Gai, gai l'écolier, l'école fondamentale est révolue. Après les critiques à propos des sacrifices de générations d'écoliers depuis la fin des années 1970, il était devenu urgent de revoir la politique d'éducation nationale. En avril 2002, le Conseil des ministres adopte le nouveau plan d'action de mise en œuvre de la réforme du système éducatif national. Engagé depuis la rentrée scolaire 2003, le nouveau pla s'articule autour de trois éléments essentiels, à savoir la mise en place d'un système de formation et d'évaluation de l'encadrement, la refonte de la pédagogie et des champs disciplinaires et la réorganisation générale du système éducatif. Dans le premier volet, qui concerne principalement la formation des enseignants, le ministre M. Boubekeur Benbouzid, dans une de ses nombreuses sorties médiatiques, avait déclaré que 280 000 enseignants allaient suivre des formations continues, dont 171 000 dans le cycle primaire et 110 000 dans le secondaire. L'objectif est d'atteindre 90% d'enseignants détenteurs d'une licence contre 14% actuellement. Il était temps. Car, en décembre 2006, le même ministre révélait une réalité choquante. Plus de 85% des enseignants du cycle primaire n'étaient pas titulaires du baccalauréat. Ils étaient 65% dans le cycle moyen. Pourtant, l'université algérienne produit annuellement 120 000 diplômés, dont 14% se retrouvent sans emploi. Donc, le problème du déficit en enseignants qualifiés se pose avec acuité. Particulièrement dans les langues étrangères et principalement pour le français. Une situation qui a obligé le ministère à prendre une décision que d'aucuns ont qualifié de bricolage en dispensant les élèves de 6e année primaire, dans certaines régions du pays, de l'examen du français. Pour l'année prochaine, le même ministère a décidé d'ouvrir plus de 26 000 nouveaux postes budgétaires. Mais est-ce suffisant pour encadrer plus de 8 millions d'élèves, dont 3,3 millions dans le cycle moyen, pour la rentrée prochaine ? Au-delà des chiffres, le vrai problème ne se situerait-il pas au niveau du statut de l'enseignant ? Il est clair que les jeunes universitaires ne se bousculent pas au portail des écoles. Et pour cause. Le secteur est peu attractif. Au-delà de l'aspect noble du métier, le reste ne suit pas. Un constat dûment établi par les différents syndicats des enseignants qui n'ont cessé de manifester leur mécontentement quant à leur situation. Le statut de l'enseignant et la grille des salaires ont été les principales revendications des syndicalistes qui reprochent aux pouvoirs publics le manque de concertation et l'absence de dialogue. S'agissant du second volet, relatif à la refonte de la pédagogie et des champs disciplinaires, il est à noter que la réforme des programmes et des manuels scolaires s'est déroulée par paliers, touchant chaque année un nombre défini de classes. Ainsi, ce sont pas moins de 58,5 millions d'exemplaires de manuels scolaires, sur un besoin estimé à 65 millions, qui ont été élaborés suivant 181 programmes et 151 titres. Un reproche a toutefois été fait par les parents d'élèves concernant le prix d'un jeu de manuels et l'indisponibilité de ceux-ci au niveau de certains établissements scolaires. De son côté, le ministère reconnaît que ce déficit ne sera comblé qu'à la rentrée scolaire 2009/2010. L'application de l'approche par compétences dans le système pédagogique a aussi soulevé l'incompréhension, pour ne pas dire le scepticisme, chez certains enseignants qui (préconisent) la sélection précoce (dès l'année du BEM), la réduction de l'offre pédagogique par la suppression des savoirs hautement techniques et académiques et la création d'un marché du savoir grâce à la concurrence. Et même s l'approche par compétences est jugée efficace, elle nécessite beaucoup de temps et de moyens. Peut-on appliquer cette méthode dans des classes de 40 élèves ? Toujours au volet pédagogique, les élèves de terminale ont manifesté leur mécontentement quant à la surcharge des programmes. Une situation qui a conduit les autorités à limiter le seuil de révision pour l'examen du bac 2008. La réorganisation générale du système éducatif est le volet qui a provoqué le plus de confusion. L'introduction de l'enseignement de la langue française en 2e année primaire puis en 3e fut le premier couac enregistré. Viennent ensuite l'allongement de l'enseignement moyen et la réduction du cycle primaire, une opération qui se solde, dans cette phase de transition, par un rush sans précédent au niveau des CEM. Plus de 3,3 millions d'élèves sont attendus pour la rentrée prochaine dans le cycle moyen. Finalement, la révision du système éducatif en Algérie est nécessaire. Mais un projet d'une telle ampleur ne doit en aucun cas souffrir d'approximation. Même si, comme l'affirmait le ministre chargé du dossier, «les réformes ne sont pas “le Saint Coran”», il faut savoir que chaque modification risque de perturber des centaines de milliers d'élèves. Dans ce sens, pourquoi ne pas avoir procédé par étapes, en désignant des établissements pilotes. Une réforme d'une telle radicalité nécessite du temps. Si on peut récupérer et remettre à niveau, en cas de perturbation, une centaine ou même un millier d'élèves, peut-on en faire la même chose pour une centaine de milliers ? Il s'agit de toute une génération. Pendant ce temps, la seule chose qui reste immuable est la joie des élèves à l'approche de la fin de l'année scolaire. Alors, gai, gai l'écolier, c'est déjà les vacances. S. A.