Face à un public restreint, la générale de la pièce Kalam a été donnée mardi dernier sur les planches du Théâtre national algérien Mahieddine Bechtarzi. Mise en scène par Amel Menighed d'après la pièce le Chant du cygne d'Anton Tchekhov, Kalam raconte l'histoire de deux artistes, des enfants du théâtre qui, ayant vécu pour le 4ème art et tout donné au théâtre, se retrouvent après 35 ans de carrière à la case départ… dans les coulisses. Houria, belle femme qui a tout pour plaire, a sacrifié sa vie pour les planches. Sans famille ni ami(e)s elle pleure sur son sort. L'ancienne étoile est aujourd'hui éteinte. Elle est devenue une personne anonyme, après s'être donnée corps et âme à son métier. A ses côtés, Cherif, un vieux clown qui tente de la distraire et de l'emporter dans son monde à lui. Cherif, au-delà de son humour décapant et de ses airs de personne détachée de tout et que rien n'atteint, est un ancien militaire qui, en son temps, avait connu la guerre, le sang et vu la mort dans les yeux de l'ennemi qu'on lui a mis en face. Les guerres dans lesquelles on l'a engagé l'ont durci. Entre lui et la vie, il y a une cuirasse. Et quand la paix arrive, Cherif est désarmé. Il ne sait rien faire d'autre que viser et tirer pour tuer. Ne pouvant faire face à la vie, il décide alors d'adopter une vie factice. Il se fait clown. Mais il payera cher cette mue : sa bien-aimée le quitte. Sa Rabab, qu'il décrit comme étant plus belle que le soleil, refuse de l'épouser, enfin d'épouser un clown !Les deux comédiens, Adila Bendimerad dans le rôle de Houria et Benouari Slimane dans le rôle de Cherif, ont fait valoir leur talent sur les planches. Adila a bien su se mettre dans la peau de son personnage mélancolique, orgueilleux et tellement sensible. Quant à Slimane, il a parfaitement dévoilé la triste réalité des comédiens dans une société où l'art ne fait pas vivre. On notera également que l'ambiance sombre dans laquelle la pièce se joue ajoute de l'épaisseur au drame qui se déroule sur la scène. Par la scénographie qu'elle a réalisée, Amel Menighed a bien su reconstruire cette image de l'après-spectacle. Par ailleurs, le spectacle s'est distingué par son début imprévisible et cela grâce à l'entrée effectuée par la comédienne depuis la salle plongée dans le noir. Un bon point ira à l'accompagnement musical ainsi qu'à l'éclairage. Rappelons que la metteur en scène a tenu a préciser qu'elle en est seulement à sa première expérience dans la mise en scène et cela à travers un petit mot sur le prospectus. «Ce serait bête de ma part de dire un mot alors que je ne fais qu'entamer ma première mise en scène, cela ressemble aux premiers pas d'un bébé, qui souvent précèdent la parole. Je vais donc rester fidèle à cette expérience enfantine», écrit-elle avec modestie. Par ailleurs, entre l'amour démesuré pour l'art et l'ingratitude et l'injustice de la vie, il y a beaucoup à dire, reste seulement à trouver les bons mots, ce que l'auteur a tenté de faire. Prenant l'exemple de deux personnes de sexe opposé, il fait dire que le même sort est réservé à ces gens qui font des choix personnels au-delà de tous les sacrifices. Mais reste à savoir comment assumer et ne pas céder face à un destin cruel. En somme, Houria et Slimane ne sont que le reflet de cette génération d'artistes qui, après avoir soutenu l'art, se retrouvent à la fin rejetés et incapables de donner. W. S.