Photo : La Tribune Entretien réalisé par notre envoyé spécial à Batna Amirouche Yazid La Tribune : Après une vingtaine d'années d'existence, le TR Batna vient de produire la première pièce intitulée Algham abouhali. Cela traduit quoi réellement ? Samir Oudjit : Pour moi, ce n'est qu'un début dans le sens où nous n'avons jamais travaillé en tamazight. C'est une nouvelle expérience. Même si je ne parle pas tamazight, je suis convaincu que tamazight est en moi. C'est pour cette raison que j'ai pris la décision de jouer ce rôle dans la pièce Algham Abouhali du Théâtre régional de Batna. J'avoue que j'ai eu peur au début mais, à force de répéter, j'ai compris que je pouvais tenir ce rôle dans toutes les langues. Car, en vérité, la langue du théâtre, c'est l'action et l'image. La langue n'est qu'un instrument. En jouant dans cette pièce, j'ai eu le sentiment d'avoir exprimé mon identité en tant qu'amazigh (l'entretien a été réalisé avant l'attribution du prix, ndlr). Peut-on dire, aujourd'hui, que le théâtre amazigh existe réellement? C'est le résultat du sacrifice de plusieurs générations de militants de la cause et de la langue amazighes. C'est un atout pour le grand Maghreb. Le théâtre amazigh compte maintenant trois festivals. National dans les Aurès (Batna), maghrébin (Tizi Ouzou) et l'autre international (Béjaïa). C'est les premières bases pour un théâtre amazigh qui va traduire notre culture dans toute sa richesse et sa diversité. Il faudrait se dire que si nous ne travaillons pas notre culture dans ce contexte de mondialisation, nous serons inéluctablement effacés. Il faut revenir à nous-mêmes. Aux sources et aux origines. Ne pensez-vous pas que les producteurs et acteurs du théâtre amazigh auront une lourde responsabilité pour développer ce genre ? C'est aux spécialistes d'accomplir cette lourde mission. Il appartient donc aux hommes de théâtre, qu'ils soient dramaturges, metteurs en scène, comédiens et scénographes, de réunir les conditions pour faire avancer cette action et fructifier cette dynamique. En parallèle, l'université est également appelée à accompagner ce processus comme étant un lieu de savoir et un réservoir d'idées. En vérité, chacun, à son niveau et selon ses moyens, a un rôle à jouer dans la société pour qu'on puisse résister. Les responsables, pour leur part, doivent prendre en charge la culture dans sa globalité. A partir de là, le théâtre va certainement s'améliorer. Il faut également donner de la considération aux jeunes artistes formés à l'ISMAS de Bordj El Kiffan. Car, finalement, l'avenir du théâtre en Algérie passe par eux. La formation est une nécessité. Nous avons, certes, commencé amateurs, mais cela ne doit pas durer longtemps. Il faut passer à un cadre professionnel pour prétendre à mieux représenter l'Algérie lors des rendez-vous internationaux. Etes-vous optimiste pour l'avenir du théâtre en Algérie ? Bien sûr que je suis optimiste pour l'avenir du théâtre algérien dans toutes ses versions, car la matière existe. L'histoire de notre pays est riche. Notre jeunesse doit s'éveiller à la mesure de son histoire. Je suis optimiste parce que l'Etat débourse de l'argent pour le secteur de la culture. Ce qui a permis évidemment de booster le théâtre. Tout le monde a constaté qu'en organisant ce festival, toute la ville de Batna a vécu au rythme de l'événement. Nous avons aussi constaté que le théâtre amazigh a son public. Ce dernier ne vient pas par simple curiosité. Mais il tient à voir des pièces en tamazight. C'est un indice pour dire que ce théâtre a un bel avenir devant lui. Il ne faut pas oublier que les médias audiovisuels commencent à produire en tamazight même s'il s'agit pour le moment d'un doublage. La création viendra un jour.