«Les nostalgies coloniales en France sont entretenues par des politiques qui instrumentalisent l'histoire à des fins partisanes», a affirmé l'historien français Olivier Le Cour Grandmaison. S'exprimant en marge de la dédicace de son livre la République impériale - politique et racisme d'Etat (Fayard, 2009), dans le cadre du 14ème Salon international du livre d'Alger (SILA), Olivier Le Cour Grandmaison a estimé que la France «peut aujourd'hui assumer son passé colonial», si ce n'est le blocage qui consiste dans le fait que «le pouvoir politique instrumentalise l'histoire» à des fins notamment «électoralistes». L'écrivain-politologue, auteur également de Coloniser, exterminer : sur la guerre et l'Etat colonial (Fayard, 2005), a rappelé le cas de la présidentielle française de 2006 lorsque l'ex-candidat «Nicolas Sarkozy avait ouvertement sollicité les voix du parti d'extrême droite [FN]». Pour M. Le Cour Grandmaison, maître de conférences en sciences politiques à l'université d'Evry-Val d'Essonne, le discours du même candidat à Toulon était «une réhabilitation du passé colonial», sans précédent depuis 1962 «visant à séduire l'électorat d'extrême droite» toujours en quête d'illusions, particulièrement à travers les réalités tronquées, mythifiées, des croisades et des guerres de colonisation. Il a également rappelé qu'un an plus tôt, le jeu des concessions politiques faites aux «nostalgiques» de la période coloniale avait été illustré par la loi du 23 février 2005 dont l'article 4, plus tard retiré, faisait l'apologie du colonialisme. L'article 13 de cette loi, jugée «scélérate» par une partie de la société civile française, va jusqu'à indemniser les membres de l'OAS. «Il est temps de travailler sur la période coloniale», a estimé l'historien, appelant à une réécriture de l'histoire «libérée de toute contrainte politique», passant notamment par «l'ouverture des archives» et par «la reconnaissance officielle» des crimes coloniaux et «des autres périodes sinistres» dont celle du «gouvernement de Vichy». Cette relecture de l'histoire, précise l'APS qui rapporte cette intervention, est tentée par M. Le Cour Grandmaison dans son dernier ouvrage qui analyse les effets de la «construction impériale» (colonisation), notamment durant la troisième République française, sur les institutions, la vie politique, l'enseignement supérieur et secondaire, livrés à un courant de «sciences dites coloniales», structurant «l'esprit colon», fondé, dans les pays occupés, sur «la violence, la discrimination et le mépris». Ainsi, M. Le Cour Grandmaison, par ailleurs membre fondateur de l'association «17 Octobre 1961, contre l'oubli», présente son ouvrage la République impériale - politique et racisme d'Etat comme le prolongement du livre Coloniser, exterminer : sur la guerre et l'Etat colonial. Il y décrit le processus de construction politique et juridique d'une culture coloniale foncièrement répressive, basée sur une présumée «psychologie des peuples» et faisant du colonisé un simple «sujet» désigné sous «le vocable méprisant d'indigène». Pour M. Le Cour Grandmaison, le Code de l'indigénat institué en Algérie en juin 1881, «en vigueur jusqu'en 1945, est un des monuments du racisme d'Etat» et a ensuite servi de «matrice» pour réprimer d'autres peuples colonisés, en Indochine, en Nouvelle-Calédonie et en Afrique occidentale. M. C.