De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur «Calmement, sans jamais élever la voix, Khaled Lemmouchia, pilier de la sélection nationale algérienne, nous a parlé malgré le veto de sa fédération, laquelle impose le silence à ses joueur.» Ainsi, commence le court texte d'introduction à l'interview que le joueur des Verts a donnée à l'envoyé spécial de l'Equipe au Caire et parue dans l'édition d'hier du quotidien sportif français. Sous le titre «C'était de l'inconscience», Lemmouchia répond à sept questions pour livrer son témoignage et exprimer ses sentiments sur le match du Cairo Stadium, la FIFA, la CAF et la rencontre décisive de Khartoum. - Sentiments d'après match : Je me dis que nous sommes passés à une minute seulement de la Coupe du monde, et j'espère qu'on ne va pas le regretter. Maintenant, ce qui est fait est fait. Il va falloir tenter d'oublier tout ça le plus vite possible même si, depuis quelques jours, on assiste à des choses très graves. - L'ambiance à l'hôtel après le match : Morose, évidemment. Tout le monde était abattu. Passer si près d'un tel objectif, c'est une chose, mais se dire que nous n'avons pas pu ou su maîtriser les événements, c'en est une autre. - Sur la FIFA : Je suis consterné de constater qu'aucune sanction n'a été prise par la FIFA. Franchement, je n'arrive pas à comprendre. Vous vous rendez compte que, dans le bus, nous avons été agressés par les supporters égyptiens, que c'était prémédité car à un moment le chauffeur égyptien s'est soudainement enfui pour éviter les pierres avant de reprendre le volant, que des joueurs ont été blessés, que le groupe a forcément été perturbé par toute cette violence et que personne n'a réagi. Personne ne bouge au niveau des instances internationales. Cette absence de prise de conscience me dépasse. On a l'impression qu'il ne s'est rien passé, que l'on a juste disputé un match tranquille alors que la peur était présente, cela se sentait. - En vouloir à la FIFA ? : Nous laisser jouer ce match, c'était de l'inconscience. J'ose à peine imaginer ce qui se serait passé si nous avions égalisé. Nous, les joueurs, aurions été en danger, tout comme nos supporters qui se sont fait agresser dans les rues après la rencontre. Quand on en arrive à de telles extrémités, on se pose forcément des questions. - Quelles questions ? Il suffit donc d'organiser des agressions pour remporter un match ? En fait, les Egyptiens sont arrivés à ce qu'ils voulaient parce que moi j'y étais et je peux vous dire que chez nous des joueurs étaient blancs, livides avant la rencontre. D'autres étaient paralysés et cela s'est vu sur le terrain. Nous sommes des êtres humains, nous avons des familles, des peurs, des joies, comme tout le monde, et la FIFA nous a laissés évoluer dans ce contexte. Si elle préfère voir les Egyptiens à notre place en Coupe du monde, qu'elle le dise clairement. - Sur les dirigeants de la FAF : Leur responsabilité est également engagée. Ils ont été inconscients sur ce coup. On a, je le répète, joué ce match avec des garçons qui ont été blessés. Moi, on m'a posé trois points de suture sur le cuir chevelu et personne ne m'a demandé si cela me gênait ou non. Que se serait-il passé, à votre avis, si les Egyptiens avaient été agressés de la sorte à Alger ? Ils auraient immédiatement fait demi-tour, seraient rentrés chez eux, auraient demandé la victoire sur tapis vert et l'auraient obtenue. Là, il n'y a rien et dans deux ou trois mois, si nous sommes éliminés, personne ne se souviendra des événements du Caire. C'est ça le sport. - Reste le match d'appui : Oui, bien sûr, et l'on repart tous gonflés à bloc même si cela est du cinquante-cinquante. Depuis ces incidents, on a eu le temps de se dire des choses, notamment que les Egyptiens avaient remporté une bataille mais pas la guerre. Dans un encadré, l'envoyé spécial de l'Equipe au Caire, Jean-Philippe Cointot, apporte son témoignage accablant sur les agressions après-match des supporters algériens, avec la complicité de la police égyptienne. Il écrit notamment : «Plusieurs cars de supporters algériens furent ‘‘caillassés'' à la sortie du Cairo Stadium. A certains endroits de la ville, profitant des barrages occasionnels abandonnés par la police, des jeunes firent ralentir toutes les voitures pour vérifier l'identité des passagers. Menaces, insultes, verre brisé, le tout organisé devant de très nombreux camions blindés des forces de l'ordre qui n'ont pas fait grand-chose pour rétablir le calme.» Et que déduire de cette phrase, toujours émanant de l'envoyé spécial de l'Equipe, sur le rôle dévolu aux supporters égyptiens pour abattre les Verts : «Dans toute la presse, qu'elle soit gouvernementale ou privée, l'accent fut mis sur… les supporters… les vrais vainqueurs» de la rencontre face à l'Algérie, selon le quotidien Al Ahram. Qui doute encore que les supporters égyptiens étaient en service commandé ? Que peut dire la FIFA ?