Photo : Riad Par Sihem Ammour La ministre de la Culture Khalida Toumi a inauguré, hier, l'ouverture du Colloque international sur la pensée et l'œuvre de Frantz Fanon, organisé dans le cadre des rencontres scientifiques du Panaf 2009 par le Centre national de recherche préhistorique anthropologique et historique (CNRPAH). Dans son allocution d'ouverture la ministre a déclaré que «l'idée d'organiser une rencontre de personnalités, connues pour leur travaux sur la pensée et l'action de Frantz Fanon, et aussi pour leur sensibilité aux causes défendues par lui a naturellement été tout de suite associée à la mise en œuvre de la décision de tenir à Alger le second festival culturel Panafricain.» Elle a ajouté qu'à coté d'autres figures africaines et mondiales comme Lemumba, Mandela, N'krumah et bien d'autres, il reste un modèle d'abnégation, d'engagement et aussi d'espoir. Frantz Fanon incarne, au-delà de l'Afrique, la solidarité de tous les peuples qui luttent contre toute forme d'oppression ou de discrimination. Khalida Toumi a souligné que «Frantz Fanon a été vrai jusqu'au bout. Entre l'être et le paraître, il avait résolument fait son choix. Etre c'était pour lui demeurer fidèle à des convictions ontologiquement enracinées. Des convictions libératrices et élévatrices pour tous. Il crut fondamentalement que la cause des laissés-pour-compte était à défendre ici même, sur cette terre d'Algérie, alors colonisée, exploitée, dépossédée, qui se présentait dans les années cinquante du siècle dernier comme l'archétype du refus de la domination et de la soumission, archétype représentatif des damnés de la terre».Olivier Fanon, fils du regretté penseur antillais à ouvert le bal des conférences de cette première journée avec son intervention sur le thème «l'Algérie, l'Afrique, Fanon, un combat». Olivier Fanon a rappelé que tous les mouvements de libération africains se sont retrouvés dans le combat du peuple algérien. Il a également tenu à souligner l'actualité de la pensée anticolonialiste de son père en affirmant : «Jeunes palestiniens, sahraouis, antillais et rouennais, vous été aussi les enfants de Fanon, et de tout ceux qui ont combattu. Fanon disait déjà il y a un demi-siècle ‘‘l'avenir de votre conscience nationale, la cause de votre liberté et de votre indépendance se trouve actuellement en Algérie''.» Par ailleurs, Olivier Fanon a dénoncé un article «innommable» de la presse algérienne, qui remettait en cause le combat et les tortures subies par Djamila Bouhired. Il déclare à ce propos qu'il y a encore aujourd'hui des esprits colonisés. Que l'important, c'est la vérité, qui ne souffre d'aucune compromission et que la travestir et édulcorer l'histoire, c'est le travail du néocolonialisme. Il mettra ainsi en exergue l'importance de préserver l'héritage ultime de la liberté. Le fils de Fanon citera le témoignage de son père a écrit en 1959 : «Djamila Bouhired est une patriote algérienne consciente, organisée au sein du FLN. Elle ne demande ni commisération ni pitié. La dignité de Djamila Bouhired, son extraordinaire ténacité, son obstination à se tenir debout, à ne pas parler, son sourire devant la mort constitue la caractéristique essentielle de l'attitude nationale des Algériens» Olivier Fanon a conclu son intervention en disant : «J'adresse un message à cette assemblée. N'oubliez pas que cette liberté nous l'avons arrachée au prix de la vie des hommes et femmes, ne les oubliez pas et ne les trahissez pas.» Quant à Mireille Fanon, fille de Frantz Fanon, elle a dressé un bilan implacable des nombreuses violations des droits de peuples commis par l'Occident cette dernière année. Elle mettra en exergue l'actualité brûlante de l'œuvre et la pensée de Frantz à travers la nécessité de poursuivre son combat pour la défense des droits des opprimées Elle abordera longuement la question de l'exclusion de la Palestine du droit des peuples de disposer d'eux mêmes. A cet effet, elle a énuméré les faits accablants qui accusent Israël de crimes contre l'humanité et qui mettent en péril la paix et la sécurité nationale. Dénonçant aussi le blocus qui dure depuis trois années contre les habitants de Ghaza, un blocus qui les prive de leurs droits économiques et socioculturels. Elle affirmera à propos de la dernière agression de Ghaza qui a fait 1 417 morts que le gouvernement d'Israël a même revendiqué le caractère disproportionné de la riposte inhumaine en soulignant : «L'idéologie sioniste et raciste qui, en tant que projet politique d'oppression à la négation des droits légitimes du peuple palestinien à vivre sur sa terre et même directement et administrativement, ce mode de ségrégation vise à l'extermination de ce peuple.» Elle interpellera les présents à travers un appel pour imposer un nouveau mouvement des peuples et un nouveau modèle interactif entérinant le droit des peuples soumis à l'occupation étrangère à disposer d'eux mêmes, en disant : «N'est-ce pas pour cela que dans ce pays, l'Algérie, mon père s'est engagé et a lutté jusqu'à son dernier souffle ?» Elle a conclu son intervention en disant : «Je serais très fière que l'Algérie pour laquelle mon père a donné sa vie soit le premier pays a déposer une requête auprès du procureur du TPI afin que les crimes de guerre commis par l'Etat d'Israël soient jugés et ne restent pas impunis. Cela serait une manière pour l'Algérie de continuer ainsi dans la voie initiée par Fanon et ses compagnons.»