Espoir Ils chattent, débattent de tout et de rien sous le couvert de l?anonymat, puis ils se rencontrent une deuxième fois, mais pour de «vrai». Du virtuel au réel, un pas qui réserve souvent des surprises, l?amour ou l?amitié peuvent-ils exister entre ces deux mondes ? La rencontre est rapide. Le surfeur choisit un forum de discussion (salon), se mêle aux interlocuteurs avant de repérer celle ou celui qui l?intéresse et de cliquer sur son pseudo pour un dialogue en «privé», en tête à tête. Quelques lignes échangées, des e-mails envoyés, puis des photos et parfois des sons. Ce jeu de découverte peut durer plusieurs jours, voire des mois avant qu?un rendez-vous ne soit pris dans la «vraie vie». «Pour moi le Net est seulement une forme de présentation, la vraie rencontre c?est le premier rendez-vous», confie Mohamed, un célibataire de 35 ans, patron d?un cybercafé à Alger, et qui passe la majorité de son temps à «chatter». Une façon d?occuper son temps libre et de s?amuser, rares sont les rencontres sérieuses. «Souvent, elle ne répond pas à mes attentes, je découvre une autre personne, que celle avec qui j?ai chattée.» Rabah, un enseignant âgé d?une quarantaine d?années, affirme que la «tchatche» est sa passion. Chaque jour, à 23h et ce, jusqu?à 6h, il «chate» sans arrêt. «Je souffre de solitude, je suis encore célibataire. Et puis, on ne peut plus, comme avant, courtiser les femmes dans la rue ou les inviter à prendre un café, les mentalités ont changé. La tchatche comble ce vide. Je chatte sur des sites où l?on se déguise, on peut porter des chapeaux, masques? Avec ma webcam, je peux voir l?autre personne. C?est super ! J?ai plusieurs amies, ce sont des relations virtuelles, c?est vrai, car on ne se connaît pas réellement, mais ça reste sensationnel et très émouvant !» Le lieu de la première rencontre est choisi selon les intérêts des deux personnes, mais toujours dans des endroits publics, avoue Sihem, 28 ans. Cette journaliste encore célibataire, sait, par expérience, que l?anonymat du Net favorise les mauvaises surprises. «Il y a quelques mois, j?ai chaté avec un homme très sympa. Notre discussion était longue et très prometteuse, du moins c?est ce que je croyais, car on avait beaucoup de points en commun. Après le premier appel téléphonique, sans attendre, il m?invite chez lui pour passer la nuit. Je l?ai traité de tous les noms. J?étais anéantie, je m?en voulais aussi de m?être fait avoir.» En effet, le Net favorise la ruse qui, généralement, profite aux hommes. Les femmes restent, quant à elles, plus idéalistes dans cette quête d?amour virtuel. À 25 ans, Meriem espère vaincre sa timidité et vivre le grand amour, mais après une dizaine de rencontres ratées, elle décide d?arrêter. «Une fois que l?on se retrouve, seul le sexe les intéresse. C?est décevant et tellement blessant d?être mené en bateau pendant plusieurs semaines. Ils veulent tout et sans attendre, en plus ils mentent comme ils respirent !» Farida, étudiante, précise que la rencontre réelle est tout autre, la plus vraie et c?est elle qui annule celle qui a commencé sur le Net. «Toutes mes premières rencontres étaient infernales. Je fantasmais sans cesse sur leur intelligence, leur beauté et leur générosité, le meilleur n?a jamais été à la hauteur.» Il y a deux mois, Farida a rencontré un «tchatcheur», ils sont devenus de bons amis. «Lorsque je l?ai vu ce n?était pas une beauté, mais on a sympathisé et nous sommes restés amis.» Cependant elle avoue franchement que ces relations n?aboutissent pas facilement. «Au bout de la quatrième rencontre ; je commence à oublier Roméo et je commence à connaître Salah. Dans la réalité, il est moins parfait. Une fois que l?on se fréquente et l?on se connaît, cela se passe comme n?importe quelle autre relation.» Entre rêve et réalité, virtuel et vérité, la relation semble survivre entre les deux, elle se tisse de paradoxes.