Les Palestiniens continuent à mourir dans l'indifférence générale d'une communauté internationale plus sensible à la mort des Israéliens. Une sorte de racisme à rebours qui fait que la communauté internationale ne manque jamais de condamner vigoureusement les opérations des fedayins palestiniens mais observe un curieux silence lorsque ce sont les Palestiniens, souvent de très jeunes enfants, qui tombent sous les balles de l'armée israélienne d'occupation. A Naplouse, samedi, ce sont quatre Palestiniens, dont trois ne dépassaient pas l'âge de 18 ans, qui ont été froidement assassinés par les soldats israéliens. Cette facilité à tuer les Palestiniens a été d'ailleurs dénoncée hier par un lieutenant-colonel israélien, Eytan Ronel, qui a remis ses galons à son chef d'état-major, indiquant à la radio publique israélienne «L'armée ne respecte plus les valeurs éthiques qui ont été jadis les siennes. Des enfants tombent régulièrement sous nos balles dans les territoires palestiniens occupés: c'est à la fois illégal et immoral». Ce dont n'a cure, c'est le moins qui puisse être dit, le général Sharon, bourreau par ailleurs des Palestiniens à Sabra et Chatila. Le problème dans les territoires palestiniens occupés demeure l'impuissance de la communauté internationale, quoique reconnaissant le caractère colonial du conflit israélo-palestinien, à imposer à Israël ce qu'elle a su exiger, sans état d'âme dans le cas d'autres dossiers similaires. En fait, l'occupation des territoires palestiniens devient une véritable quadrature du cercle, lorsque le gouvernement israélien prétend à la fois travailler à la recherche de la paix quand, dans le même temps, il consolide la présence israélienne dans les territoires palestiniens par l'accélération de l'implantation coloniale. Des implantations qui rendent quasiment hypothétique la mise en oeuvre de la «feuille de route» (le plan de paix internationale conduit par le quartette formé des USA, l'UE, l'ONU et la Russie), et l'érection de l'Etat palestinien indépendant prévu à l'horizon 2005. Le temps avance alors même que la «feuille de route» en est encore à une période de tâtonnement du fait des obstructions qu'érige le gouvernement israélien telles que la construction de mur qui empiète profondément sur les territoires de la Cisjordanie. Outre le mur dont l'érection est condamnée, sans résultat, par la communauté internationale, Israël a également déployé tous ses moyens pour empêcher le dialogue inter-palestinien et faire obstacle à un consensus permettant la mise en place d'un cessez-le-feu. En effet, à chaque fois que le Hamas, le Djihad islamique et le Fatah, notamment, sont sur le point de conclure un accord, l'armée israélienne d'occupation intervient par assassinat-ciblé de cadres des mouvements palestiniens remettant chaque fois en cause l'accord de trêve ébauché. C'est en fait le scénario même qui a occupé toute l'année qui vient de s'écouler Israël veillant à brouiller les cartes pouvant amener à une décantation du champ politique et militaire dans les territoires palestiniens occupés. C'est tellement vrai qu'Israël s'est attelé ces derniers mois à contrecarrer toutes les tentatives visant à rapprocher les points de vue entre Palestiniens et Israéliens. La construction du mur de l'apartheid, comme le qualifient les Palestiniens, les représailles contre la population comme celles de samedi à Naplouse, les destructions des habitats et des champs palestiniens, l'expansion des colonies de peuplement, tout cela entre dans la perspective de déstructurer les territoires et rendre vaine et sans effet l'éventuelle création de l'Etat palestinien, car les conditions qui lui sont faites par Israël le rendaient peu vraisemblable et non-viable. Israël ne veut pas de la paix, du moins une paix qui ne soit pas imposée par Tel-Aviv, négociée entre les parties palestiniennes et israéliennes. C'est également dans cette optique, d'imposer le diktat d'Israël, que Sharon, en réponse aux avances du président syrien, Bachar Al-Assad, proposant de revenir à la table de négociations, -négociations interrompues depuis 2000-, fait adopter par son cabinet, mardi dernier, un projet d'extension de la colonisation du Golan syrien occupé en 1967. Hier, le chef des renseignements militaires israéliens, Aharon Zeevi, a estimé, selon la radio publique israélienne, que «les ouvertures (appel à une reprise des négociations gelées en janvier 2000) faites par le président syrien sont sérieuses». Toutefois, ces ouvertures des Syriens, autant d'ailleurs que celles faites par les Palestiniens, se heurtent à l'intransigeance des dirigeants israéliens plus soucieux d'imposer, y compris par la force, la paix israélienne. Cependant si Israël a jusqu'ici réussi à faire avorter toutes les tentatives de trouver un accord, permettant de relancer le processus de paix dans la région, cela est dû au soutien sans réserves, et sans conditions, de Washington à la démarche de l'Etat hébreu, même lorsque celle-ci allait à l'encontre du processus de paix. De fait, l'occasion la plus claire de donner sa chance au processus de paix a été le projet de résolution du Conseil de sécurité, en mars 2001, d'envoi d'une force internationale d'interposition entre Palestiniens et Israéliens, envoi récusé par Israël et bloqué par le veto de Washington. Israël ne voulait pas que s'établissent des frontières internationalement reconnues entre Israël et les territoires palestiniens occupés. En fait, le moins qui puisse être souligné est que la paix ne peut pas s'établir si Israël persiste à ne pas reconnaître la Cisjordanie et Gaza comme terrain d'assiette du futur Etat palestinien, continuant, en revanche, à judaïser les territoires palestiniens, enlevant par là tout sens à la «feuille de route» qui prévoit l'érection de l'Etat palestinien.