La Caisse mutualise d'Algérie (CMA) est sortie de sa léthargie. Elle se redynamise après 20 ans d'hibernation. Jeudi dernier, elle a fêté son 40ème anniversaire. Elle a marqué l'événement par l'organisation d'un symposium intitulé «le mouvement mutualiste en Algérie, état des lieux et perspectives». Un mouvement qui est en net recul dans notre pays alors qu'il constitue un système de solidarité par excellence vu les prestations et avantages qu'il offre aux l'adhérent et ses ayants droit. En effet, seulement 8,5% des salariés sont mutualistes avec 1 100 000 adhérents recensés par le département de Tayeb Louh. Ce qui représente un quart de la population occupée. Il existe 33 mutuelles à l'échelle nationale. Ce chiffre a été révélé par M. Allaf, sous-directeur des mutuelles au ministère du Travail. Elles sont cantonnées principalement dans l'administration et la fonction publique. 23 d'entre elles activent dans le respect de la règlementation et des lois. 9 autres n'ont pas jusqu'à présent obtenu l'agrément du ministère de l'Intérieur. Car, faut-il le souligner, les mutuelles sont régies par un décret exécutif mais aussi par la loi relative aux associations. M. Allaf a imputé la responsabilité du déclin des mutuelles aux seuls dysfonctionnements et à l'absence de démocratie à l'intérieur des instances. L'intervenant dira également que les mutuelles ne publient pas leurs comptes annuels. Sur ces 32 mutuelles, 3 ont disparu. Celle de l'agroalimentaire a été absorbée par CMA, tandis que celle des céréales et celle pharmaceutique ont été dissoutes. M. Allaf négligera ou plutôt se gardera de dire que d'autres raisons ont présidé au recul des adhésions. Pourtant, elles sont criantes. Il s'agit de la masse des travailleurs licenciés dans les années 90 suite à la dissolution de leurs entreprises. Ils sont plus de 800 000 à s'être vus orientés vers la Caisse nationale d'allocation chômage créée justement au «profit» des salariés licenciés pour raison économique. En revanche, le représentant du ministère du Travail reconnaîtra que toutes les mutuelles sont excédentaires. Cependant, les ressources sont affectées principalement aux dépenses des centres médico-sociaux. Une situation qui va à l'encontre de l'arrêté de décembre 1997 fixant les quotes-parts de chaque activité : 70% pour les prestations, 10% pour le fonctionnement et 10% pour l'investissement. En fait, le symposium de jeudi dernier a été une occasion, comme l'a souligné Mohamed Tahar Dilmi, d'établir un constat amer de la situation des mutuelles. Toutefois, il ne faut pas s'arrêter là. Il proposera une conférence nationale pour mettre l'ensemble des problèmes sur la table et sortir avec des propositions, voire des recommandations à mettre en œuvre pour sauver ce système de solidarité sociale. Concurrence déloyale des compagnies d'assurances Pour sa part, M. Berrouk, président du conseil d'administration de la CMA depuis 2006, énumérera la situation dans laquelle il a trouvé, avec ses compagnons, la Caisse. «A l'agonie», tout simplement. Contentieux juridique lié au placement de fonds à Khalifa Bank, spoliation du centre d'asthmatiques de Chréa par une institution, qu'il ne citera d'ailleurs pas, mauvaise gestion, octroi d'avantages indus, etc. M. Berrouk proposera une réelle redynamisation de la Caisse mais aussi des autres mutuelles à travers la création d'une fédération nationale des mutuelles. Mais il revendiquera surtout la révision de la loi 90-33 relative aux mutuelles, jugée obsolète. Dans un court point de presse, le président du conseil d'administration indiquera que la Caisse était la locomotive du mouvement en Algérie avant la création des mutuelles. Il précisera également que c'est le mode de gestion de ces structures qui a fait perdre la confiance des mutualistes. C'est-à-dire qu'elles commencent à se cristalliser à l'image de celle de l'agroalimentaire que la CMA a absorbée l'année dernière parce qu'elle n'arrivait plus à prendre en charge les préoccupations de ses adhérents. Concernant les employés du privé, le conférencier précisera que l'adhésion est volontaire et individuelle. La Caisse propose des services et des prestations pour ces travailleurs salariés. Il leur revient de choisir d'y adhérer ou non. Toutefois, affirmera encore M. Berrouk, «nous dénonçons la concurrence déloyale des compagnies d'assurances qui contractent des conventions avec des chefs d'entreprise sans l'avis des employés. Et les partenaires sociaux, tels que les responsables syndicaux, ceux des œuvres sociales, ne jouent par leur rôle d'information». De plus, ajoutera le président du conseil d'administration de la CMA qui, rappelons-le, n'a aucun but lucratif, les prestations proposées par les compagnies prennent fin dès lors que le contractant prend sa retraite. Ce qui n'est pas le cas de la Caisse qui continue à proposer les mêmes avantages au travailleur qui part à la retraite et à ses ayants droit, une fois qu'il décède. Durant les débats, les mutualistes présents, à l'instar de celui des postes et télécommunications, ont dénoncé l'imposition de 17% de la TVA sur l'acquisition du matériel médical pour «une action sociale, humanitaire et solidaire. C'est injuste», dira M. Berbère. Le représentant du ministère du Travail l'approuvera, non sans préciser que le département de Louh n'est pas associé à l'élaboration des lois de finances. Le symposium a vu la participation des représentants du ministère du Travail, de l'UGTA, mais a surtout été rehaussé par la présence du Pr Chaulet, fils d'Alexandre Chaulet, père fondateur du mouvement mutualiste en Algérie dans les années 40. F. A.