«Parmi les dirigeants d'entreprise interrogés, près de 2 sur 5 ont déclaré avoir été invités à verser des pots-de-vin dans le cadre d'une négociation avec un organisme public. La moitié d'entre eux ont déclaré que la corruption augmentait le coût des projets d'au moins 10%. Un sur cinq a affirmé avoir perdu un contrat en raison des pots-de-vin versés par un concurrent.» C'est la conclusion à laquelle est arrivée Transparency International, qu'elle publie dans son rapport 2009 sur la corruption au sein du secteur privé. C'est dire que le phénomène a pris une ampleur inquiétante. Cela explique pourquoi les opérateurs économiques, légalistes, trouvent toutes les difficultés du monde à concrétiser un projet ou à créer une entreprise. La gangrène est désormais bien ancrée. L'organisation non gouvernementale n'a pas tort en affirmant que le «secteur privé continue de jouer un rôle particulièrement exposé en tant que fournisseur de paiements occultes aux fonctionnaires, membres du gouvernement et partis politiques […]. La corruption encourage une culture d'impunité et de corruption récurrente, fragilise le fonctionnement des institutions publiques et nourrit auprès du public le sentiment que les autorités et les fonctionnaires se vendent au plus offrant […].» Tirant la sonnette d'alarme, comme de tradition, et en dépit des efforts qu'elle a constatés en matière de lutte contre la corruption par les privés, Transparency International (TI) affirme, toujours dans le même rapport, que les conséquences sont dramatiques : «Dans les seuls pays en développement et en transition, les politiciens et fonctionnaires de l'Etat corrompus reçoivent des pots-de-vin estimés entre 20 et 40 milliards de dollars chaque année, soit l'équivalent d'environ 20 à 40% de l'aide publique au développement.» Outre le coût financier engendré, la corruption, estime l'ONG, «lorsqu'elle incite les entreprises à ignorer la loi, les conséquences peuvent être multiples : pénurie d'eau en Espagne, exploitation des travailleurs en Chine, exploitation illégale du bois en Indonésie, médicaments dangereux au Nigeria». Le document de TI révèle en outre qu'il existe des liens étroits et permanents entre les entreprises et les gouvernements aussi bien dans les pays industrialisés que dans ceux en développement. «Au Royaume-Uni, les entreprises ayant noué des relations politiques représentent 40% de la capitalisation boursière.» Les activités de lobbying ne sont pas en reste. Elles prennent une ampleur inquiétante. «A Bruxelles, quelque 2 500 organisations de lobbying, employant environ 15 000 lobbyistes, rivalisent pour tenter d'influencer les décisions politiques de l'UE. Aux Etats-Unis, les dépenses des entreprises consacrées aux activités de lobbying ont fortement progressé, et à l'échelle des Etats, ces dépenses s'élèvent en moyenne à 200 000 dollars par législateur, 5 lobbyistes se disputant l'attention de chaque parlementaire.» Mais la corruption n'existe pas uniquement au sein du privé. Elle continue malheureusement à gangrener d'autres secteurs. Selon le baromètre 2009 de TI, les partis politiques se taillent la part du lion en matière de corruption et de pots-de-vin, suivis de la justice, du pouvoir législatif, des administrations et autres institutions étatiques. L'ONG souligne toutefois que quelques progrès ont été accomplis par certains Etats en matière de lutte contre ce phénomène. Le Rwanda est particulièrement cité en exemple. Un haut fonctionnaire a été limogé en février de cette année et un ex-membre du gouvernement du même pays a été condamné le mois dernier à la prison ferme pour évasion fiscale. C'est dire que, quand il y a une réelle volonté politique des gouvernants, le phénomène peut être atténué, voire endigué. F. A.