Luis Leon Sanchez n'a peut-être pas de chance, ou alors il s'est trompé de génération. Brillant espoir du cyclisme espagnol, il se construit discrètement un palmarès à l'ombre d'hommes qui occupent toute la place dans son pays : Sastre, Valverde, Contador. «Je suis un coureur qui a toujours eu besoin de beaucoup travailler», avoue ce sportif à maturation lente, doté d'un sens remarquable de l'abnégation, d'une volonté de fer, d'un physique longiligne (1,87 m pour 72 kg) et d'une puissance qui en font un excellent spécialiste du contre-la-montre. Sa victoire à Saint-Girons, Sanchez l'avait préparée avec minutie, d'abord en venant reconnaître cette étape de cols avant le Tour, et en se fixant comme objectif d'être performant juste dans les Pyrénées : «J'ai fait une préparation spécifique pour être au sommet de ma forme non pas au départ, mais après une semaine de course», a-t-il expliqué. Né en novembre 1983, professionnel depuis l'âge de 20 ans, il a eu besoin de quatre ou cinq ans pour entrer dans la cour des grands, quand son ami Alberto Contador, né un an avant lui, pulvérisait les records de précocité. La plus belle ligne de son palmarès, écrite en mars, est sa victoire finale à Paris-Nice, devant Contador, mis à genoux dans l'avant-dernière étape par une impitoyable fringale. Mais Luis Leon Sanchez avait déjà remporté une étape du Tour l'an dernier, à Aurillac, et engrangé quelques succès de prestige, dont le Tour Down Under, pour sa deuxième année professionnelle en 2005, et deux étapes de Paris-Nice en 2007 et 2008. Sportif complet, il a longtemps hésité entre le football (son frère Pedro Leon a joué cette saison à Valladolid), la natation et le cyclisme. Quand il avait 14 ans, son père, policier, a été victime d'un attentat. Pour sa rééducation, les médecins lui ont conseillé le vélo. Il en a acheté trois, pour lui et pour deux de ses quatre fils, Leon et Luis Leon. C'est ainsi que Luis Leon fait ses premiers tours de roue. Fan d'Indurain et de Jalabert, le garçon se met rapidement à écumer les courses locales : «J'ai gagné quelques courses, et à chaque fois j'en voulais plus, je voulais savoir jusqu'où je pouvais aller.» Lorsque Luis Leon a 20 ans, le manageur Manolo Saiz, grand gourou du cyclisme espagnol, lui propose de devenir professionnel. Sanchez accepte. Et dès sa première saison, il est désigné meilleur néo-pro espagnol pour 2004. Mais Saiz disparaît du milieu dans la tourmente des scandales de dopage. Ses protégés de feue l'équipe Liberty Seguros, dont Contador, poursuivent leur ascension sous d'autres maillots. En 2005, le drame frappe la famille : Leon, le frère avec lequel Luis Leon a roulé des milliers de kilomètres, est tué à l'âge de 23 ans dans un accident de la circulation. Sanchez, qui rêve de remporter un jour le Tour de France et de devenir champion du monde, l'évoque à chacune de ses victoires.