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Une histoire aux relents d'hagiographie
Le 1er Novembre dans les manuels scolaires
Publié dans Liberté le 01 - 11 - 2008

Une polémique, par journaux interposés, s'est engagée ces dernières semaines autour d'une problématique cruciale pour la société algérienne : l'écriture de l'histoire de notre pays. Plus particulièrement celle du mouvement national.
Dans sa contribution publiée par le quotidien El Watan, un universitaire algérien a exhumé de l'oubli quelques articles de l'illustre théologien Abdelhamid Ibn Badis. Dans les années 1930, le fondateur de l'Association des ulémas prenait souvent sa plume pour éveiller les consciences. Dans la revue Ecchihab, il lui arrivait de délivrer des messages politiques dont certains s'opposaient à ceux du PPA de Messali El-Hadj, qui, lui, prônait l'indépendance. L'auteur par qui le “scandale” est arrivé n'a fait que reprendre fidèlement des passages d'articles du vénérable cheikh. Il ne les a ni tronqués ni maquillés à des fins de manipulation. C'est la première fois, depuis l'indépendance du pays, que l'opinion publique algérienne prenait connaissance des véritables positions politiques de feu Ibn Badis. Cette joute médiatique déclenchée par l'article d'El Watan nous rappelle une période noire de l'histoire récente du pays. C'était vers la fin des années 1980 – début 1990. Un mensonge grossier – à la Goebbels – était véhiculé par une certaine catégorie d'enseignants affiliés à la mouvance politico-religieuse.
Ils apprenaient à leurs élèves que l'appel du 1er Novembre était l'œuvre des ulémas musulmans algériens tant dans sa conception que dans sa rédaction. Cette contrevérité n'était mentionnée nulle part, ni dans les manuels d'histoire ni dans le discours officiel. Cette manipulation à grande échelle a laissé des traces dans les esprits et le peuple algérien n'en finit pas de payer le prix. La question à poser est celle de savoir comment une telle manipulation a pu prendre racine ? L'une des réponses se niche dans les contenus des manuels scolaires d'histoire.
L'histoire dans l'école fondamentale
Pour lever toute équivoque, nous prenons la précaution de préciser que les contenus des manuels d'histoire ne sont que la traduction, en termes scolaires, des écrits émanant de deux sources. D'un côté, la recherche universitaire, et de l'autre, la conception officielle de l'histoire d'Algérie. Ces deux sources inspirent et orientent les auteurs des manuels et les concepteurs de programmes. Il y a lieu de distinguer les deux périodes charnières qui caractérisent l'Ecole algérienne : l'avant-réforme et la période d'après 2001.
À partir de la généralisation de l'école fondamentale, en 1981, les manuels d'histoire devaient s'inspirer du texte de base réglementant le système scolaire, à savoir l'ordonnance du 16 avril 1976.
Celle-ci stipule que “I'Ecole algérienne a pour mission de former et d'éduquer dans le respect des valeurs arabo-islamiques et dans l'éveil à la conscience socialiste”. Ces manuels vont être élaborés dans le but de traduire cette orientation idéologique fondamentale. Ils seront en circulation pendant au moins deux décennies. Les leçons, qui sont servies aux élèves, tous paliers confondus, en seront fortement imprégnées. Fidèle au pouvoir, la censure scolaire allait carburer à fond. Elle frappera des figures de proue du mouvement national : Messali El-Hadj, Abane Ramdane, Ferhat Abbès et tant d'autres. Quand ils étaient évoqués, c'était de façon furtive afin de ne pas focaliser l'attention des élèves. Les phases de développement de la révolution de Novembre étaient relatées loin de toute objectivité pour ne pas déroger aux règles de l'allégeance. Les qualificatifs grandiloquents, les formules pompeuses et le référant religieux omniprésent ne pouvaient susciter la curiosité des élèves. Le cours d'histoire devenait ennuyeux, surtout qu'il exigeait l'effort soutenu de la mémoire. Au détour de chaque page, les textes regorgeaient de dates, de noms, de faits d'héroïsme, des victoires datées et localisées à des endroits choisis à dessein. L'élève devait les mémoriser sans chercher à en comprendre les tenants et les aboutissants. Nous sommes à mille lieues de l'histoire en tant que discipline d'analyse qui participe à I'éveil et au développement des capacités supérieures : le sens de l'observation, I'esprit critique, le sens du jugement notamment. Une seule méthode était préconisée : la mémorisation. Elle convient à merveille à l'objectif fixé implicitement : avaler sans digérer des connaissances sélectionnées et puisées dans le répertoire officiel de la guerre de Libération. Les livres d'histoire de cette période ne se distinguaient nullement des manuels d'éducation religieuse, au point que la glorieuse épopée de nos valeureux martyrs allait connaître une dévalorisation. Le comble sera atteint lorsque des jeunes Algériens endoctrinés contesteront dans le fond et dans la forme la révolution de Novembre au motif qu'elle n'avait pas de motif religieux. Pour eux, ce n'était pas le djihad. C'est la faillite des années 1980 — sur le plan de l'éducation civique et morale — qui sera dénoncée par le président Bouteflika en 2005 quand il s'est alarmé du déficit en patriotisme des jeunes Algériens. Les destinataires de ce cri du cœur n'ont pour seule réponse que l'overdose de nationalisme (et non de patriotisme) reçue durant leurs années de scolarité et “enrichie” par leur vécu quotidien.
Les manuels de la réforme
Afin de corriger les nombreux dysfonctionnements de notre système scolaire, une commission nationale de la réforme était créée en 2001 en vue de moderniser l'Ecole algérienne. Parmi les dossiers prioritaires, celui de la refonte des manuels décidée suite à la mise en place en 1999 d'une Commission nationale des programmes. Dorénavant, chaque programme a son référentiel qui sert de cap d'orientation pour les concepteurs et les auteurs des manuels. Les nouveaux manuels d'histoire ont connu à leur tour un “toilettage”. Ils ont meilleure allure que ceux des années d'avant la réforme. Sur le plan méthodologique, nous notons un souci d'interactivité entre les informations dispensées et l'apprenant. Celui-ci est sollicité par des questions qui synthétisent la leçon. Chaque dossier (ensemble de leçons) est ponctué par une autoévaluation qui sert de boussole dans les apprentissages de l'élève. En un mot, la préoccupation pédagogique des auteurs se lit à travers l'ouvrage produit. Toutefois, le contenu reste fortement imprégné par le référant religieux, quoique les personnalités historiques censurées dans les anciens manuels ont fini par être réhabilitées de façon très timide : Messali El-Hadj, Abane Ramdane et Ferhat Abbès entre autres. Leur apport au mouvement national n'est pas du tout restitué, seuls leur photo et leurs noms sont évoqués.
Le livre de 3e année primaire ressemble à s'y méprendre au livre d'éducation religieuse. La guerre de Libération et les préparatifs du 1er Novembre s'étalent sur une vingtaine de pages pleines de faits, de dates et de noms. Les explications données ne correspondent pas au niveau de compréhension des élèves du primaire. À l'intérieur des livres, les photos des membres de l'Association des ulémas se retrouvent en nombre exagéré. La couverture du livre de 5e année primaire est illustrée en sa partie centrale par le buste de l'émir Abdelkader entouré par la photo du cheikh Ibn Badis et celle d'EI-Mokrani. En bas de page, une photo collective de l'Association des ulémas à côté d'une patrouille des soldats de l'ALN. Beaucoup de textes, accompagnés de photos, mettent en relief les souffrances de la population algérienne, plus particulièrement dans les campagnes. Le livre de 4e année moyenne (fin de collège) est dédié, pour plus de sa moitié, à la grande guerre de Libération. Il contient 175 pages dont 73 abordent Novembre et ses prolongements jusqu'à juillet 1962. Arrivé à cet âge — il a entre quatorze et quinze ans —, I'élève a acquis plus de maturité pour comprendre et discerner. Malheureusement, les auteurs du manuel ont succombé à des considérations subjectives en étant sélectifs — à la limite de l'exclusion/discrimination — dans certains choix. Pas un seul mot sur la Bataille d'Alger, la zone autonome et le tandem Abane-Ben M'hidi. Dieu Seul sait l'intense activité politique qu'ils y ont menée jusqu'au congrès de la Soummam. Les élèves algériens ne sauront rien des efforts déployés par Abane Ramdane pour rallier à la lutte armée les centralistes, l'UDMA, les ulémas et le Parti communiste algérien. L'élève aurait aimé voir devant ses yeux un tract de subversion psychologique contre le pouvoir colonial signé des mains des dirigeants de la Révolution installés dans la clandestinité, au cœur de la citadelle ennemie.
Des mémoires sélectives
Nous resterons sur notre faim en cherchant, en vain, ne serait-ce qu'une allusion au combat pour la justice mené par des Européens de souche de confession juive, chrétienne. Exit les noms et le sacrifice d'un Maurice Audin, d'un François Yveton ou d'un Henri Maillot, pour ne citer que ceux-là. Il y en a d'autres dont certains ont survécu aux représailles colonialistes : Henri Curiel et ses amis, les porteurs de valises, le réseau Janseon. Ne parlons pas du rôle éminemment important joué par la Wilaya 7 portant le combat jusque dans les rues de Paris, de Marseille ou de Lille.
La page 57 offre à lire les programmes politiques des grands courants politiques algériens de l'époque. Il y a trois colonnes : une avec le sigle du parti, I'autre avec la photo de son leader (dans I'ordre Messali El-Hadj, Ferhat Abbès, Amar Ouzzegane et Cheikh El-Ibrahimi) et la troisième porte sur les grandes lignes du programme. Dans cette dernière, nous lisons que le PCA “demande à la France d'accorder aux Algériens les libertés démocratiques, d'introduire des lois sociales et pas d'indépendance”. Quant aux ulémas, ils se proposent de “lutter contre l'assimilation, redynamiser a langue arabe et séparer l'lslam de l'Etat français”.
En ouverture de l'unité d'enseignement sur la grande guerre de Libération, nous avons un fac-similé de la déclaration (en arabe) du 1er Novembre et un résumé, rédigé de façon claire, des principaux objectifs visés par les rédacteurs de l'appel.
Juste après, il y a les réactions des ulémas et du parti communiste. Ainsi, nous lisons : “Le 8 novembre 1954, à partir du Caire, Cheikh El-Ibrahimi envoie un message de soutien et salue l'appel du 1er Novembre.”
Quant “aux communistes, ils continuent à militer dans le cadre des lois coloniales et à participer aux élections jusqu'à l'interdiction de leur parti et à la suspension de leur journal en 1955”.
La bataille du Nord constantinois a eu les honneurs mérités par le sacrifice des valeureux martyrs. Sur deux pages, les auteurs du manuel ont repris à deux fois ce qualificatif : “Le 20 Août 1955 est considéré comme un 1er Novembre bis.” À grand renfort de chiffres, ils aligneront les forces en présence, le nombre de morts, les représailles et en encadré un texte signé par le chahid Zighoud Youcef, initiateur principal de ce mémorable haut fait d'arme.
L'inflation de chiffres — à vous donner le tournis — ne s'arrête pas. Page 109, il est porté à la connaissance des élèves que “I'armée coloniale a organisé des milices armées composées de colons et de juifs”.
Dans ses efforts de guerre pour vaincre l'ALN, I'Etat français a mobilisé 10 000 Sénégalais et des Marocains. Les auteurs du livre ne précisent pas si ce sont des tirailleurs et des tabors, des actifs de I'armée coloniale ou des citoyens de ces deux pays venus donner un coup de main aux militaires français. Nous apprenons aussi que les ennemis de la Révolution se comptent par dizaines de milliers au sein du peuple. Faisons le décompte proposé : “125 000 Algériens travaillent pour le compte deI'armée coloniale et munis de la carte blanche. 500 000 Algériens accomplissent leur service militaire ; 110 000 sont traîtres à la patrie (peut-être s'agit-il des harkis, ndlr) ; 30 000 policiers algériens sont chargés de seconder les militaires français lors des descentes dans les maisons pour brutaliser les habitants.”
Autre détail donné pour réprimer le peuple algérien — ou ce qui en reste après l'avalanche des chiffres précédents : “2 337 chiens policiers, nourris à la chair humaine, sont dressés pour tuer et déchiqueter les prisonniers algériens et terroriser les populations des dechras.”
Sur le plan international, en plus des succès diplomatiques enregistrés par l'Algérie lors de la Conférence de Bandoeng, le livre donne une lecture inédite, un scoop, dirait-on, de l'évolution de la situation au plan régional : “L'indépendance du Maroc et de la Tunisie en 1956 ainsi que celle des pays africains en 1960 ont été offertes (mounihat en arabe) par la France afin d'isoler la Révolution algérienne. Que reste-t-il des sacrifices et des luttes de ces peuples voisins ?”
Vers la fin du conflit, deux pages pleines sont consacrées au général de Gaulle avec plusieurs extraits de ses différents discours. Au sujet du Plan de Constantine de 1958, les auteurs le commentent ainsi : “Le projet de construction des écoles est la plus dangereuse des décisions du Plan de Constantine puisqu'elle vise à élargir le colonialisme culturel. Parce que les générations d'Algériens, qui recevront un enseignement en français, serviront les intérêts de la France avec comme prétexte le savoir et la science.”
Ce serait faire preuve de malhonnêteté intellectuelle que d'aborder l'histoire de notre glorieuse guerre de Libération sans évoquer les écrits lumineux d'un Sahli Lacheraf, Ben Khedda ou, plus près de nous, de M. Harbi. Au fait, ont-ils leur place dans la bibliographie consultée par les concepteurs et les auteurs des manuels d'histoire ? Y répondre par l'affirmative revient à affirmer que l'histoire du mouvement national est définitivement dénationalisée, pour reprendre cette condition d'objectivité posée par Mohamed Harbi dans l'une de ses dernières conférences données à Alger en octobre 2008.
A. T.
(*) Pédagogue


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