions de l'Etat sur la base de stratégies économiques. Bien sûr que les capacités nationales seront mieux loties dans ce genre d'investissements, toutefois l'apport de technologies spécifiques et de savoir-faire est nécessaire sous forme de partenariats ou de concessions de type partenariat public-privé (PPP).
La capitale reste un chantier à ciel ouvert. Peut-on avoir un aperçu des principales réalisations et quels sont les projets en cours de réalisation ?
Le problème de la capitale concerne plusieurs secteurs. La fédération des efforts de tous réglera la congestion d'Alger. Pour notre secteur, un vaste programme a été engagé en vue de la doter d'une infrastructure de base bien structurée et efficace pour permettre d'alléger les problèmes quotidiens de la circulation. Il s'agit d'actions d'envergure dont l'objectif est de contribuer de manière soutenue à la mise en place de meilleures conditions de déplacement par l'augmentation de la capacité des infrastructures existantes, la configuration du réseau par des aménagements adéquats et la suppression de points noirs de la circulation par la réalisation notamment de trémies, d'ouvrages d'art, d'évitements et de dédoublements. En matière de traitement des points noirs de la circulation, les principaux projets concernent l'aménagement de 18 carrefours par la réalisation de trémies. En matière de grands ouvrages d'art, il a été enregistré la livraison d'un ensemble de viaducs réalisés avec de nouvelles techniques. A noter aussi que de grands ouvrages d'art sont lancés et d'autres achevés dans les grandes villes, comme Oran, ou encore le trans Rhummel de Constantine, en voie de lancement.
Les entreprises étrangères contribuent amplement à la réalisation de nombreux projets. Qu'en est-il du financement ?
Les entreprises étrangères qui interviennent dans nos projets, très souvent en partenariat, sont celles qui ont répondu à l'appel d'offres (AO) international et ses conditions de transparence imposées par la réglementation des marchés publics. La règle de la préférence nationale de 15% est derrière plusieurs formations de groupements d'entreprises que vous constatez dans notre secteur. La contribution technologique est appréciable. Quant à la contribution ou l'apport financier, il n'est pas demandé car tous nos projets sont financés sur le budget de l'Etat.
Combien a coûté l'expropriation et y a-t-il des dossiers en suspens ?
L'expropriation préalable pour le programme neuf du couloir de l'autoroute devrait coûter, selon une première approximation, 10 milliards de dinars. Cependant, avec le développement des travaux sur le terrain et les exigences annexes au rétablissement des passages et des traversées, on peut s'attendre à un excédent de l'ordre de 1 à 1,5 milliard de dinars. Nous avons toujours plaidé en faveur du règlement amiable, juste et équitable dans le processus d'expropriation. Cependant, les quelques dossiers en suspens pour diverses raisons trouveront dans tous les cas de figure leur solution garantie par la loi, et sans oublier que l'argent est consigné auprès des trésoreries.
Quelle est la superficie des terres agricoles exploitées pour l'autoroute Est-Ouest ?
L'autoroute est dans la majorité du tracé en site vierge. A l'Est, au Centre et à l'Ouest, elle traverse des terrains de diverses natures et de divers rendements agricoles. Les superficies recensées sont de l'ordre de 953 hectares estimés à 10,351 milliards de dinars. Ce montant délégué aux diverses directions des travaux publics (DTP) concernées par l'autoroute a été expressément déposé auprès des trésoreries de wilaya. Les services des domaines étant les seules habilitées par la loi pour l'étude et l'examen des dossiers d'indemnisation des expropriés touchés par l'autoroute. Et nous avons répondu favorablement aux expropriés.
Trop de polémique a entouré le projet de l'autoroute maghrébine, notamment la jonction entre l'Algérie et la Tunisie. Qu'en est-il ?
Il n'y a aucune polémique là-dessus. Le consensus est total. Le programme engagé par le secteur concerne la réalisation de ce méga projet sur 1 216 km entre les frontières algéro-tunisiennes et les frontières algéro-marocaines.
Ce projet fait partie intégrante de l'autoroute de l'Unité maghrébine (UMA) qui totalise 7 000 km de Nouakchott à Tripoli. Il est tout à fait clair que chaque pays engage les travaux relevant de son territoire en fonction de ses priorités et de ses possibilités financières. Je dois préciser que le point de jonction au niveau des frontières a été décidé en commun accord et il y a eu signature d'un accord entre les deux pays. C'est dire toute la volonté affichée par les deux parties pour concrétiser ce grand projet aux dimensions régionale et méditerranéenne.
Selon certains experts, plusieurs ouvrages d'art présentent des anomalies et ne répondent pas aux normes internationales de construction. Qu'avez-vous à dire sur cette question ?
C'est une question qui n'est ni rationnelle ni objective et ne peut être l'appréciation d'un expert authentique. Les TDR (termes de référence) de nos contrats d'étude ou de réalisation prescrivent les référentiels normatifs à exécuter sur les projets. Et ceux qui veillent à l'application stricte de ces exigences normatives sont rémunérés de droit par des contrats de contrôle et de suivi par des bureaux d'études internationaux (BCS). Les gens qui osent affirmer que nos réalisations ne répondent pas à des normes sont tout simplement les retardataires de la classe. Nous les invitons à lire ou à soumissionner pour nos grands contrats afin de découvrir que nos réalisations ne souffrent d'aucune tare et répondent très souvent à la dernière recommandation d'une norme internationale. Maintenant, si on fait allusion à quelques rares pathologies relevées sur certains ouvrages, cela est commun à tous les pays du monde. On n'assiste pas à des ruines, à des effondrements ou à des sinistres spectaculaires de ponts, tunnels ou barrages dans notre pays. Aujourd'hui, une fois passé les périodes de rattrapage et de mise à niveau qui ont longtemps pesé sur le développement du secteur, la qualité est devenue désormais notre mot d'ordre et notre stratégie. Ne dit-on pas qu'il faut agir en primitif et prévoir en stratège ?
Vous avez révélé plusieurs fois que le projet de l'autoroute Est-Ouest ne peut être abandonné et que la protection de l'environnement à El Kala est garantie. Cependant, les défenseurs de l'environnement estiment que les dernières inondations à El Tarf seraient dues au déboisement d'une bonne partie du parc que traverse l'autoroute. Qu'en est-il au juste ?
Lors de la réalisation de l'autoroute, une attention particulière a été accordée à la mise en œuvre et au suivi des recommandations du plan de respect de l'environnement, notamment la protection de la faune et la flore. Ces recommandations sont portées par l'étude d'impact sur l'environnement du méga projet. Au niveau du Parc national d'El Kala et en matière de reboisement, les mesures d'atténuation et de compensation prévues ont été conjointement appliquées avec les autorités locales, notamment la Direction générale des forêts, non seulement aux abords de l'autoroute mais sur toute l'emprise. Ainsi, la première phase de reboisement a été faite sur environ 1,5 hectare au mois de mars 2009 et la 2ème phase, touchant 300 hectares, est en cours, en fonction de la campagne de plantation arrêtée avec les services forestiers. Les programmes visent non seulement à préserver le milieu, mais à promouvoir le patrimoine naturel et la biodiversité des régions traversées par cette autoroute. Pour la protection de la faune, tous les passages d'animaux sont en cours de réalisation. Il est à noter que des inspections systématiques sont effectuées pour une évaluation permanente et un suivi continu des recommandations sur l'environnement à proximité des tunnels et de l'exploitation des centrales à béton. Les stations d'enrobage, les carrières et les transports d'agrégats sont scrupuleusement suivis pour réduire leurs effets polluants temporaires.
Quelles sont les priorités pour le plan quinquennal 2010-2014 ?
Ce que je peux dire, c'est que le prochain programme est aussi ambitieux que l'actuel. Il vise à consolider davantage les résultats positifs enregistrés par le secteur et, cela, par la poursuite des actions engagées, ainsi que l'engagement de nouvelles, dont l'objectif est de contribuer de manière durable à la mise en place d'un réseau infrastructurel de qualité conformément aux orientations des schémas directeurs sectoriels 2005-2025. C'est donc dans la logique de la continuité que s'inscrit le plan de développement national 2010-2014. Il sera orienté essentiellement vers les principales composantes, à savoir la réalisation des grands projets structurants,
dont l'autoroute des Hauts Plateaux, les pénétrantes autoroutières sur l'AEO de Béjaïa et Jijel, les 3ème et
4ème rocades autoroutières BBA–Khemis Miliana, la sauvegarde et l'entretien intensif des infrastructures, ainsi que la réalisation de plusieurs projets routiers, aéroportuaires et maritimes inspirés des schémas directeurs élaborés par la tutelle dans le cadre de la loi sur l'aménagement du territoire.
Dans toutes vos visites de travail et d'inspection vous insistez sur l'esthétique et la protection de l'environnement…
Effectivement, j'attache une grande importance à ces deux aspects, car ils ont été négligés par le passé non pas pour des raisons financières, comme on pourrait le penser mais par suite de l'inattention aux règles d'esthétique et des notions de traitement paysager par tous les intervenants dans la conception et la réalisation de nos projets. Les ingénieurs concepteurs ont toujours donné la priorité à l'aspect technique et structurel des infrastructures. Or, un ouvrage d'art, comme son nom l'indique, doit témoigner de l'art de l'ingénieur ou de l'architecte concepteur. Il doit s'intégrer dans le site environnant pour en faire partie et éviter qu'il ne soit perçu comme une agression du paysage existant. Ainsi un projet routier ou autoroutier doit contribuer à la protection de l'environnement en améliorant la qualité paysagère du site parcouru.
Les pratiques et les idées doivent évoluer vers une recherche esthétique et paysagère visant à faire des routes, des autoroutes et des ouvrages d'art une valeur ajoutée. Le paysage étant un choix de la société qui associe le milieu naturel aux aménagements apportés. Il y a lieu d'amorcer une nouvelle démarche à même de conduire des projets qui s'inscrivent dans le cadre d'un développement durable.


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