C'est l'histoire classique du verre à moitié plein ou à moitié vide. Les uns peuvent donc parler de taux de réussite exceptionnel, les autres, dire que moins de la moitié des candidats au baccalauréat ont été recalés. En Algérie, peut-être plus qu'ailleurs, chacun voit midi à sa porte, surtout les journalistes. En tout cas, pas les heureux lauréats d'une compétition de tous les records et de toutes les singularités. Le millésime 2008 est avant tout celui de la mixité, pas celle qui renvoie au sexe des candidats. Le bac de cette année est double au sens où il incluait pour la première fois des lycéens issus de la réforme du système éducatif et ceux dits de la «dernière chance». Comme pour des lessives ou des shampooings, c'est la formule deux en un. Ce baccalauréat est aussi celui de la réussite orientée, celle du coup de pouce donné a priori mais pas celle du rachat qui n'était pas de mise. La tutelle a d'abord limité le «seuil de révision» à 80% du programme, en réponse aux doléances de lycéens sursaturés de cours et prêts à en découdre dans la rue. Ensuite, possibilité leur a été offerte de choisir entre deux sujets distincts pour chaque matière. Et, cerise sur le gâteau des potaches, un rabiot d'une demi-heure a été accordé aux angoissés de la feuille blanche et autres retardataires à l'allumage, victimes du stress scolaire. Le bac 2008 est d'ailleurs «le meilleur depuis l'indépendance», selon la formule superlative de Boubekeur Benbouzid, ministre payé notamment pour avoir de la mémoire. C'est aussi la première fois qu'un candidat, précisément une lauréate de Jijel, a obtenu un bac maths avec mention «excellent» et une moyenne de 18,34/20. Cette surdouée n'est toutefois pas la seule : 30% des impétrants ont décroché la même mention et le nombre de «gagnants» avec mention a quintuplé. Et ce n'est pas fini, le nombre de mentions «très bien» est important, comme le souligne le ministre qui s'est félicité des taux de succès dans les deux formules de baccalauréat. Si les mentions relèvent cette année du superlatif, voire de l'hyperbolique dans une bouche officielle, le bac 2008 n'est pas pour autant celui de tout est très bien, ni même de tout va bien dans la meilleure des Algérie éducatives. S'il est exceptionnel, le taux de réussite, de 5 à 6% supérieur à celui de 2007 et le plus élevé depuis 1962, est loin des taux connus ailleurs où la formule de rachat est cependant de rigueur. Et s'il n'a jamais épousé la courbe des scores électoraux, il laisse beaucoup de jeunes sur la touche. C'est d'autant plus déplorable que le pays ne dispose pas encore d'un système de reclassement professionnel en mesure de préparer les recalés à la vie active. Avec le niveau de terminale, de nombreux jeunes seront nécessairement marginalisés et déclassés. Sans compter que le problème de compatibilité entre l'offre de cadres universitaires et les capacités du marché de l'emploi, donc l'adéquation entre formations et débouchés, se pose comme jamais il ne l'a été depuis l'indépendance. N. K.