Qui aurait dit que les «Watergate» et «Irangate», pour ne citer que les plus scandaleuses affaires du monde politique, qui est par excellence un monde où les scandales sont légion, auraient un jour leur pendant dans le milieu scientifique ? Pourtant, il suffit parfois de gratter un peu pour voir surgir une scandaleuse affaire de manipulations de données scientifiques au bénéfice d'un groupe ou d'un lobby industriel. Dans son livre et son film le Monde selon Monsanto, Marie-Monique Robin révèle comment le géant américain de l'industrie agrochimique a pu se jouer de la santé des gens et empoisonner des populations entières grâce à des études «commandées» à des chercheurs à sa solde qui affirmaient que les produits incriminés étaient inoffensifs. Plus récemment, un documentaire de la chaîne Arte, qui a diffusé le film de Marie-Monique Robin, a montré les complicités que les groupes pharmaceutiques avaient dans les milieux politiques, voire au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La science tourne le dos à son objectif premier -travailler pour améliorer la vie et le monde- et se laisse corrompre en se mettant au service de l'argent et de la politique. Elle s'est tant et si bien compromise que les politiques trouvent tout naturel de la mettre à contribution dans leurs calculs et desseins à chaque fois que la nécessité s'en ressent. Le «Climategate», dernier scandale en date, en est la preuve. Le «Climategate» concerne la publication sur Internet, le mois dernier, à la veille du sommet de Copenhague sur le climat, de milliers de courriels de chercheurs du prestigieux centre de recherche sur le climat de l'université d'East Anglia (Royaume-Uni) soupçonnés de manipuler des données pour confirmer le réchauffement planétaire. Ce scandale a été utilisé comme un argument par les républicains et les industriels qui s'opposent à toute réglementation des émissions de gaz à effet de serre (GES) aux Etats-Unis. Mais Andrew Weaver et l'écrivain James Hoggan, deux spécialistes canadiens du climat, ont justement accusé cette semaine des lobbies industriels américains d'être derrière le «Climategate». Pour les deux spécialistes, cette affaire menace les négociations de Copenhague sur les engagements à prendre en matière de réduction d'émission de GES. Pour M. Hoggan, «c'est une attaque frontale contre la validité de la science du climat lancée par des groupes industriels» qui, avec des idéologues de droite, «font la guerre à la science» et «profitent de l'analphabétisme scientifique du public», renchérit M. Weaver. Ces groupes d'influence cherchent à «saboter la volonté politique» de Washington en la matière, a affirmé M. Hoggan. Des organismes tels que le Competitive Enterprise Institute, le Heartland Institute et le Committee for a Constructive Tomorrow ont été au centre d'une campagne de dix ans pour retarder l'action du gouvernement américain contre les GES, dira l'écrivain. Mais si groupes industriels, idéologues et politiques croient pouvoir «manipuler» la science, c'est bien parce que cette dernière a déjà montré, plus d'une fois, des dispositions à l'être. H. G.