Azzefoun. Acoustique et résonance amazighes, sans doute. Une chaîne montagneuse d'une vingtaine de kilomètres qui marie ses cimes verdoyantes avec le bleu de la Méditerranée. Impossible d'ignorer cette région qui, à elle seule, recèle toutes sortes d'informations sur la multitude de civilisations antiques et anciennes qui ont marqué les deux rives de la Méditerranée. Un véritable trésor historique et archéologique pour ceux qui savent la valeur d'une telle ville. Un site touristique indéniable à rentabiliser pour le bien de l'économie locale. Ce n'est malheureusement pas le cas. Mais la région d'Azzefoun continue de se protéger par ses propres et rudimentaires moyens, grâce à ses enfants qui perpétuent la renommée de leur ville charme, grâce à la sérénité tirée de la mer qui la protège. Azzefoun (colline conique isolée, en tamazight), Rosazus à l'époque romaine, Port Gueydon à l'époque française, ne date pas d'hier et n'est pas prête à mourir aussi rapidement qu'on peut le déduire du laisser-aller et de son abandon par les autorités du département de la culture. Elle se préserve et échappe à l'agonie comme elle peut, pour faire honneur aux Amazighs, aux Phéniciens, aux Romains et à tous les peuples qui l'ont aimée d'une façon ou d'une autre, par la guerre ou l'amitié. Située à une soixantaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou et à autant de distance à l'ouest de Béjaïa, Azzefoun a surtout été une halte privilégiée pour les Romains, comme peuvent en témoigner encore les vestiges rescapés et toujours sans l'entretien que requiet leur intérêt. Les allées couvertes, au village At R'houna, dans la même commune, et l'ancien village Azzefoun, en sont les témoins de cette gestion chaotique… Des écrits ont souligné la situation géographique stratégique en temps de guerre qu'occupe l'ancienne ville d'Azzefoun qui pouvait échapper aux assauts des armées de l'époque. Une vraie et sûre colline d'où l'on pouvait guetter et faire échec aux opérations des ennemis venus de tous les côtés. Les restes de la porte principale au nord de la ville, appelée Tihouna, haute de 4,66 m, renseignent sur l'importance militaire de cette cité, selon des recherches entreprises à l'époque coloniale. Les forts protecteurs de la ville, cinq au total, sont construits sur des pentes difficiles d'accès, le nord étant naturellement à l'abri des atteintes en raison de son relief. Des ruines de maisons romaines, sur une vaste superficie, sont toujours visibles sur place, il s'agit de celles de murs effondrés et de colonnes de maisons qui ne sont plus là, en plus de restes de matériaux, sculptures et moulins utilisés dans la vie quotidienne de la cité romaine. Beaucoup de ces vestiges à la valeur inestimable se retrouvent dans les clôtures et digues érigées par les villageois. Un habitant, qui a entamé des travaux de terrassement, a découvert, enfouies à près de deux mètres de la surface, une jarre géante et plusieurs autres du même calibre, retrouvées alignées au même endroit. La construction de nouvelles maisons sur le site empêche pour le moment de déterminer le prolongement de cette découverte. Des dessins représentant des scènes de la vie de l'époque sont visibles sur les jarres, qui auraient été «enterrées» par les habitants pour «mieux les protéger» faute de motivation de la part des autorités. D'autres jarres, gigantesques, destinées au vin ou au blé, plus ou moins similaires, ont été découvertes au lieudit Tardiou, à l'entrée ouest d'Azzefoun. Un arc à deux colonnes a également été découvert non loin de l'endroit où ont été localisées les jarres. Des vestiges parfaits de cinq sections de thermes avec des sortes de chaudières et une douzaine de citernes, des châteaux d'eau et un puits toujours généreux sont là visibles pour témoigner du progrès de la civilisation romaine. L'eau était acheminée via des canalisations souterraines en pierre entrecoupées de regards pour leur entretien à partir de la région de Tamgout (1 200 m d'altitude) à environ cinq kilomètres à vol d'oiseau. Une œuvre hydraulique géniale. Des dizaines de siècles après, en 2009, on n'est pas encore arrivé à alimenter régulièrement en eau potable les habitants d'Azzefoun qui souffrent de ce manque en été en même temps que les milliers d'estivants qui la préfèrent par affection à beaucoup de destinations touristiques huppées ! Mercier, dans Notes sur les ruines et les voies antiques de l'Algérie, bulletin du comité archéologique, Paris, 1886, a écrit que les Romains se sont établis dans cette région d'Azzefoun aux endroits peuplés par les populations locales qui étaient plus nombreuses que les Romains et a décrit celles-ci comme étant un peuple organisé constitué d'artisans de qualité et riches. Azzefoun, centre militaire stratégique et commercial, élevé à un degré de progrès de première importance à l'époque romaine, va mal en 2009. Pourquoi ?