A travers les textes fondateurs qui organisent le fonctionnement des collectivités décentralisées (APC–APW) et même ceux qui encadrent la wilaya, la béance est de taille. Malgré les éloges tressés aux mairies à la veille d'une élection, la glorification du «pouvoir local», émanation de la population dans les grands pays, la culture, son financement, sa diffusion dépendent exclusivement d'Alger, sans d'ailleurs les ingrédients qui vont avec. Au plan culturel, l'Etat est pauvre. Il l'est dans les domaines de la formation dans des métiers pointus (restauration – conservation - technologies qui participent du théâtre, des sons et lumières–entretien du patrimoine depuis la préhistoire, des musées et leur modernisation – beauté du mobilier urbain, à commencer par les kiosques à journaux, etc.). Même le mur d'enceinte du palais du Peuple est repoussant de l'extérieur. Si l'Etat abrite des ministères dans de vieilles casernes, il est aisé de comprendre qu'à l'intérieur du pays, toutes zones confondues, le délabrement physique de la culture, l'absence de managers, d'animateurs performants et d'infrastructures, l'argent fantôme sont des invariants dans un système global, qui a sa cohérence. Bien entendu, l'Algérie possède un patrimoine naturel et historique, parfois à ciel ouvert comme par exemple l'héritage de l'Empire romain, celui de la colonisation dénaturé par l'idéologie qui a fait démolir des églises, refaire des salles de spectacle à l'emporte-pièce, changer la nature de certaines grandes fermes devenues des ma sardes ou de simples ruines, etc. Dans les pays culturels, le patrimoine cogéré par l'Etat, les collectivités locales et régionales a d'énormes ressources financières dont le plus gros ne vient pas de l'Etat. Sur la base de contrats avec l'Etat, les collectivités profitent des retombées financières (tourisme – activités culturelles rentables) et elles sont jugées pour cela à chaque scrutin par les électeurs. Les élus locaux parmi lesquels des «culturels» formés, connaisseurs, diplômés et gestionnaires sont présentés sur des listes en fonction aussi du champ culturel et du profil touristique de chaque collectivité. Force est de constater que les élections locales obéissent à des considérations de «tambouille» dans laquelle la culture et le tourisme, qui ne sont pas «politiciens» et qui n'ont pas une vocation économique, sont absents, selon la pratique algérienne, où la «politique» est la seule boussole de la rente. Le sommet fait de l'ombre à tout un pays. Comme le centre omniscient, omnipotent, détenteur de toutes les connaissances a toujours la volonté farouche de ne céder aux collectivités locales que des bribes de responsabilité (état civil peu informatisé, de petites décisions peu innocentes – place de marché, etc.), la culture n'a aucune chance à partir de la base, et le tourisme non plus. Les identités régionales, les parlers, l'artisanat, les musiques et danses se perdent progressivement. Les vieux métiers de la forge sont visités et de vieux bateaux sont transformés en salles de danse, en restaurants. Cela se passe ailleurs. A. B.