Photo : S. Zoheïr Par Youcef Salami De hauts cadres de Sonatrach, dont le P-DG, sont impliqués dans une affaire de passation douteuse de marchés. L'enquête suit son cours. Si ce scandale fait l'actualité, c'est parce qu'il concerne Sonatrach, société nourricière du pays, la 12ème compagnie pétrolière à l'échelle mondiale. Il éclipsera, pour un temps du moins, d'autres affaires, d'autres malversations. Certes, les mis en cause sont présumés innocents jusqu'à preuve du contraire, mais le mal est fait, l'image de la compagnie affectée. Le maillon faible qui semble être à l'origine de ce dossier à embrouille est le gré à gré, une procédure qui serait entachée d'irrégularités. Fallait-il y recourir impérativement ? Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, au cours de la conférence de presse qu'il a animée samedi dernier pour parler de cette affaire, a avancé que lorsqu'un appel d'offres s'avérait infructueux ou qu'il y avait un seul soumissionnaire, le gré à gré serait incontournable. Le champ d'application de cette formule a été pourtant rétréci depuis une dizaine d'années, suite à l'introduction du mécanisme de l'appel d'offres, une mesure mise en mouvement non sans difficulté, des voix discordantes n'en voulant pas. A l'époque, le ministre de l'Energie et des Mines, déclarait que, s'il y a des résistances contre cette procédure, c'est parce qu'il y a des intérêts en jeu. Contre vents et marées, le projet a été toutefois mené à terme et cette procédure est devenue l'une des règles fondamentales dans les passations de marchés. Une entité autonome, spécialisée dans l'édition, entre autres, a été créée à cet effet. Elle diffuse le Baosem dans deux langues au moins. C'est dans ce document que sont insérés les appels d'offres mettant en compétition des projets d'investissement dans le secteur pétrolier. La formule a-t-elle pris racine ? Fonctionne-t-elle comme il se doit ? Les contrats d'octroi de marchés sont signés séance tenante et il n'y a pas de critiques de la part des sociétés non retenues, du moins publiquement. Est-ce à dire que la procédure est clean ? Dans les attributions de marchés, de manière générale, ce sont les soumissionnaires non sélectionnés au terme d'un avis d'appel d'offres qui sont supposés se plaindre des procédures, se disant lésés. La dénonciation des passations douteuses de marchés peut se faire par courrier auprès de la tutelle. Des gens intègres employés dans des entreprises, constatant des irrégularités dans la passation de tel ou tel marché, dénoncent de telles pratiques en en tenant informé le ministère. Seulement, cela ne semble pas toujours pris en compte au niveau du ministère de tutelle, à en croire certaines indiscrétions. Des courriers signés envoyés au ministère de l'Energie et des Mines ont été traités et des enquêtes déclenchées, d'autres ne l'ont pas été du tout. Abbar Mokrane, ancien salarié de GCB, poussé à la porte, a voulu témoigner de ce qui se passait et se passe encore, selon lui, dans cette entreprise. Une pile de documents à la main, il souligne, avec conviction, que GCB est «minée de l'intérieur» par les «dilapidations» et les «malversations». Il fait savoir, entre autres, qu'en 2007, un ingénieur formé en Allemagne, crédité de compétence et travaillant pour GCB, a dénoncé une «grosse affaire» dans cette entreprise, des pertes établies à «cent quarante-trois milliards de centimes, dont cent milliards de centimes au niveau de la direction régionale de cette société, à Hassi R'mel». Selon lui, cet ingénieur a tenu à en informer la «présidence de la République et le ministère de tutelle». Cela a-t-il payé ? Une enquête a été effectivement effectuée pour faire la lumière sur ce scandale. Sauf que, selon les termes de Abbar Mokrane, il «n'y a pas à ce jour de conclusions de l'enquête». Il dit «soutenir» cet ingénieur et il l'a fait savoir par écrit au ministère. Il note également que cet ingénieur a été comme lui «harcelé moralement et poussé à la porte, invité», en fait, à prendre sa retraite. Il avance une «palette» d'«arbitraires» et «d'abus» dont il a fait l'objet au sein de GCB. Les condoléances que j'ai établies et envoyées à qui de droit «n'ont pas été prises en charge», s'indigne-t-il, frustré. Lors de la conférence de presse de samedi dernier, Chakib Khelil a évoqué les courriers dénonçant des malversations qui atterrissent dans les services du ministère, soulignant que l'on ne prend en compte que le courrier signé, que l'on a demandé aux gens de «signer les documents qu'ils nous envoient». Et que la tutelle les protège.