Photo : M. Hacène Par Rachida Merkouche Des façades peintes aux couleurs nationales, l'emblème national fièrement exhibé sur les balcons et les fenêtres, comme aux premières années de l'indépendance lorsque les citoyens commémoraient l'anniversaire du déclenchement de la révolution et celui de la liberté recouvrée. La victoire des Verts aux matches qui les ont conduits à la double qualification pour la Coupe d'Afrique des nations et la Coupe du monde a réconcilié les Algériens avec la joie, et, du même coup, ils redécouvrent les couleurs de leur pays. Jamais le drapeau national n'a autant flotté sur les façades des immeubles ; rares étaient les familles qui en possédaient un et c'était pour le garder jalousement au fond d'une armoire, en souvenir d'un million et demi de femmes et d'hommes qui ont donné leur vie pour que l'Algérie soit indépendante. En souvenir aussi d'une lutte acharnée menée par tout un peuple. Les succès successifs de notre équipe nationale ont tout changé. L'amour des citoyens pour l'emblème national est sans précédent, leur fibre patriotique est de plus en plus titillée. Les défilés et les manifestations de joie dans les rues, notre drapeau flottant sur les capots de véhicules ou brandi à bout de bras, grossissent après chaque victoire, tout comme la demande en oriflammes et autres articles aux couleurs du pays. Le phénomène est sans précédent ; son ampleur est telle qu'il a donné lieu à un commerce d'un nouveau genre : celui de l'emblème national. La défaillance des autorités locales dans ce domaine a été vite exploitée par des jeunes à la recherche de la moindre combine, dès que cette passion a pris corps au sein des supporters et des citoyens en général. Les étals foisonnent sur les trottoirs et jusque en bordure de la chaussée, exposant à la vente la bannière du pays, de la plus petite à la plus grande dimension mais, malheureusement, sans la qualité. D'autres articles font, désormais, partie de la panoplie nécessaire à l'accoutrement sans lequel le défilé ne peut avoir de sens. Survêtements, pulls, casquettes, coiffes de différentes formes, brassards et autres objets décoratifs en vert, blanc et rouge ornent les tables des vendeurs informels et se déclinent à des prix qui augmentent au fil des matches et des victoires. «Grâce à l'équipe nationale, nous gagnons notre vie», lance un jeune homme qui retrace pour nous l'itinéraire du drapeau et des autres produits avant leur arrivée sur son étal. «Ce sont des articles nationaux, fabriqués dans des ateliers qui se sont lancés dans la confection de l'étendard et d'autres produits à la faveur de l'engouement des Algériens. Ces ateliers pourvoient les grossistes qui, à leur tour, nous approvisionnent.» Mais tout le monde s'accorde à dire que les Chinois installés en Algérie ne boudent pas leur plaisir devant un tel enthousiasme et qu'ils se sont mis, eux aussi, à la fabrication «vert, blanc et rouge». Le commerce est florissant ; tout le pays arbore ses couleurs sous différentes formes. «Nous sommes assaillis à longueur de journée ; il y a une grande affluence pour l'achat du drapeau et autres marchandises. Jeunes et moins jeunes viennent vers nous, et les enfants refusent de partir avant que leurs parents n'accèdent à leur demande», indique un autre vendeur. C'est parti pour durer, à tel point que des adolescents, à peine sortis de l'enfance, s'improvisent commerçants.