«Je vous avoue que depuis quelque temps, je suis obsédé à l'idée qu'un membre de ma famille décède suite à l'inhalation de gaz. Croyez-moi, il m'arrive souvent d'appeler ma femme, de mon lieu de travail en vue de lui rappeler la nécessité de procéder à la fermeture des robinets de gaz une fois la cuisson terminée. Je ne peux pas ne pas l'appeler. Si je ne le fais pas, je ne me sentirai pas à l'aise. Des collègues de travail me disent que j'en fais trop, mais j'en ai cure de leurs remarques. Lorsque la presse rapporte des informations faisant état de familles décimées par le gaz, je me dis que tout compte fait mon inquiétude est fondée et que la vigilance permet, souvent, d'éviter bien des drames.» C'est en ces termes que Rachid, agent d'administration de son état, rencontré dans un train de banlieue, nous a répondu lorsque nous lui avons demandé de nous donner son avis sur la recrudescence du nombre de personnes décédées suite à l'inhalation de gaz. Comme lors de chaque saison hivernale, des drames surviennent, endeuillant des familles entières. Il arrive, parfois, qu'une famille entière disparaisse à jamais suite à l'inhalation de gaz. Ce phénomène semble faire son «bonhomme de chemin» sans que personne ne s'en inquiète outre mesure. Certains n'hésitent pas à dire que c'est une sorte de mort silencieuse qui semble s'installer. Si des mesures concrètes ne sont pas prises pour l'éradiquer, ou tout au moins en atténuer les proportions, ce phénomène risque de devenir un fait banal qu'on lie le plus souvent à la fatalité, à l'image des accidents de la circulation routière dont le nombre de victimes atteint, pourtant, les cimes. Pour revenir au nombre élevé des décès, suite à l'inhalation de gaz, cette situation s'explique par le fait que voulant à tout prix se chauffer les gens oublient le plus souvent de prendre les mesures de sécurité qui s'imposent en pareilles circonstances. En outre, l'informel régnant en maître (les appareils de chauffage défectueux sont légion sur le marché) a exacerbé les choses. Selon les statistiques, près de 200 personnes décèdent annuellement alors que plus de 3 000 personnes sont hospitalisées pour cause de complications dues à l'inhalation de gaz. Les témoignages au sujet des victimes du gaz sont légion. Ils sont très poignants. «Je me rappelle : il y a quelques années, un couple de personnes âgées vivant pas très loin de nous est mort par asphyxie. Il s'agissait d'un homme âgé de 84 ans et de sa femme, une vieille de 70 ans alitée depuis 9 ans. En cette nuit qui s'avérera fatidique, et alors que tout le monde s'était endormi, le monoxyde de carbone s'est répandu dans tout le périmètre de la chambre. Le lendemain matin, les voisins furent frappées par le fait que, contrairement à leur habitude, la chambre des deux vieux était encore curieusement fermée. Les enfants, habitant la même maison au premier étage, vont frapper à leur porte. Mais c'est le silence total. Alertés par les voisins, les éléments de la Protection civile et du commissariat de police se rendent sur les lieux. Et là, ce fut l'horreur ! Évacués d'urgence à l'hôpital, les deux corps inanimés, malgré la rapidité des soins d'urgence prodigués par les médecins, n'ont pu être réanimés. Il était dit qu'ils allaient mourir de cette manière», nous racontera, non sans une pointe d'amertume, Salim. Sollicité pour donner des explications sur le phénomène, un médecin nous certifiera que lors de l'inhalation, le monoxyde de carbone (un gaz très toxique) prend la place de l'oxygène dans le sang. «Les victimes asphyxiées par manque d'oxygène, peuvent perdre rapidement connaissance. Mais, même conscientes, elles sont incapables de bouger, dans la plupart des cas n'étant plus susceptibles de réagir correctement. Sans l'aide des secours, elles peuvent mourir dans un délai très court», expliquera notre interlocuteur. Une autre personne insistera sur l'aspect prévention. Il estimera que Sonelgaz se doit de multiplier les spots publicitaires appelant les citoyens à être vigilants et à prendre les mesures appropriées (notamment tout ce qui a trait à la vérification des chauffages de leurs appartements) dès que la météo annonce une vague de froid. Pour les techniciens de la Sonelgaz, il n'y a qu'une seule solution pour remédier à cette situation : entretenir régulièrement les chaudières ou tout autre appareil de chauffage et procéder au ramonage des conduites de cheminée et au nettoyage des brûleurs pour le fioul et le gaz et ce, au moins une fois par an. Telles sont les recommandations préconisées par la Société nationale d'électricité et de gaz. Cette dernière rappelle qu'il ne faut jamais obstruer les aérations dans la mesure où elles peuvent sauver des vies en cas d'émanation de monoxyde de carbone. Mais, de l'avis de nombreuses personnes rencontrées, ces mesures ne sont pas à même de mettre le holà à ce phénomène si l'informel n'est pas combattu avec la rigueur qu'impose une pareille situation. Dans la foulée, nos interlocuteurs ne s'empêcheront pas de fustiger le comportement de certains plombiers, il faut le dire, peu scrupuleux (ils sont partisans du moindre effort) et qui ont une grande responsabilité dans les drames qui surviennent. «Lorsqu'ils sont sollicités par les citoyens, ils ne procèdent pas aux réparations avec la rigueur qui s'impose… Mais, avouez que là, c'est une toute autre paire de manches ! », nous diront-ils en chœur. B. L.