Photo : Zoheïr Par Noureddine Khelassi Il y a en politique des coïncidences qui valent concomitance. La nomination récente du SG du RND en qualité de chef du gouvernement et la tenue du 3ème congrès ordinaire de son parti, événements synchroniques, montrent que la formation d'Ahmed Ouyahia s'est replacée au centre du jeu politique, devenant, de fait, le pivot de l'Alliance présidentielle. Il n'en fallait pas beaucoup aux observateurs pour s'en convaincre. Des images, comme autant de flashs et d'indices, préconfiguraient la future place du parti au sein de la coalition présidentielle. Derrière l'image œcuménique de la «grande famille» RND rassemblée dans l'hommage et l'éloge unanimes, il y avait des présences qui avaient valeur de symboles. Celles du ban et de l'arrière-ban du FLN et du MSP, partenaires de l'Alliance présidentielle, équivalaient à une «signature», à une profession de foi même. Il fallait voir ce que les journalistes ont observé : «redresseurs» et légalistes du FLN, déjà orphelins d'un SG en quête rapide de ressourcement mystique, et légalistes du MSP convergeant du regard, du geste et du mot vers l'«homme du jour». Au centre, ce dernier est déjà pourvu du nimbe de celui qui constituera l'axe de l'Alliance présidentielle. «L'homme du jour» était, aux yeux de tout ce public intéressé, plus qu'hier et peut-être moins que demain, le dépositaire de la légitimité présidentielle. Dans la culture politique algérienne, c'est une valeur suprême. C'est même une norme. Le RND, ce «bébé éprouvette né avec une belle moustache», selon une délicieuse formule d'un dirigeant islamiste disparu qui avait le sens des libellés cliniques et des énoncés floraux, a grandi et aurait même atteint l'âge de la majorité. Il a mûri à l'épreuve du temps, du feu et des pourcentages électoraux. Il est aujourd'hui le parti d'«hommes et de femmes debout», de victimes du terrorisme, de Patriotes, de cadres de l'Administration, de gestionnaires, de jeunes, d'universitaires, de commerçants… L'arithmétique électorale est désormais plus favorable à ce parti qui a amélioré ses scores et ses pourcentages dans les instances élues, à l'échelle nationale et à l'échelon local. Le RND, c'est comme le vélo. C'est en pédalant politiquement et électoralement que le parti a, petit à petit, défini son identité : selon Ahmed Ouyahia, il est «novembriste, démocratique et républicain». Autrement dit, nationaliste et souverainiste. Dans le discours souverainiste du RND on retrouve des mots et des vocables qui sont dans l'exposé de son secrétaire général depuis 1999 autant de concepts : «redressement national», «humiliation nationale», «choix de la sagesse et de la lucidité», «s'affranchir de la dépendance» énergétique, «saut salvateur», «démocratie participative», «réconciliation nationale complétant la concorde civile». Ce glossaire est opposé au lexique où on trouve notamment des formules comme «empressement dogmatique à l'endroit du libéralisme économique», populisme, «illusion de l'aisance financière». Le néo-souverainisme, tel qu'esquissé par Ahmed Ouyahia, c'est l'asymétrie entre moyens financiers et paupérisation progressive de pans entiers de la population. C'est aussi l'inadéquation entre les devoirs des uns et les droits des autres. C'est le déséquilibre entre la promotion de médiocres et la marginalisation des «énergies locales». Dans la conception d'Ouyahia, le souverainisme c'est la récusation du pouvoir magique de quelques démiurges qui, à eux seuls, sauveraient le pays et assureraient ce «sursaut national salvateur». Le souverainisme, c'est finalement la collectivité nationale, la conjugaison et la mutualisation des efforts, la contribution des Algériens au renforcement du Bien commun.