La route fait peur plus que jamais dans notre pays. Les bilans hebdomadaires rendus publics par le commandement général de la Gendarmerie nationale et la Protection civile font tout simplement froid dans le dos. Et l'hécatombe n'est pas prête à s'arrêter. Pis, rien ne semble pouvoir ralentir le «terrorisme routier», malheureusement l'expression est on ne peut plus appropriée, dans notre pays endeuillé chaque jour par des «carnages routiers». Et pour cause, les records macabres des accidents sur nos routes et autoroutes ne cessent d'être battus par nos concitoyens. A ce propos, il convient de signaler que, chaque jour, au moins 11 Algériens meurent dans des accidents de la route. Ainsi, ces derniers mois, le bilan des morts a dépassé carrément les 100 victimes par semaine ! Des morts, des blessés, des handicapés à vie, cette tragédie n'a fait en réalité que relancer le sempiternel débat sur la sécurité routière. Mais jusqu'à l'heure, aucune alternative à même de remédier à cette terrible tragédie n'a été réellement portée à la connaissance du public. Comme quoi, en Algérie, on excelle seulement dans le recensement des morts. Et en termes de chiffres, toutes les statistiques démontrent tout de même qu'une stratégie nationale de lutte contre les criminels du volant doit voir absolument le jour dans les plus brefs délais si l'on veut ralentir cette machine de la mort. Il faut savoir que 127 049 personnes ont été tuées et 1 430 503 blessées dans 1 190 831 accidents de la route survenus en Algérie entre 1970 et 2007. On dénombre également 130 000 handicapés. Cela ne suffit-t-il pas à inciter les pouvoirs publics à prendre à bras-le-corps ce problème de sécurité publique ? Certes, mais pour les experts, cette tragédie ne concerne pas que les autorités car la société civile est tenue également responsable dans cette «tuerie collective». Pour preuve, neuf fois sur dix, le facteur humain a été la cause des accidents de la circulation survenus en Algérie, soit un taux de 90,15%, a établi une étude récente du Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR). En fait, cette étude rappelle que les jeunes de moins de 40 ans, «sont les premières victimes des accidents de la route qui ont endeuillé les familles tuant, en 2007, 4 177 personnes et en blessant 61 139 autres dont de nombreuses resteront handicapées à vie». Malgré l'arsenal juridique et répressif mis en place, et durci régulièrement, pour éviter cette hécatombe, le CNPSR soutient que «la prévention routière demeure primordiale». «Quel que soit le code à mettre en place, il est voué à l'échec s'il n'est pas respecté par le citoyen», indiquent d'autres experts qui préconisent aux autorités publiques de mettre l'accent sur la sensibilisation et l'information. Les automobilistes doivent être mis devant leurs responsabilités lorsqu'il s'agit «d'une conduite en état de fatigue» et «en excès de vitesse». C'est dans cet esprit que l'introduction du permis à point se fera prochainement. Toutefois, les spécialistes de la prévention et de la sécurité routière conviennent de fait que la conduite réclame de «plus en plus d'attention avec l'augmentation des voitures sur les routes et le stress qu'elle occasionne». On aura beau durcir les sanctions et les contraventions au code de la route, le nombre des accidents continuera à augmenter. Pourquoi donc ? D'abord, l'obtention du permis de conduire est toujours permissive. Ce dernier se négocie et s'achète en toute impunité. Un responsable de la Fédération nationale des auto-écoles a même révélé que 90% des auto-écoles en Algérie font commerce du permis de conduire ! Que dire de plus. En deuxième lieu, le réseau routier, pas assez bien entretenu et développé, souvent gravement défectueux dans certaines wilayas, est également à l'origine de cette «hausse importante des accidents de la route». A ce sujet, une sérieuse réflexion doit être initiée par les autorités en charge de ce dossier. Enfin, la cause principale de cette triste réalité demeure l'extraordinaire banalisation d'une conduite suicidaire sur les routes du pays, relèvent les spécialistes de la sécurité routière. Ces derniers évoquent également le chiffre de 85% d'accidents imputables «au comportement des conducteurs». Un comportement que même le ministère français des Affaires étrangères pointe dans ses mises en garde aux touristes souhaitant se rendre en Algérie. Face à ce terrible état de lieux, la Gendarmerie nationale n'a pas trouvé mieux que d'envisager d'augmenter le nombre de radars et d'améliorer leur qualité pour renforcer les mesures de sécurité routière. Car, de l'aveu même des pouvoirs publics, «le nombre de radars fonctionnant 24 h sur 24 h n'est pas suffisant, compte tenu de la densité du parc automobile». De nouveaux radars en cours d'expérimentation seront donc bientôt utilisés, ce qui permettra de réaliser de bons résultats dans la mesure où les chauffeurs feront de moins en moins de vitesse. Mais est-ce vraiment suffisant ? Si l'augmentation du nombre de radars contribuera certainement à une meilleure maîtrise de la situation sécuritaire, le péril routier persistera, en revanche, car les véritables facteurs aggravants, à savoir l'injection de véhicules supplémentaires, l'urbanisation non maîtrisée, la densité élevée dans le nord du pays, un réseau routier largement saturé et des espaces publics squattés, n'ont pas retenu suffisamment l'attention des autorités. Malheureusement, en l'absence d'une réelle prise en charge de ces facteurs, les routes algériennes continueront à figurer parmi les plus meurtrières du monde avec chaque année plus de 4 000 morts, sans compter une perte matérielle de 400 millions de dollars. C'est dire en guise de conclusion que la sécurité routière est bel et bien un vœu pieux. A. S.