On l'appelle Kadda. Tout le monde le connaît dans la région, et même ailleurs. Et pour cause, il est par monts et par vaux, il est sur le Net et écume les forums de discussions et d'échanges. Il n'est pas en quête de contacts et/ou de relations, mais cherche des partenaires et soutiens. Son objectif : sauver Aourourout, le ksar où il est né et a grandi. Il y vit. Et c'est pour ça qu'il ne peut supporter de le voir chaque jour perdre un pan de ses murs et de son histoire. Aussi a-t-il constitué une association (pour avoir un statut juridique et administratif) et s'est-il lancé corps et âme dans la restauration et la sauvegarde du ksar. Grâce à sa persévérance et au sérieux de sa démarche, Kadda a réussi à décrocher une aide financière de la délégation de l'Union européenne à Alger qui lui permettra de lancer le premier chantier de restauration. Pour la main-d'œuvre, il lance tout simplement une invitation sur le Web à toutes les personnes qui voudraient participer aux travaux de restauration consistant en la confection de briques en terre et la reconstruction de maisons et murs du ksar d'Aourourout, sous la direction d'artisans chevronnés. Les apprentis maçons seront pris en charge sur le site et les travaux seront sanctionnés par une attestation de participation au chantier de restauration du ksar. Au final, Aourourout revient peu à peu à la vie. Il reste encore quelques travaux à entreprendre, mais Kadda est confiant et élabore des projets pour l'exploitation du ksar. Une demeure sera aménagée pour devenir Maison de l'artisanat où des femmes artisans de la région travailleront, exposeront et vendront leurs produits. L'association devra les équiper en matériels et matières premières. En attendant que les responsables daignent dénouer les cordons de la bourse, le ksar s'autofinancera grâce à la location de maisons à des agences de voyages qui y organisent des séjours touristiques. N'est-ce pas là une admirable leçon de prise de conscience et d'actions pour la sauvegarde, la préservation et la bonne exploitation d'un patrimoine ? Les responsables, et les citoyens à défaut d'une prise en charge par ces responsables, devraient en prendre de la graine. Et de la graine, il y en a à revendre. Kadda n'est pas un cas isolé. A Tamanrasset, l'artiste Farida Sellal s'est investie dans la sauvegarde d'un patrimoine, autrement plus difficile à préserver, car immatériel. Elle a mis en branle toutes les potentialités et exploité tous les fonds qu'elle a pu récolter pour construire une maison de l'imzad à Tamanrasset où aussi bien l'instrument targui que les chants qui accompagnent celle qui en joue seront réunis. A Sétif, c'est un jeune enseignant de dessin qui paye de sa poche pour acheter crayons de couleur, peinture et papier aux enfants qu'il initie à l'art pictural pendant son temps de repos. Dans l'Oranie, un conteur sillonne la région pour distraire les enfants, tout en leur inculquant les enseignements que recèlent ses contes. L'association Ciné-Grouz est née à Béchar avec pour objectif l'organisation périodique de projections de films nationaux et étrangers. Déjà, chaque quinzaine, des rencontres sur le cinéma sont tenues pour initier le public aux secrets et à la magie du 7ème art. Des films seront également projetés dans les localités éloignées de la wilaya et Ciné-Grouz compte organiser au cours de l'année 2010 un festival national de cinéma. Cette petite liste est évidemment loin d'être exhaustive. D'autres citoyennes, citoyens et associations que nous ne pouvons tous citer travaillent, chacun selon ses moyens et ses capacités, à redonner à la culture et aux patrimoines la place qui leur sied dans la société. On peut aisément imaginer les résultats auxquels ils parviendraient si l'Etat les soutenait dans leurs actions. Il aurait tout à y gagner, car il pourrait ensuite s'appuyer sur eux, et la culture aussi. A bon entendeur… H. G.