Les autorités américaines font décidément feu de tout bois contre le secret bancaire suisse. Après l'accord, mercredi, entre le fisc américain et la banque suisse UBS, la justice américaine vient d'inculper un cadre de la NZB, une petite banque privée de Zurich, Hansruedi Schumacher, et un avocat, Matthias Rickenbach, pour avoir aidé leurs clients à cacher des fonds offshores. Hansruedi Schumacher, un ancien de la banque UBS, aurait falsifié des documents financiers afin de faire croire que des actifs américains appartenaient à des citoyens suisses. Il aurait aussi organisé le retour de fonds offshores, en prétendant qu'il s'agissait d'héritages de familles étrangères. La justice américaine s'active. Tout comme les représentants du fisc américain, l'Internal Revenue Service (IRS), qui ne comptent pas en rester là après l'accord conclu cette semaine avec le gouvernement suisse et UBS pour que cette dernière leur communique 4 450 noms de riches clients sur plus de 50 000 soupçonnés d'évasion fiscale. UBS proposera ces noms aux autorités suisses qui décideront de les transmettre ou non aux Américains. Pour Douglas Shulman, le patron de l'IRS, "les ménages aisés qui ont caché leur argent à l'étranger vont se retrouver dans le pétrin". Car l'accord passé avec UBS est "une étape majeure pour lever le voile sur le secret bancaire et combattre l'évasion fiscale offshore". Au-delà de UBS, les fins limiers de l'IRS et du ministère de la Justice disent s'intéresser à d'autres intermédiaires, petites banques privées et cabinets juridiques complices des fraudeurs. Pour mener à bien leur opération mains propres, les pouvoirs publics tablent sur un programme de dénonciation volontaire proposé aux détenteurs de comptes offshores et mis en place depuis le printemps. Ce programme, qui s'achève le 23 septembre, donne une dernière chance aux 50 000 fraudeurs présumés d'UBS et aux autres de se déclarer au fisc. "Beaucoup d'Américains vivent dans l'angoisse. Le gouvernement a sans doute fissuré le mur du secret bancaire suisse, estime Bob Ray, avocat du cabinet juridique new-yorkais Pryor Cashman, un ténor de la défense des criminels en col blanc. Ceux qui ont peur d'aller en prison vont se dénoncer." Bob Ray soupçonne les représentants de l'IRS d'avoir volontairement laissé dans le vague la façon dont les 4 450 noms seront sélectionnés. Les Suisses vont-ils d'abord livrer aux Etats-Unis les plus gros fraudeurs ? Ou tirer au sort les noms soumis aux autorités américaines ? Dans le doute, certains clients de Bob Ray préfèrent passer aux aveux. Ils évitent la prison, paient six ans d'arriérés d'impôts et une pénalité de 5 à 20 % sur la somme placée a l'étranger. D'autres clients, poursuit Bob Ray, vont "rapatrier leur argent comme si de rien n'était, en espérant que la main droite du gouvernement ignore ce que fait la main gauche". Troisième possibilité enfin, ne rien faire, rester dans l'ombre, espérer que son nom passera inaperçu… et risquer de tout perdre. "Vous savez, conclut l'avocat, il y a des gens plutôt sympathiques parmi les fraudeurs, des petits-fils de survivants de l'Holocauste, par exemple, qui ont simplement hérité du compte offshore." Le plaidoyer de Bob Ray ne touche guère Carl Levin. Le sénateur démocrate du Michigan est persuadé qu'il faut frapper encore plus fort pour mettre fin "aux abus du secret bancaire et aux paradis fiscaux". Pour lui, 100 milliards de dollars (plus de 67 milliards d'euros) disparaissent chaque année en évasion fiscale. Et l'accord passé entre UBS et le fisc américain n'est qu'une "modeste avancée" pour récupérer cette somme. Car "les procédures d'UBS sont longues, complexes et elles dépendent de la bonne volonté du gouvernement suisse". Le sénateur veut aller plus loin avec son projet de loi "arrêt des évasions fiscales". Ce projet interdirait aux institutions financières américaines de travailler avec des banques étrangères qui entravent la fiscalité de l'oncle Sam. R.I