Mort dans des conditions peu enviables, déshonneur et prostitution, dépression ou prison, tels sont les horizons qui se dessinent pour celui qui met son destin entre les mains de la drogue. De la curiosité à la convivialité, au plaisir, à la dépendance puis au cauchemar, les étapes se suivent, inévitablement, rapidement et sans sommation. Les histoires de toxicomanes décédés par overdose, celles des personnes en «manque» qui offrent leurs corps ou celui de leurs proches pour une dose de stupéfiant, ou encore de ceux qui inconscients, ont commis crimes et délits, sont légion. 7 350 affaires liées à la drogue traitées en 2008 En Algérie, à l'instar de tous les pays du monde, la consommation de la drogue devient un fléau social. En 10 ans, de 1994 à 2004, le nombre d'affaires liées à la drogue, traitées par la justice a crû de plus de 370%. Chaque année, 22 000 personnes sont condamnées pour ces délits. Et les sentences sont lourdes : 7, 15, 20 ans de réclusion criminelle. Près de 85% des personnes condamnées ont moins de 35 ans. Les jeunes âgés entre 18 et 25 ans représentent, selon les chiffres de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLTD), 43,5% des consommateurs. 38% ont entre 25 et 35 ans. Pour le bilan des affaires traitées en 2008, l'ONLTD comptabilise plus de 7 350 concernant près de 11 000 personnes, dont 3 000 trafiquants et plus de 7 000 usagers de résine de cannabis, près de 500 trafiquants et 300 usagers de substances psychotropes et 69 cultivateurs de cannabis et d'opium. Le mal est donc partout. Dans les rues, les quartiers, les cités, à la sortie des écoles, dans les espaces publics, les narcotrafiquants essayent de noyer le marché de leurs substances du «chaos». Dans quel but ? Un marché juteux La toxicomanie a ceci de similaire avec l'oisiveté, qu'elles sont les mères de tous les vices. Sauf que la première, contrairement à la seconde, résulte d'une intention malsaine qui cache des intérêts financiers très importants. L'oisiveté n'a jamais enrichi son adepte, la drogue le peut. Deuxième marché économique mondial avec 500 milliards de dollars, -après celui des armes- le trafic de drogue prend des proportions alarmantes. C'est devenu le fléau de l'ère. Selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 3 à 5% de la population mondiale en consomme. En Afrique, ils sont plus de 34 millions à en prendre. En Algérie, l'évolution en matière de trafic de stupéfiants est inquiétante. Etape par étape, le pays commence à changer de statut. De transit à la consommation, l'Algérie devient (toutes proportions gardées) un pays de production. Les raisons de ces mutations sont nombreuses, complexes et imbriquées. Voisine de l'un des plus grands producteurs de cannabis au monde (le Maroc avec 3 000 tonnes par an, 31% de la production mondiale et 80% de la consommation européenne), l'Algérie ne pouvait échapper à cette calamité. Depuis l'installation de la digue de Gibraltar où des services de police mixte surveillent étroitement la frontière et empêchent l'acheminement de la marchandise interdite vers l'Espagne et, donc, vers l'Europe, les trafiquants de drogue se sont tournés vers les frontières terrestre et maritime de l'Algérie. Ces dernières deviennent, donc, des espaces de transit. Les saisies battent des records La première grosse quantité de cannabis saisie en Algérie remonte à 1975 avec 3 tonnes. Depuis, les chiffres s'emballent. Entre 2002 et 2004, les quantités de cannabis saisies ont augmenté de 100%. Ce taux passe à 800% entre 2007 (5 tonnes) et 2008 (38 tonnes). Effarant. Plus de 116 tonnes de ce poison ont été interceptées par les forces de sécurité de 1996 à 2008. Durant les dix premiers mois de l'année 2009, 52 tonnes de cannabis ont été saisies. Notons que ces statistiques ne concernent que les saisies de cannabis. C'est seulement le croissant du début du mois, la face cachée de la lune est plus étendue et simple à constater. Il suffit de regarder autour de soi. Dans les quartiers, dans les rues, partout, la drogue circule en quantités importantes. Sans amoindrir les efforts consentis par l'Etat pour éradiquer ce mal, il reste que la lutte contre la commercialisation et la consommation de tout genre de stupéfiant reste insuffisante. C‘est le cas, d'ailleurs, de tous les pays du monde. La communauté internationale consacre 50 milliards de dollars pour lutter contre ce phénomène (dix fois moins que le marché de la drogue). L'Etat affûte ses armes Depuis que l'interconnexion entre le trafic de drogue, le blanchiment d'argent et le terrorisme a été constatée, la lutte contre les trafiquants de drogue s'est accélérée de par le monde. Cette vérité est d'autant plus visible en Algérie. Plan directeur national pour la lutte contre la drogue et la toxicomanie (2004-2208), révision de la législation (réalisée en décembre 2004), nouvelle stratégie adoptée par les services de Douanes, surveillance accrue au niveau des frontières de l'ouest et du grand Sud, élaboration d'un fichier national de narcotrafiquants, les moyens de lutte adoptés par l'Etat commencent à porter leurs fruits. De janvier à la fin du mois de mars, les services de sécurité ont saisi une moyenne de 5 tonnes de drogue par mois. Les dernières quantités spectaculaires récupérées ne remontent pas plus loin qu'il y a quelques semaines, 12 quintaux à Tamanrasset et 23 quintaux à Béchar. Plus loin, 5 tonnes ont été saisies dans des containers au port sec de Rouiba. Du 8 au 19 avril, plus de 3 540 kg de kif traité ont été rejetés par la mer sur le littoral d'Aïn Témouchent et récupérés par la Gendarmerie nationale. Le 17 avril dernier, les mêmes services ont réussi à intercepter plus de trois tonnes de cannabis dans la région de Béchar, près de la frontière marocaine. Rien que pour ces trois opérations, en l'espace d'une vingtaine de jours, la récolte est ahurissante : plus de 11 000 kg de drogue ! A ce rythme, les saisies de cannabis, seulement, pour l'année 2009 pourraient atteindre 60 tonnes. Ce sont là des chiffres qui rendent malade. D'autant que la masse immergée de l'iceberg doit être beaucoup plus importante que celle apparente. Culture du cannabis en Algérie : est-ce possible ? Selon les données de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, près de 74% de la quantité de drogue qui passe par le pays ne fait que transiter, soit vers le continent européen ou vers le Moyen-Orient. Donc, 26% sont consommés en Algérie. Mais l'étau se resserre autour des narcotrafiquants. Des réseaux ont été démantelés et des barons sont tombés. Les nouveaux moyens de lutte, la coopération internationale et l'implication des citoyens compliquent la tâche des contrebandiers. Ils osent une nouvelle approche. Cultiver le cannabis et l'opium directement sur le sol algérien. L'immense étendue du territoire et le désert aidant, des plantations sont improvisées. En 2007, 6 260 plants de cannabis ont été découverts par la gendarmerie dans une plantation à Adrar contre 757 en 2006. A la mi-avril dernier, les mêmes services ont saisi plus de 1 200 plants d'opium dans quatre plantations à Ksar Aghent entre Timimoun et Adrar. Mais, selon des experts, la culture de cannabis en Algérie ne peut prendre des proportions importantes. la pression imposée par les services de sécurité, le produit de mauvaise qualité et l'absence de laboratoire de traitement font que ce genre d'investissement ne peut être rentable. Les nouveaux moyens de lutte Pour l'heure, la lutte contre le trafic de drogue se poursuit à un rythme effréné. Renforcement du dispositif de surveillance à la frontière de l'Ouest, descente de policiers et de gendarmes dans les quartiers, 17 millions de DA sont réservés par l'Etat pour une enquête épidémiologique sur la prévalence de la drogue en Algérie qui sera réalisée d'ici le mois d'octobre prochain pour établir une cartographie sur l'ampleur du phénomène. Une nouvelle politique nationale de prévention et de lutte contre la drogue est en cours d'élaboration pour 2009-2013 pour un budget alloué de près de 3 milliards de DA, implication de la société civile… Les moyens mis en place sont conséquents. Il reste un volet à aborder, celui de la prise en charge des jeunes Algériens. L'oisiveté comme la toxicomanie doit être proscrite. S. A. Les chiffres de la drogue Etude réalisée par l'Institut national de santé publique sur la base d'enquêtes diverses entre 1990 et 2000, Age moyen de la première consommation : 17-18 ans. (âge variant : 9 ans et 11 ans) . Lieu de la première expérience : au quartier, à l'école, en milieu du travail et à la maison . Produits consommés par ordre de fréquence : le cannabis, l'alcool, les psychotropes (benzodiazépines, anti-parkinsoniens de synthèse), les solvants et les drogues dures eu égard à la cherté du produit (le gramme de cocaïne se vend à plus de 12 000 DA). Prise en charge 15 centres spécialisés de désintoxication avec statut d'hôpital. 53 centres intermédiaires pour traitements externes . 185 cellules d'écoute et d'orientation opérationnelles au début de 2009. Des chiffres hallucinants 2e marché économique mondial avec 500 milliards de dollars. 1994-2004 : le nombre d'affaires liées à la drogue, traitées par la justice, a crû de plus de 370%. 22 000 personnes par an sont condamnées pour ces délits . Près de 85% des personnes condamnées ont moins de 35 ans . Entre 2002 et 2004, les quantités de cannabis saisies ont augmenté de 100%. Ce taux passe à 800% entre 2007 (5 tonnes) et 2008 (38 tonnes) . Les saisies de cannabis pour l'année 2009 pourraient atteindre 60 tonnes (elle sont de 52 tonnes pour les dix premiers mois). Dispositions pénales Loi n° 04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes : Art. 12. - Est punie d'un emprisonnement de deux (2) mois à deux (2) ans et d'une amende de 5 000 DA à 50 000 DA, ou de l'une de ces deux peines, toute personne qui, d'une manière illicite, consomme ou détient à usage de consommation personnelle des stupéfiants ou des substances psychotropes. Art. 13. - Est punie d'un emprisonnement de deux (2) ans à dix (10) ans et d'une amende de 100 000 DA à 500 000 DA, celui qui cède ou offre de manière illicite des stupéfiants ou des substances psychotropes à une personne en vue de sa consommation personnelle. Le maximum de la peine est porté au double lorsque les stupéfiants ou les substances psychotropes sont offerts ou cédés à un mineur, à un handicapé ou à une personne en cure de désintoxication ou dans des centres d'enseignement, d'éducation, de formation, de santé, sociaux ou dans des organismes publics. Art. 17. - Est punie d'un emprisonnement de dix (10) ans à vingt (20) ans et d'une amende de 5 000 000 DA à 50 000 000 DA, toute personne qui, illicitement, produit, fabrique, détient, offre, met en vente, vend, acquiert, achète pour la vente, entrepose, extrait, prépare, distribue, livre à quelque titre que ce soit, fait le courtage, expédie, fait transiter ou transporte des stupéfiants ou substances psychotropes. Les actes prévus à l'alinéa 1er ci-dessus sont punis de la réclusion perpétuelle lorsqu'ils sont commis en bande organisée. Art. 19. - Est punie de la réclusion perpétuelle toute personne qui, d'une manière illicite, a exporté ou importé des stupéfiants ou des substances psychotropes. Art. 20. - Est punie de la réclusion perpétuelle toute personne qui a cultivé d'une manière illicite le pavot à opium, le cocaïer et la plante de cannabis.