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Aït Amara fidélise son lien avec le saint Wedris
Sa population s'y rend de manière régulière
Publié dans La Tribune le 27 - 08 - 2009


Reportage réalisé par Amirouche Yazid
La nouvelle génération du village a bien des raisons de se poser la question sur l'enthousiasme que viennent d'exprimer une nouvelle fois les habitants d'Aït Amara, commune d'Akfadou, dans la wilaya de Béjaïa, pour un pèlerinage dans le sanctuaire de Sidi Ahmed Wedris -décédé en 1359 sans que la date de sa naissance ne soit connue-, sis dans le village Aït Ali Ou Mhand, à Illoula Oumalou, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Plus d'une centaine de personnes ont émis le vœu de faire partie de cette énième ziara en réponse à la sortie organisée par la dynamique association Afous du village. Le lien semble être charnel entre la population du village et ce lieu saint, géographiquement éloigné de plus de 200 kilomètres d'Aït Amara. La confirmation sera donnée dès les premiers pas du mausolée : l'exposition permanente qu'abrite le lieu saint indique que Sidi Ahmed Wedris avait séjourné au village Imaghdacène avant de s'installer à Aït Ali Ou Mhand. Le séjour de Sidi Ahmed Wedris à Imaghdacène ne pouvait pas se faire sans un passage à Aït Amara. «L'étape est incontournable», explique les anciens du village. C'est pour cette raison que les villageois d'Imaghdacène et d'Aït Amara demeurent fortement attachés à ce lieu saint dans lequel ils se rendent au moins une fois par an.
Après deux journées de réservation de places auprès des animateurs de l'association, le rendez-vous a été pris pour un énième voyage vers un lieu saint vieux de plus de sept siècles.
Le tombeau et la zawiya qui porte le nom de celui qui a enseigné Ibn Khaldoun à Bgayet ne désemplit pas. Les gens y viennent pour partager des moments de spiritualité, de communion et de joie.
La majorité des habitants du village Aït Amara, hommes et femmes, tenait à être du pèlerinage pré-Ramadhan. Il a fallu davantage d'efforts et de
mobilisation pour que les nombreux postulants ne soient pas déçus.
Tâche ardue devant les places limitées prévues et l'insistance des gens à y être de la virée spirituelle. Après une demi-heure d'audibles palabres, la ziara est engagée. Le quitus de sortie sera involontairement signifié par Ami El Hadj Tahar, assis au devant de l'épicier «la Flèche». Dans les bus, la tonalité diffère selon la composante.
Chez Zoubir, dont la manière de conduire rappelait celle de son défunt père Lamri, -paix pour son âme-, l'animation n'a pas manqué sous le rythme musical du dernier album de Mohamed Allaoua «El Houbiou Amezwaru, El Houbaou Anagaru…».
Ce qui n'a pas visiblement plu aux octogénaires du voyage, qui avaient du mal à se rappeler que la religion est, avant tout, une culture d'amour.
L'ambiance était encore plus décontractée dans le bus qui transportait Da El Hamid et ses complices. Avant d'arriver à destination, il a fallu parcourir un long et sinueux chemin. Les paysages feront néanmoins oublier aux pèlerins les multiples embauches rencontrées ici et là sur… les chemins qui montent. Les habitants d'Aït Zikki ne s'étaient pas encore réveillés d'une nuit de fête quand les villageois d'Aït Amara se rapprochaient de Sidi Ahmed Wedris.
A quelques kilomètres d'Aït Zikki, la population de Taourirt Bwar scrutait le moindre coin d'ombre pour éviter le soleil d'aplomb qui battait sur les lieux.
Sur les lieux, les anciens du village seront une nouvelle fois sollicités pour identifier ce qui est appelé «la chambre d'Aït Amara». Un fonctionnaire allait commettre un sacrilège en niant un tel fait. Il a fallu l'arrivée de Hadj Amar pour indiquer la modeste chambre qu'utilisent les villageois à chaque séjour qu'ils effectuent à Wedris. Dans les allées du mausolée, les visiteurs couraient dans tous les sens. Ils s'interrogent sur tous ce qui a trait à ce lieu saint.
La disponibilité de l'imam Rachid à répondre à toutes les interrogations élimina tous les tabous bien que c'est lui-même qui s'est invité à la question
de la progéniture de Wedris, «un sujet source de manipulation».
L'imam Rachid fait apprendre à son auditoire que Sid Ahmed Wedris ne s'était jamais marié. Explication : sa chatte perdit ses habitudes disciplinaires dès qu'elle mit bas ses premiers chatons. A partir de ce «fait» Wedris décida de ne pas s'engager à contracter de mariage. Un tel cheminement fait qu'aucune tribu, ni groupe social ne peut revendiquer son héritage. «La zawiya n'appartient pas à un seul lignage maraboutique, le saint fondateur n'ayant pas laissé de
descendance. Ceci permet aux différents groupes se réclamant de sa protection d'accomplir, chacun selon sa propre conception, des pratiques aussi diverses qu'antagonistes et d'intervenir, les uns et les autres, dans la gestion e la zawiya...», écrit le professeur Mustapha Haddab dans la préface du livre cité plus haut. Un récit témoigne de la rétrogradation de l'un des trois sites «annexes» du mausolée.
Le marché du jeudi (Ssuq n lexmis), qui faisait animer jadis les activités des visiteurs, n'attire plus à présent. «L'emplacement du Ssuq permet à plusieurs tribus de retrouver chaque jeudi, en plus des pèlerins qui viennent de tribus plus éloignées tels que les At Yemmel et At Aïssi. Le jeudi, la majorité des pèlerins qui ont passé la nuit dans la zawiya se rendent au Ssuq lekhmis, qui s'en trouve éloigné de cinq kilomètres au pied de la montagne et à
l'endroit de la rivière qui porte le nom d'«assif maruc» […]. Suivant le rite, à leur arrivée au Ssuq, les pèlerins doivent acheter individuellement ou en groupe des poumons destinés aux chats qu'on appelle communément les achats de Wedris, puis chaque pèlerin doit faire sebaa rrehbat, c'est-à-dire que chacun des membres du groupe fera l'achat des sept objets ou aliments différents et cela chez sept commerçants du marché», écrit Mohand Akli Hadibi dans son livre-recherche consacré à ce lieu saint sous le titre Wedris, une totale plénitude.
Les deux autres sites préservent leur attractivité. Il s'agit du sanctuaire de Sidi Abderrahmane et du bassin de Wedris (Ta'wint n Wedris). Les pèlerins se rendent dans le sanctuaire de Sidi Abderrahmane (1603-1693) après avoir visité le tombeau de Wedris. Ici le rite principal est accompli par les femmes qui accèdent à la qubba pieds nus. Mode d'emploi : elles tournent autour de la qubba et versent de l'argent à titre d'El Waada. Pendant ce temps, les hommes, qui attendaient les femmes sortir de la qubba, écoutaient les données historiques du «cheikh» du coin. Pas loin du sanctuaire de Sidi Abderrahmane est implanté l'institut islamique qui a pour mission de former des imams. Pour ce qui de Ta'wint n Wedris, c'est un petit bassin situé presque au point corner du stade du village. Pourquoi cette source constitue-t-elle une escale incontournable pour tous les visiteurs de Wedris ? «La source a jailli après un coup de canne de Sidi Ahmed Wedris à son arrivée au village Aït Ali Ou Mhand», nous explique un des imams de la zawiya. Les pèlerins se rendent à Ta'wint n Wedris pour accomplir le rituel nommé «aquessem» qui voit les visiteurs jeter des pièces de monnaie dans le bassin et espérer une réponse favorable du saint.
Comment se rendre à l'évidence de «la réussite» de l'opération ? Un abonné des lieux explique que la façon dont est accompli le rite a changé avec le temps. Jadis, les visiteurs tiennent à vérifier si des bulles se sont formées là où est tombée la pièce de monnaie pour dire que les vœux émis par les femmes ont été exaucés. On entendait dès lors des youyous, synonymes de satisfaction. Aujourd'hui, l'essence du rite est complètement oubliée bien que les pèlerins y viennent et jettent des pièces de monnaie que les enfants du village d'Aït Ali Ou Mhand récupèrent sitôt les visiteurs repartis. Le retour s'est effectué dans la joie et la gaité avec l'espoir d'avoir ramené la baraka du lieu saint. Et la promesse de revenir dans un avenir proche avec la présence de ceux qui n'étaient pas du voyage du 18 août 2009.


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