Les lacunes enregistrées dans la gouvernance de Sonatrach sont à l'origine du gros scandale. Effet collatéral : Sonatrach est en panne en termes de décisions. L'actuel P-DG, Abdelhafid Feghouli, ne gère que les affaires courantes. Les retombées de l'affaire Sonatrach commencent à être mesurées par les observateurs avisés. L'analyse et les témoignages s'écartent d'une vision officielle trop rassurante et trop éloignée des réalités. Ils nous renvoient au cœur du scandale qui a secoué la compagnie pétrolière nationale. “Ce que le management de Sonatrach a fait est inacceptable. Ils assument une responsabilité vis-à-vis du peuple. Ce n'est pas normal qu'ils se servent. C'est une anomalie dans le fonctionnement de Sonatrach, dans la gouvernance de la compagnie pétrolière nationale. Les instances de contrôle, d'audit de Sonatrach n'ont pas fonctionné (bizarrement). Le ministre de l'énergie avait un contrôle direct sur le fonctionnement de Sonatrach”, a réagi un expert, spécialiste des questions énergétiques, au fait du dossier Sonatrach. Conséquence, l'expert a ajouté que l'image de Sonatrach est sérieusement ternie à l'extérieur parce que son P-DG est impliqué dans des histoires aussi scabreuses. C'est ce qu'on retient à l'étranger. “Les répercussions de cette affaire risquent d'être très graves à l'extérieur. L'Algérie court le risque d'une désaffection des partenaires. Il faut que l'état donne un signal très fort sur sa volonté de moraliser les pratiques, y compris dans de grandes sociétés comme Sonatrach, aussi bien vis-à-vis de l'étranger que vis-à-vis des Algériens”, a souligné le spécialiste. Il a tenu à noter, cependant, que les hydrocarbures sont une industrie qui sent le souffre. “La corruption dans le pétrole, ça existe. C'est une industrie où s'imbriquent les intérêts politiques et les intérêts financiers. Mais dans le pétrole, on donne des enveloppes, on ne reçoit pas des enveloppes. Dans les appels d'offres, les grandes compagnies internationales se partagent le marché. Celui qui est le moins-disant en Algérie est le mieux-disant ailleurs. C'est une pratique très courante”, a-t-il observé. Suggestion : il faut des cadres intègres face aux manœuvres des multinationales. L'expert décortique le fonctionnement de Sonatrach à l'époque des faits, à l'origine du scandale. “Les ordres ont été donnés d'en haut. Certainement, les responsables impliqués n'auraient pas dû exécuter ces injonctions irrégulières. Ce sont ces lacunes dans la gouvernance de Sonatrach qui ont causé ces monstruosités.” Ces responsables inculpés ont cependant droit à la présomption d'innocence Ce qu'a connu Sonatrach n'est pas une exception dans l'industrie pétrolière, rappelle-t-il. La compagnie pétrolière norvégienne Statoil avec l'Iran a été touchée par un gros scandale. Il ne se passe pas un an sans qu'une ou des compagnies pétrolières soient mises en cause dans des scandales. “Il n'y a personne qui contrôle Sonatrach” “En revanche, il faut qu'il y ait un contrôle de Sonatrach. Actuellement, il n'y a personne qui contrôle Sonatrach : ni l'Assemblée nationale ni le Sénat. Il faut qu'il y ait des contre-pouvoirs comme le Parlement.” La presse a également joué un rôle pour mettre en lumière ces scandales. “À mon avis, beaucoup de cadres de Sonatrach sont honnêtes. Le jour où on a enterré Benhamdine, directeur de la production de Sonatrach, les Japonais présents lors des funérailles étaient surpris. On a sorti le cercueil d'un simple F3 à la cité des 1200-Logements de Boumerdès. Les cadres de Sonatrach étaient connus par les partenaires pour être coriaces dans les négociations, pour leur honnêteté. L'ancien vice-président amont, en retraite, roule actuellement avec une simple Volkswagen Polo”, a souligné l'expert. Il citera le cas de ces cadres qui logeaient dans des petits hôtels à Londres (frais de mission modestes) et négociaient avec les grandes compagnies pétrolières dans de grands hôtels dans la capitale britannique. Une atmosphère de suspicion et de peur à Sonatrach En attendant, une atmosphère de suspicion et de peur s'est installée à Sonatrach. Personne parmi le staff dirigeant n'oserait prendre de décisions. Une situation qui ressemble étrangement à celle des cadres des entreprises publiques incarcérés à la fin des années 1990. Tant que la justice n'aura pas tranché, tant que “l'assainissement” n'aura pas été opéré et tant que le système de fonctionnement de la compagnie pétrolière nationale n'aura pas été corrigé, le malaise des cadres de Sonatrach perdurera. In fine, la principale répercussion de l'affaire, c'est un frein au développement rapide de Sonatrach et, partant, à un accroissement plus prompt des revenus en devises du pays. Espérons que cette situation unique dans les annales de la compagnie pétrolière nationale ne sera que provisoire.