De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Repris en 2005 à hauteur de 66% par l'espagnol Fertiberia, filiale de Grupo Villar Mir à la faveur de l'ouverture de son capital, le complexe pétrochimique Asmidal, aujourd'hui Fertial, n'a pas vraiment atteint les objectifs fixés lors de la signature du contrat d'association le 5 août 2005. Le contrat stipulait que dans les 3 années qui suivaient l'accord 167,5 millions de dollars devaient être investis pour la viabilisation et la sécurisation des installations existantes et par là même la modernisation de l'outil de production. Dans ledit contrat, il est aussi fait mention de la construction d'une nouvelle usine d'ammoniac d'une capacité de 1,1 million de tonnes par an pour un montant de 462 millions de dollars à l'orée 2009. 4 ans après, presqu'aucun de ces engagements n'a été réalisé excepté l'injection de 150 000 euros dans la mise en place d'un laboratoire d'analyses des sols implanté à l'intérieur du complexe. L'usine, spécialisée dans les engrais phosphatés simples, binaires et complexes ainsi que dans l'ammonitrate, l'ammoniac et l'anhydre, a connu ces 2 dernières années une baisse sensible de la production (seulement 160 000 tonnes) par rapport aux capacités installées qui sont de l'ordre de 600 000 tonnes. En revanche la production d'ammoniac a connu une évolution positive, atteignant en 2008 près de 290 000 tonnes, réalisant à 100 % les objectifs fixés. L'explication donnée par la direction concernant cette situation s'appuie sur le fait que la demande intérieure des engrais phosphatés est réduite, les agriculteurs en Algérie n'ayant pas encore suffisamment introduit cet intrant dans leurs cultures. Cette demande est de l'ordre de 200 000 tonnes contrairement aux collatéraux (Maroc et Tunisie) où l'utilisation de ce fertilisant est 6 à 7 fois supérieure ; la couverture des besoins du marché local atteint les 60 %. Un autre problème est venu en quelque sorte freiner la production et la maintenir à un certain niveau qui ne peut, pour le moment, être dépassé. Il s'agit de la dimension sécuritaire, l'acheminement du produit vers les dépôts se fait sous escorte et est limité à 1 600 tonnes rotation / semaine. Concernant la production d'ammoniac qui a connu une courbe ascendante ces 2 dernières années, celle-ci s'explique par le fait qu'il y a eu une double conjoncture très favorable qui a fait profiter le complexe Fertial de Annaba : une demande qui s'est multipliée par 2 et des cours qui ont flambé sur le marché mondial. Cela avait amené une réorientation du business plan qui avait axé la production sur l'ammoniac atteignant en 2008, 280 000 tonnes et table pour l'année en cours sur 300 000 tonnes tout en projetant de recruter une cinquantaine de techniciens et ingénieurs pour renforcer l'unité ammoniaque. Pour ce qui est de la prise de participation au capital social de Fertial, le partenaire espagnol a largement profité du code de commerce et a pris le contrôle du groupe Asmidal pour «une bouchée de pain» alors que le groupe avec ses 2 filiales, le complexe pétrochimique des engrais de Annaba et Alzofert d'Arzew. Profitant des dispositions du code de commerce qui permettait la libération des apports en numéraire en tranches de 25 % sur 4 ans, Fertiberia n'avait déboursé alors que la bagatelle de 40 millions de dollars, s'assurant ainsi la direction et le pouvoir de décision sur tout le groupe. Cependant, le chiffre d'affaires de Fertial n'a cessé d'augmenter et, selon nos informations, peut facilement dépasser toutes les prévisions au vu du volume des exportations. Celui-ci est passé de 14,459 milliards de DA (MDA) en 2004 à 22,320 MDA en 2008, soit une augmentation de l'ordre de 8 milliards de DA ; les prévisions pour l'année en cours tablent sur 23,664 MDA. Des chiffres très positifs qui renseignent sur les bénéfices et les dividendes touchés par le partenaire espagnol sans pour autant qu'il investisse les capitaux prévus par les termes de l'accord. Le manquement aux engagements pris par Feriberia ne s'arrête pas là puisque ceux-ci prévoient, comme nous l'avons cité plus haut, la réalisation d'une nouvelle usine d'ammoniac d'une capacité de 1 100 000 tonnes en 2009 ; or, et à 2 mois de la fin de cette année aucune unité de production à l'horizon et aucune information n'ont filtré sur ledit projet. Le partenaire espagnol soutient que lors de la signature de l'accord, il n'avait pas toutes les données sur la situation réelle de l'Algérie en matière d'investissement, les «contraintes» dites bureaucratiques qui y sont liées, les problèmes rencontrés pour le choix du site ainsi que la non-adaptation du port choisi par le fait qu'il est sous-équipé et ne répond pas aux normes exigées. Ces arguments ne tiennent pas la route puisque les négociations qui ont abouti à la signature du contrat ont duré 3 longues années -«ardues et difficiles», avait commenté le directeur général- pendant lesquelles Fertiberia aurait pu s'informer sur la «situation réelle» et ainsi prendre la décision qui convient. Il faut dire que le groupe Fertiberia a su profiter d'une conjoncture très défavorable qu'avait traversée le pays et pendant laquelle des entreprises aussi performantes qu'Asmidal malgré quelques difficultés avaient été bradées. Aujourd'hui, le complexe pétrochimique emploie juste 847 travailleurs alors qu'il en employait 1 300 au moment de la signature du contrat de partenariat que l'espagnol qualifie de gagnant-gagnant alors que, dans la réalité, le grand perdant est l'économie nationale en plus du fait que des centaines de travailleurs, décédés, partis à la retraite, démissionnaires ou licenciés n'ont pas été remplacés. Au mois de mars 2009, les contrats de 131 travailleurs n'avaient pas été reconduits et il avait fallu une levée de boucliers du syndicat et une protestation qui avait pris une dimension telle que les travailleurs avaient interdit l'accès de l'usine au directeur général du complexe. Ce n'est que le 2 mai de la même année et au vu de la détermination des travailleurs dont les emplois sont menacés que le partenaire espagnol avait décidé de transformer les contrats en CDI. Si, aujourd'hui, il y a une stabilité relative au complexe de Annaba, il faut dire que le moral des travailleurs est au plus bas, parce que, d'un côté, la menace de compression des effectifs pèse comme une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes, de l'autre on n'évoque plus une quelconque revendication qui aurait trait à une augmentation des salaires, malgré l'érosion du pouvoir d'achat. Une situation explosive qui risque de déboucher un de ces jours sur un ras-le-bol général parce que tout le personnel est convaincu que l'employeur engrange de gros bénéfices sur leur dos sans toutefois concéder un quelconque avantage ou une augmentation, si petite soit-elle.