De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Palais de la culture, maisons de la culture, centres culturels, théâtres, bibliothèques et autres musées et galeries d'art sont frappés de léthargie et chôment à longueur d'année, attendant ou espérant quelque perfusion qui les ranimerait le temps d'une ou de deux journées pour retomber comme à l'accoutumée dans un sommeil profond et s'oublier dans cet environnement qui les a bannis. Il en va ainsi du sort de la culture qui, désormais, se cache pour mourir parce que déclarée persona non grata dans cette Algérie du XXIe siècle qui lui a résolument tourné le dos malgré les quelques maigres prestations ici et là et qui ajoutent à sa longue agonie. En effet, l'homme de lettres ou l'artiste se retrouvent aujourd'hui, répudiés, repoussés et exclus, vivant en marge d'une société qui ne les comprend pas parce que tout simplement elle ne peut pas le comprendre, occupée qu'elle est à courir après les aléas d'une vie devenue de plus en plus difficile. Et si l'on voit de temps en temps sur un des plateaux des chaînes nationales un homme de culture s'exposer pour se prêter à la critique de l'une de ses œuvres, on s'aperçoit que la qualité et le niveau de l'émission menée par de piètres animateurs renvoient une image rebutante, obligeant le téléspectateur à subir une ignorance qui s'exhibe en public et qui tente de se placer comme interlocuteur incontournable à la promotion d'une œuvre. Or, ces animateurs, faute de présenter un bouillon de culture à la Bernard Pivot avec ses fameuses répliques et remarques, se contentent de servir un brouillon de culture insipide qui dévalorise plus qu'il n'encourage parce que ne s'étant pas formé dans cette discipline et, donc, l'improvisation et la précipitation supplantent la connaissance et l'art de la critique. L'homme de lettres et de culture s'en trouve de plus en plus isolé, incompris et non considéré auprès des siens ; il quitte les lieux et se retire pour s'éclipser et aller vivre sous d'autres cieux plus «cléments» pour la culture et ses hommes. Pour ceux qui restent et continuent de résister à la reptation inexorable de l'ignorance et de l'inculture ambiante, c'est l'enfer. Un enfer qu'ils vivent au quotidien et dont ils essayent de faire abstraction en se réfugiant dans les livres et les œuvres d'autrui tout en continuant à produire et à écrire. Mais l'acte d'écrire le renvoie à cette société qui se trouve être leur milieu et leur référent culturel et, donc, ne pouvant s'en défaire parce que portée en eux. Ils en dénoncent les écarts et les errements avec, cependant, une pédagogie réparatrice et correctrice. Dans cette triste réalité où nos salles de cinéma ont disparu et avec toute une culture, où les planches de nos théâtres ne résonnent plus sous les pas des acteurs, où les pièces se comptent du côté des caisses et non pendant les entractes, où nos galeries d'art sont envahies par les toiles d'araignée et nos musées archivés, notre culture s'étiole et se meurt dans ces espaces qui lui sont, pourtant, réservés mais qui, détournés ou oubliés, ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. Dans les manifestations culturelles qui n'arrivent, en général, qu'une fois l'an -«On se souvient de nous, une fois par an, comme la zlabiya pendant le Ramadhan», dixit notre chère Biyouna sur Nesma TV- un brin d'espoir au sujet d'un retour de la culture est insufflé, promesses et décisions fermes qui, plus tard, s'avèrent sans lendemain. Des lendemain qui déchantent et qui, pris dans les arcanes d'une inculture et d'une ignorance qui se généralisent dangereusement, retombent dans «la normalité» vécue et admise. Parce que, dès qu'une quelconque manifestation culturelle s'achève, on plie bagage et on fourgue tout dans la remise pour se débarrasser d'une «corvée» nécessaire. Dans notre pays, la culture a fou… le camp depuis longtemps, ses «responsables» font quelques «apparitions» occasionnelles, débitent leurs discours tout aussi occasionnels pour, ensuite, s'évanouira dans la nature…