Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani L'investissement à Annaba n'est pas ce qu'il aurait dû être malgré les énormes potentialités qu'offre la wilaya et les mesures incitatives très avantageuses décidées par les autorités et accordées aux porteurs de projets qu'ils soient nationaux ou étrangers. En effet, même les investissements dits acquis par le fait de contrats et d'engagements pris n'ont pas encore vu le jour pour cause de «difficultés de faisabilité, de lenteurs bureaucratiques et d'indisponibilités de terrains censés abriter ces investissements. Affirmation qui revient comme un leitmotiv dans toutes les discussions ayant trait à la concrétisation de projets porteurs et créateurs d'emplois. C'est une panne générale dont souffre tout le secteur et à moins d'une prise en charge réelle des problèmes liés à l'investissement, la situation ne changera pas de sitôt. Les deux grandes locomotives de l'économie locale mais de portée nationale et internationale, en l'occurrence le complexe sidérurgique ArcelorMittal d'El Hadjar et le complexe pétrochimique Fertial (ex-Asmidal), infrastructures industrielles aux solides assises peinent à tenir les engagements pris prétextant une conjoncture financière difficile ou évoquant des problèmes liés à la situation dite réelle sur le terrain. Les investissements prévus de longue date (2001) par le repreneur indien Mittal Steel, adoptés plus tard par ArcelorMittal et qui sont de l'ordre de 175 millions de dollars n'ont été réalisés qu'en partie et même ceux visant le renouvellement de certaines installations et ayant trait à la maintenance n'ont pas du tout inquiété le groupe si bien que la production sidérurgique a chuté de moitié, passant de 1,3 million de tonnes en 2007 à 650 000 tonnes en 2008. Les engagements pris n'ont donc pas été tenus malgré les avantages accordés avec en plus des coûts de production les plus bas au monde (énergie électrique, gaz, minerai de fer et main-d'œuvre). ArcelorMittal se contente de réaliser des profits et est allé même jusqu'à prévoir la fermeture de la cokerie si celle-ci ne peut être réhabilitée. Et pour maintenir la production, on projette d'importer le coke à partir des autres sites du groupe implantés en Europe. Ceci amènera certainement la suppression des quelque 300 postes d'emplois affectés à la cokerie ; cette situation a stimulé le syndicat de l'entreprise qui, lors d'une mission spéciale à Alger, avait sensibilisé le ministère de l'Industrie pour amener les pouvoirs publics «à mettre la main à la poche» pour sauvegarder l'outil de production. Ce qui est incroyable dans cette affaire, c'est que l'Etat algérien a cédé le complexe sidérurgique d'El Hadjar, un des fleurons de l'industrie algérienne, dans la perspective de voir la production augmenter et ainsi satisfaire le marché national ; près de 9 ans après, la production a chuté et ne répond qu'à hauteur de 20 % aux besoins locaux exprimés. La facture liée à l'importation du rond à bétonse chiffre en milliards de dollars au vu du développement que connaît le pays. Où sont donc ces investissements attendus ? Où sont donc ces investissements censés placer le complexe d'El Hadjar parmi les meilleurs sites de production ? La situation aujourd'hui est catastrophique, des effectifs qui sont passés de à peine 18 000 travailleurs à 7 200, des installations vétustes qui ne répondent plus aux normes et un marché national dépendant à hauteur de 70% des importations. L'autre grand complexe n'est pas mieux loti (voir nos précédentes éditions) et donne lieu à bien des interrogations quant aux motivations qui avaient concouru à sa privatisation. L'espagnol Fertiberia, filiale de Grupo Villar Mir qui avait pris en 2005 le contrôle du groupe Asmidal avec 66% du capital pour la bagatelle de 40 (malheureux) millions de dollars (soit 25% du montant de l'acquisition), s'est contenté d'engranger de gros bénéfices sans, toutefois, concéder le moindre investissement, tout en procédant à une compression des effectifs dont le nombre est passé de 1 300 à 847 en 4 années d'exercice. La nouvelle entité baptisée Fertial devait injecter 167,5 millions de dollars destinés à la viabilisation et la sécurisation des installations existantes et par là même la modernisation de l'outil de production. Un autre gros investissement d'une valeur de 462 millions dedollars qui devait financer la construction d'une nouvelle usine d'ammoniac d'une capacité de 1,1 million de tonnes était prévu et aurait dû être mis en service en 2009. Or, à ce jour, des deux supposés investissements, Fertial n'a consenti que 150 000 euros pour la mise en place d'un laboratoire d'analyses des sols implanté à l'intérieur du complexe. Finalement, les investissements des deux partenaires étrangers qui, au départ parlaient d'uneassociation dite gagnant-gagnant, n'ont fait qu'engranger des bénéfices au détriment de l'économie nationale poussant l'outil de production à l'extrême sans pour autant investir pour sa maintenance écourtant ainsi sa durée de vie. En l'état actuel des choses et en l'absence d'une réaction énergique des pouvoirs publics pour amener les investisseurs à respecter leurs engagements sous peine de voir leurs contrats rompus, il faut dire que l'onne peut s'attendre à une amélioration de la situation pis, d'ici quelques années l'on se retrouvera avec un outil de production obsolète et qui ne sert plus à rien avec des milliers de chômeurs sur les bras. L'investissement traîne dans le tourisme Un autre gros investissement dans le secteur du tourisme traîne depuis maintenant près de quatre ans et apparemment, il n'est pas près de voir le jour au vu des problèmes qui se posent au fur et à mesure. Le groupe émirati SIDAR compte investir 500 millions de dollars pour la réalisation d'un hôtel grand standing sur la baie de Sidi Salem à une dizaine de kilomètres à l'est du chef-lieu de wilaya ainsi qu'un grand centre commercial au cœur de la ville. La superficie censée accueillir ce dernier projet, en l'occurrence la place du 19 Juin située à quelques centaines de mètres de l'hôtel Seybouse, a été cédée au groupe et les indus occupants avaient été délogés pour permettre le lancement du projet. Trois longues années plus tard, ledit projet n'avait pas encore démarré et les «travaux» s'étaient limités à clôturer la place du 19 Juin sans plus. Le groupe avait exigé de la commune un accès à partir du boulevard du 1er Novembre mais ledit accès devait passe par la bibliothèque centrale qu'il fallait démolir. Cette exigence s'était heurtée au refus catégorique d'une partie des élus qui n'admettaient pas la disparition de cette structure culturelle, l'autre camp soutenait la proposition. Des débats houleux avaient suivi et une commission avait été mise sur pied pour trancher la question. A ce jour, le projet patauge encore et, selon nos informations, aucune décision à ce sujet n'a été prise. Sur un autre plan, les ambassadeurs de la Fédération de Russie, de la Belgique, des Etats-Unis et du Pakistan s'étaient déplacés à Annaba (2008 et 2009) pour explorer, étudier et débattre des opportunités d'investissements et de partenariats possibles avec les opérateurs économiques locaux. Ces réunions n'avaient abouti à rien de concret et sont restées au stade de l'informel, ce qui a confirmé les déclarations de M. Robert S. Ford, l'ex-ambassadeur américain lors d'une réunion avec les opérateurs à la Chambre de commerce et d'industrie Seybouse d'Annaba «C'est à vous, hommes d'affaires de la région, de prendre des initiatives, d'aller aux Etats-Unis pour participer aux différentes expositions qui y sont organisées et faire ainsi connaître vos produits qui pourraient intéresser les Américains. Parce que, vous savez, l'Algérie est très mal connue là-bas et on confond souvent votre pays avec le Nigeria. Il faudrait que vous vous déplaciez, que vous réussissiez à convaincre vos homologues américains pour qu'ils puissent venir investir ici à Annaba ou ailleurs à travers l'Algérie. Je vous cite l'exemple de la Tunisie qui est un pays tout proche. Eh bien, dans la petite ville de 7 000 habitants où je réside, dans le supermarché, on trouve pas moins de 4 marques d'huile d'olive toutes tunisiennes», avait-il dit. D'un autre côté, la démographie de la PME à Annaba, si elle résiste et se maintient quelque peu sur le marché local et national, grâce notamment à sa flexibilité et à ses capacités de redéploiement, elle reste cependant menacée par une concurrence déloyale qui peut la réduire à néant détruisant ainsi tout le tissu qui s'est constitué au bout de plusieurs années à l'exemple des conserveries de tomates qui avaient fermé les unes après les autres. Aujourd'hui avec 8 651 PME employant 47 406 personnes, Annaba est classée dans le peloton de tête des villes créatrices de ces petites entités économiques. Mais dans cet environnement économique hostile miné par une importation tous azimuts, l'appréhension et l'inquiétude quant à l'avenir dela PME freinent tout investissement visant la modernisation des installationsou l'innovation. A signaler qu'Annaba compte quatre zones industrielles et six zones d'activités commerciales occupant 326 ha, 630 unités y sont implantées employant 25 788 travailleurs.