De notre envoyé spécial dans la région de Beni Haoua Ziad Abdelhadi Selon les anciens de la commune de Tachta, véritable plaque tournante de la production agricole de la région, l'apparition de la pratique de la plasticulture remonte aux années quatre-vingt. «L'idée avait germé après que quelques agriculteurs du coin se furent associés pour monter une dizaine de serres de type tunnel sur une parcelle de terre appartenant à l'un d'eux. Un choix tout à fait raisonnable dans la mesure où sur celle-ci un puits était opérationnel. Une condition incontournable si l'on veut mener à bien un tel type de culture. C'est ainsi que, dès les premières récoltes, les associés ont pu récolter des résultats positifs de leurs hasardeuses initiatives et par là même réaliser qu'ils avaient vu juste en introduisant une telle technique. Les rendements de la tomate, du piment, du poivron, de la courgette, du concombre et du haricot vert, principales cultures pratiquées sous serres, étant nettement supérieurs à ce qu'ils récoltaient en pratiquant les mêmes cultures plein champ», a indiqué Saïd Mohamed, natif de Tachta et considéré comme le doyen des agriculteurs dans cette partie du nord de la wilaya de Chlef. De l'avis d'agronomes, la culture sous serre est propice généralement dans les régions où l'hiver est doux et si, en été, il est possible d'irriguer. C'est dans les zones littorales que l'on trouve de telles conditions climatiques et des nappes phréatiques peu profondes, histoire de creuser des puits sans engager trop d'argent. Des conditions climatiques favorables Dans ces zones qualifiées d'«agro-écologiques», toutes les cultures maraîchères peuvent être pratiquées. Dans un environnement aussi favorable, le système de production est généralement intensif grâce à un assolement triennal, quadriennal et, parfois, quinquennal. Les agriculteurs de Tachta ont-ils mieux mis à profit l'opportunité que leur offrent de telles conditions climatiques que leurs confrères d'autres régions similaires ? Il semblerait que oui ! Certes, dans la wilaya de Tipasa où nous nous sommes rendus, à la fin de 2007, la plasticulture est assez développée mais pas à l'échelle de Tachta. C'est à croire que, sur ce territoire, l'intérêt porté à la plasticulture n'a pas d'égal en comparaison de toute la frange nord du pays. Seule rivale : la région de Biskra, dans le Sud-Est, car la culture sous serre s'y est développée de façon très importante au point que, dans la contrée de Tolga, une mer de serres s'est installée. Y aurai-t-il d'autres facteurs qui expliqueraient pourquoi un tel engouement à pratiquer la culture sous serre sur le périmètre arable de la commune de Tachta comparativement à d'autres régions du pays où la pratique de la plasticulture n'est pas très développée malgré un milieu environnemental favorable ? A cette question que nous avons posée à notre interlocuteur, Saïd Mohamed, ce dernier nous répondra : «Peut-être que chez nous, mieux qu'ailleurs, nous sommes arrivés avec le temps à plus de maîtrise dans la pratique de la plasticulture.» Un constat qu'il est facile de vérifier sur le terrain. En effet, dans de nombreuses localités du nord du pays, là où, comme nous l'avons écrit, la culture sous serre peut être pratiquée, elle est encore traditionnelle et souffre énormément de carences techniques en matière de satisfaction des exigences phytosanitaires (lumière, température et humidité) des plantes. Du côté des vulgarisateurs de cette technique de culture, on avertit que ces carences affectent directement la production de la plante et son état phytosanitaire. «En somme, ce qui affecte le plus la culture sous serre dans nos contrées agricoles ce sont les contraintes d'ordre agronomique et phytosanitaire», témoignent de nombreux spécialistes dans le domaine. Un savoir-faire transmis de père en fils Un savoir-faire conjugué avec un besoin sans cesse grandissant de redoubler d'efforts pour arriver à de meilleurs rendements est ce qui fait la renommée de cette contrée. La qualité des légumes issus des serres et leur primeur sont reconnues chez les collecteurs de produits maraîchers. Ils viennent de partout pour s'approvisionner. Lors de notre passage, nous avons pu en interpeller quelques-uns pour en savoir un peu plus sur le pourquoi d'une telle concentration de camions tout au long de la route qui traverse la bourgade. On apprendra ainsi que c'est là que se donnent rendez-vous les cultivateurs et les collecteurs. Nous sommes en pleine période de cueillette de la tomate. La surproduction enregistrée cette saison a fait dégringoler les prix et, du coup, certains agriculteurs préfèrent laisser à plus tard leurs récoltes, dès que les cours accuseront un petit sursaut en leur faveur. Car, jusque-là, beaucoup ont vendu leurs tomates à des prix très en deçà de ce qu'ils espéraient en tirer. «L'offre est importante et bien que nos tomates soient d'assez bonne qualité, les productions d'autres régions ont fait que la demande ici même n'est pas celle qu'on attendait. De ce fait, nous sommes obligés, faute de moyens de conservation, d'autant plus que la tomate est un légume sensible, de brader nos récoltes», nous expliqueront des cultivateurs devant leurs caisses tomates attendant qu'un collecteur vienne, enfin, en prendre livraison. On apprendra aussi que l'intense activité commerciale dont nous avons été témoin se répète chaque matin et ce n'est que vers la mi-journée que les acteurs libèrent la chaussée et ses abords immédiats. Il en est ainsi à longueur d'année puisque «les cueillettes ne cessent jamais dans la région», nous précisera cet autre agriculteur accompagné de ses fils, dégageant un dynamisme à souhait, puisque, nous diront-ils dans leur dialecte local de la région de Beni Haoua, «nos serres ne désemplissent jamais, nous arrivons jusqu'à quatre rotations de type de culture par an». Et de reconnaître par là : «Nous ne perdons jamais espoir», sachant pertinemment que ce qu'ils ont perdu cette saison dans la tomate, ils le récupéreront à la prochaine récolte de la courgette et «nous arriverons, ainsi, à dégager des dividendes nécessaires pour alimenter notre enthousiasme dans le travail que nous menons». Des mots qui nous feront comprendre et réaliser tout l'attachement que portent ces autochtones à la pratique de la culture sous serre. L'investissement dans la plasticulture en croissance Nous remarquerons, par ailleurs, chez tous les jeunes de cette contrée, une forte aptitude à perdurer et à entretenir ce qui fait la renommée de leur région. Pour tous ces gens de la terre, notamment ceux des régions littorales du pays, là où toutes les conditions environnementales sont remplies, et qui ne sont pas encore convaincus de l'intérêt de développer la culture sous serre sur leur périmètre agricole, un bref séjour à Tachta, va, à coup sûr, les impressionner et leur faire changer d'avis. D'autant plus que, par endroits, ils ne seront que stupéfaits par les prouesses réalisées par les agriculteurs du coin, de réussir de pratiquer la plasticulture sur des terrains en pente et de surcroît sur le piémont de collines. Ce qui n'est pas du tout le cas dans les plaines du sublittoral où prévalent des superficies planes mais sans pour autant que l'on daigne y mener de la culture sous serre, préférant la culture sur champ telle que léguée par les aïeux. Est-ce à dire qu'à Tachta et ses environs, les agriculteurs sont plus aptes ou disposés à s'investir encore plus dans les techniques de culture qui donnent mieux, en particulier la plasticulture ? Ils nous le feront savoir : «Nous sommes toujours à la recherche de variantes dans cette activité. Pour preuve, nous ne cessons pas d'expérimenter des techniques spécifiques à la culture sous serre. Nous apportons une attention particulière à toutes les nouveautés mises en évidence outre-mer.» Quels impacts des méventes sur l'agriculture sous serre ? Selon des agriculteurs de la région de Tachta, qui se retrouvent de temps à autre devant des méventes leur faisant subir des pertes financières considérables, et qu'ils arrivent à surmonter chaque fois par leur opiniâtreté à ne pas vouloir céder aux aléas de parcours, la solution viendrait de la mise en place de moyens de stockage réfrigérés en quantités nécessaires et proches des champs de serre. «Une solution qui pourrait vite être mise à contribution par des opérateurs du coin si tant la tutelle que le ministère de l'Agriculture leur facilitaient la réalisation de chambres froides en les soutenant dans leur demande de crédits», soutient un acteur dans le circuit de la vente en gros, habitué à négocier dans la région de Tachta. Il faut croire que la réalisation dans l'immédiat de chambres froides adaptées et conçues à recevoir et à préserver des quantités importantes de produits maraîchers sensibles, en nombre suffisant, libérerait les agriculteurs de la région du spectre des méventes, qui engendrent des pertes sèches. Ce que d'ailleurs ils redoutent le plus et pourrait, si elles venaient à perdurer, à réduire sensiblement leur désir de s'investir encore plus dans la plasticulture. Une éventualité aux lourdes conséquences, notamment sur le plan de l'autosuffisance de produits maraîchers pour la wilaya de Chlef, elle-même actuellement pourvoyeuse d'autres wilayas.