Une courbe est une ligne qui monte, se stabilise, descend pour remonter de plus belle ou dégringole encore plus bas. Ça dépend des données qui la définissent dans l'espace et le temps. Elle représente souvent la variation d'une grandeur quelconque en fonction d'une ou plusieurs autres variables bien définies. En théorie les courbes peuvent être des droites qui montent ou descendent exclusivement, mais dans la vie l'allure d'une courbe n'est jamais constante. Tout se transforme. Les rapports changent à chaque instant. C'est cette prédisposition instantanée des choses à la modification, cette possibilité perpétuelle de bouleversement qui fait la vie et l'espoir. Une courbe qui ne fait que monter est, par conséquent, peu naturelle. C'est peut-être le qualificatif qui traduit le mieux à la tendance du marché national de l'alimentaire depuis le début du mois de Ramadhan. Çà ne fait que monter. La cherté des produits de première nécessité est visiblement simulée. La forte pression spéculative et la main mise sur les circuits de distribution des vivres se font vivement sentir. D'ordinaire, après la fièvre compréhensible des premiers jours, les choses reviennent progressivement à une certaine normalité à laquelle on finit, tous, par s'accommoder. Même si ce semblant d'équilibre n'arrangeait pas tout à fait les petites bourses, les consommateurs réussissent cependant à tirer, plus ou moins bien, leur épingle du jeu. Cette fois, c'est complètement différent. La mercuriale n'a pas connu de baisse notable. Bien au contraire, sa tendance globale est franchement haussière. Pour calmer les craintes des ménages, la tutelle avait prévu, au tout début, un fléchissement rapide des prix à la faveur d'une amélioration progressive de l'approvisionnement. Finalement, rien de tel. Les fruits et légumes, les viandes et les friandises atteignent aujourd'hui des sommets jamais égalés auparavant. C'est carrément hors de portée même pour les bourses moyennes. Le foie ou la crevette tutoient, désormais, le caviar. Malgré toutes les dénonciations exprimées çà et là, malgré les quelques tentatives de régulation initiées par les pouvoirs publics, les spéculateurs ont tenu «bon» cette fois en allant jusqu'au bout de leur logique usurière. L'agressif exploit qu'ils viennent ainsi de réaliser leur confère une force et une certaine autorité sur le marché. C'est d'autant plus inquiétant que le pouvoir d'achat des Algériens ne cesse de fondre comme neige au soleil à la veille d'une rentrée sociale qui s'annonce morose. L'Etat est interpellé pour soustraire le marché à l'emprise de ces réseaux, à la limite maffieux, et en garantir aussi le contrôle le plus strict. Evidemment, il n'est pas juste que des intermédiaires s'érigent entre le producteur et le consommateur pour prendre le beurre et l'argent du beurre. Il n'est pas normal que le poulet, vendu à 200 dinars au poulailler, puisse atteindre le double sur l'étal d'une boucherie. Cette marge est beaucoup trop grande pour qu'elle soit justifiée par la liberté des prix. Çà s'appelle de l'arnaque. Et la loi doit punir ce genre de délits. K. A.