Le mur de la honte est incontestablement l'une des preuves concrètes de la cruauté de l'armée israélienne occupant les territoires palestiniens. Une barrière coupant en plein milieu la Cisjordanie, constituant ainsi un obstacle majeur pour la communauté palestinienne. Ce dernier a fait l'objet d'un documentaire intitulé Un mur à Jérusalem projeté lundi dernier à la salle Ibn Zeydoun à l'occasion des soirées «Palestine Live». Réalisé par Franck Salomé, cette œuvre de 45 minutes a radicalement plongé les spectateurs au cœur de la souffrance d'un peuple meurtri, humilié et privé de ses droits les plus légitimes. Interdiction de circuler au-delà du mur sauf en cas d'obtention de permis, un document que les Palestiniens voient comme une véritable atteinte à leur dignité. Allant en profondeur, le réalisateur a opté pour un documentaire dans le genre reportage avec des intertitres, il s'est carrément penché sur les désavantages créés par ce mur, n'épargnant aucun détail. Plusieurs secteurs ont été affectés : la santé, l'économie et la vie de famille. Comme pour mettre le public dans le bain, le documentaire débute avec une série de déclarations faites par des Palestiniens mais aussi des israélites, des personnages qui dénoncent la construction de ce monument de la honte. Un spot télévisé diffusé sur la chaîne israélienne rapporte que ce mur a pour but de protéger les occupants des attaques dites terroristes du peuple palestinien… foutaise. Une clôture plus grande que le mur de Berlin chamboulant le quotidien d'un pauvre peuple déjà désespéré. En effet, Israël va annexer unilatéralement une partie substantielle de la Cisjordanie en resserrant les barrages militaires autour des villes palestiniennes, en y enfermant ainsi efficacement les habitants. Des maisons se trouvant sur la frontière ont été détruites, des familles chassées, les commerces abandonnés mais les Palestiniens ont vu pire. Se retrouvant minoritaires et séparés, ils tentent tant bien que mal de s'y faire, un effort surhumain est demandé. On retiendra surtout l'image du petit garçon atteint d'un cancer dont la maman souffre le martyre pour lui procurer des soins. Une vie amère Appuyé sur ses béquilles, le petit garçon doit obligatoirement traverser le mur pour se rendre à l'hôpital situé du côté est de la Cisjordanie «partie occupée». Lorsqu'il arrive au check point, le barrage de l'armée israélienne l'oblige à aller à pied jusqu'à l'hôpital sans parler des tracasseries pour obtenir le permis de circulation. «Mon enfant est à la merci de l'armée, sa vie dépend des soldats, ce barrage nous fait perdre un temps précieux. Sans parler qu'au bout de trois mois son permis sera périmé et là toute la procédure est à refaire», dira sa maman désemparée. Il est deux heures du matin, une longue file d'attente s'est formée devant le barrage, ce sont les travailleurs palestiniens exerçant du côté est de la ville. Ils tentent de se rendre sur leurs lieux de travail face à une armée sans pitié et méprisante. «C'est chaque jour comme cela. Je dois être ici tôt car l'armée israélienne vérifie quotidiennement nos permis de circulation. Ils sont imprévisibles et cruels, ils peuvent même te déchirer le document par pur plaisir, on dépend de leur humeur», dira un jeune étudiant qui vend du café du côté est. Mais le sadisme de l'armée israélienne ne s'arrête pas là, les soldats n'épargnent personne, petits et grands subissent ce drame. «Ma femme habite le côté est de la ville, cela fait longtemps que je ne l'ai pas vue et cela à cause de ce permis», dira un citoyen. Catherine Wilson, présidente du comité contre la destruction des maisons, s'adresse à la caméra, marchant à travers les ruines d'un immeuble de sept étages, elle dénonce la situation : «Les Palestiniens sont chassés de chez eux, l'armée exige qu'ils aient un permis de construction, un document impossible à se procurer… il coûte cher et ne couvre même pas les frais de l'architecte, rien.» Les images parlent d'elles-mêmes, l'ambiance est glaciale et dégage de l'amertume. Le mur est tagué de plusieurs images qui reflètent la haine, la colère. On retiendra surtout le tag représentant une jeune Palestinienne portant un keffieh et qui dit : «Je ne suis pas une terroriste.» Un jeune médecin palestinien déclare : «Ce mur n'a pas servi à instaurer la paix comme les Israéliens le disent, il nourrit la haine seulement.» Une femme rabbin confirme que «la religion et la conscience juive interdisent ce genre d'agissements, c'est une honte pour nous». Le documentaire se clôture avec une seconde série de déclarations qui n'annoncent rien de bon. «Nous n'avons plus d'espoir», dira une jeune femme. «Ce mur n'a pas séparé les Palestiniens et les Israéliens, il a plutôt divisé les Palestiniens», déclare un vieux de Ramallah. Diviser pour mieux régner semble être la devise des occupants qui, chaque jour, inventent de nouvelles lois ne visant qu'à faire de la vie des Palestiniens un enfer. Soixante ans de douleur et le pire est à venir, l'appel au secours n'a jamais cessé de résonner, des enfants ont été tués, des maisons démolies et une ville occupée violemment… une question s'impose : les Palestiniens sont-ils seuls au monde face à leurs exterminateurs ? Dal'ouna, une musique de résistance À la fin du documentaire, un tonnerre d'applaudissements emplit la salle. Le public est en larmes. L'œuvre pertinente et réaliste a ému et touché. La deuxième partie de la soirée est assurée par le groupe de musiciens venus de Ramallah, Dal'ouna, qui enchantera le public avec une série de compositions musicales inspirées du patrimoine palestinien. Le leader du groupe Ramzi Abu Redouane, avec son bouzouki, a dévoilé ses plus belles compositions : Bahr et Soudfa. Il ne manque pas non plus de relater son enfance passée dans le camp de Ramallah, là où à ses moments perdus il taillait des pierres pour les jeter sur l'ennemi. «Je me rappelle le plaisir que j'avais à assommer les soldats israéliens, moi avec mes pierres et eux avec leurs balles, je devais courir pour sauver ma peau», dira-t-il avec un léger sourire. Aussi très inspiré et influencé par le grand Marcel Khalifa, il lui rendra hommage à travers la reprise du titre Yuma win el hawa. Le groupe interprétera également le titre Ya bahdjet errouh. Le public est conquis par de tels morceaux surtout lorsque Ramzi exécute un solo remarquable. De la modestie, du savoir-faire et beaucoup d'engagement sont des qualités qui ont fait de Dal'ouna la référence d'aujourd'hui, des jeunes auxquels pourtant la vie n'a rien promis mais qui se sont donnés à fond pour sauver leur culture et la faire connaître. Ramzi Abu Redouane se justifie très bien sur ce sujet. «Malheureusement vous ne pouvez pas vous rendre à Ramallah, donc c'est nous qui venons chez vous», dira-t-il avec son sourire légendaire. W. S.