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Nelson Mandela est-il parti trop tôt ?
Face au bilan mitigé de l'ANC
Publié dans La Tribune le 16 - 02 - 2010

Il est des événements qui ne seront forts que pour le seul pays qu'ils concernent directement. La libération de Nelson Mandela en fait partie.
L'Afrique du Sud vient de célébrer le vingtième anniversaire de la libération de ce militant anti-apartheid. Mais l'événement est marqué en Afrique et ailleurs.
Le 11 février 1990, Nelson Mandela était libéré, après 27 ans d'emprisonnement, précipitant la chute de l'apartheid et donnant le point de départ à la démocratie en Afrique du Sud. Au regard de la situation actuelle, certains -comme André Brink- pensent qu'un seul mandat était bien trop insuffisant à Mandela pour laisser son empreinte sur le pays.
15 ans de réussite
Du point de vue politique, le changement est radical. Les lois ségrégationnistes ont été démantelées, la démocratie multiraciale installée et le pays s'est doté d'une des Constitutions les plus libérales au monde. Depuis 1994, le parti de Mandela, l'African National Congress (ANC), a remporté haut la main tous les scrutins. L'ancienne formation de lutte contre le régime blanc prône la réconciliation et, malgré son ancrage historique à gauche, s'est toujours évertuée à rassurer les milieux d'affaires. Cette stratégie avait un but : assurer une croissance forte qui l'est d'ailleurs restée jusqu'en 2009. L'Afrique du Sud est ainsi devenue le géant économique du continent et a pu financer des aides sociales dont bénéficient aujourd'hui 13 des 48 millions de Sud-Africains.
S'agissant du développement général du pays, l'indice de développement humain (IDH) enregistre une croissance de 5% sur 32 ans. Pour l'ensemble de la période 1975-2007, la moyenne annuelle est de 0,7. L'année 1995 enregistre le plus haut niveau (0,7) et 1975 le plus bas (0,6). L'IDH est un indice composé qui mesure la qualité de vie moyenne de la population d'un pays. Théoriquement, l'indice va de 0 à 1. Il tient compte de trois dimensions du développement humain. D'abord, la possibilité d'avoir une vie longue et une bonne santé en se fondant sur l'espérance de vie à la naissance. Ensuite, le niveau de scolarisation, évalué à partir du taux d'analphabétisme et de fréquentation des différents niveaux du système scolaire. Enfin, le standard de vie, calculé à partir du produit intérieur brut per capita en tenant compte de la parité du pouvoir d'achat (PPA). La PPA sert à mesurer le pouvoir d'achat relatif des monnaies de différents pays pour les mêmes types de biens et de services. Etant donné que le prix des biens et des services peut varier d'un pays à l'autre, la PPA permet de comparer plus exactement le niveau de vie de différents pays. Pour estimer la PPA, on compare le prix d'articles analogues. Nicolas Carvajal Pichette relève qu'entre 1994 et 1996, le taux de croissance est passé de 3,234 à 4,307%. Malgré une crise du rand qui l'a fait chuter, l'économie du pays s'est redressée en atteignant un taux de croissance de 4,8% au second trimestre de 2005. Le PIB est passé de 151,113 milliards de dollars en 1995, à plus de 210 milliards de dollars en 2004, passant respectivement du 23e au 26e rang mondial.
Par ailleurs, l'Afrique du Sud est comparée au «golfe Persique» en termes de richesses en minerais.
En effet, en 1995, elle est au premier rang mondial de production de platine (48%), de chrome (35,9%), d'alumino-silicates (34,2) et d'or (23%). Toutefois, les gouvernements post-apartheid ne font plus du secteur minier leur principale source de revenus, d'autant que le secteur tertiaire -et non plus le secteur primaire- est devenus la principale source de revenu du PIB. En 1998, le secteur primaire ne représentait que 6,6% du PIB, pour tomber à 4% en 2004.
En 2003, le secteur tertiaire représentait une part de 65% du PIB, comparé à 31% pour le secteur secondaire (secteur minier et industrie).
Le gouvernement a, depuis 1997, entamé la mise en place de politiques sociales favorisant les services. Le programme «Growth Employement and Reconstruction» a été créé pour permettre un développement d'infrastructures dans les espaces prometteurs grâce à des partenariats public-privé aidant les plus démunis. De plus, le «Black Empowerment» et l'«Affirmative Action» ont permis le développement d'une classe moyenne et d'une élite noire, sur lesquelles nous reviendrons.
Pour faire face à la pénurie d'électricité due à la forte croissance économique du pays, la compagnie d'électricité sud-africaine Eskom prévoit de construire
50 éoliennes de 2 MW. Le producteur d'électricité sud-africain Eskom a annulé en décembre 2008 la construction d'une centrale nucléaire d'une puissance de 3 500 MW en raison du manque de financements. S'inscrivant dans une perspective de développement durable, ce projet est fait par l'opérateur qui assure 95% de l'approvisionnement en électricité de l'Afrique du Sud et 45% des besoins du continent africain.
Il révèle une prise de conscience en faveur des énergies renouvelables malgré le surcoût par rapport aux sources d'énergies fossiles.
Les inégalités sociales
Dans la colonne des choses qui restent à accomplir et à corriger, commençons par les inégalités sociales et les tensions qui en découlent dans les quartiers les plus pauvres. Le paradoxe est de taille. «L'ANC a réussi là où on pensait qu'il échouerait : gérer une économie moderne. Mais les secteurs considérés comme ses points forts -l'amélioration des conditions de vie, l'éducation et la lutte contre la criminalité- sont un échec», remarque Frans Cronje, de l'Institut sud-africain sur les relations entre les races.
Si le gouvernement a amélioré l'accès à l'eau et à l'électricité, la situation est insalubre dans les énormes bidonvilles du pays, où 1,1 million de familles continuent de survivre. Par ailleurs, 43% des 48 millions de Sud-Africains vivent toujours avec moins de deux dollars par jour. Une situation que la crise mondiale a empirée, puisque, près d'un million de postes de travail ont été éliminés lors de la récession de 2009, qui a frappé de plein fouet la plus puissante économie du continent.
Malgré l'émergence d'une classe moyenne noire, surnommée les «Diamants noirs», la grande majorité de la population continue de souffrir du chômage et de la pauvreté. Pis, selon un rapport gouvernemental récent, les disparités ne cessent de se creuser. Le revenu mensuel moyen des Noirs a augmenté de 37,3% depuis 1994, alors que celui des Blancs a bondi de 83,5%.
Une étude réalisée par le Bureau for Market Research d'Afrique du Sud met en lumière une réalité économique qui évolue en faveur des Noirs. Grâce à des allocations pour les enfants et un paiement plus efficace des pensions, le nombre de foyers noirs dans la catégorie des revenus faibles a chuté, alors que plus de foyers noirs se retrouvent dans la catégorie des revenus moyens. Toutefois, en 2001, 90% des foyers noirs étaient encore dans la catégorie des revenus faibles. En 2003, 20% des foyers détenaient 65% des richesses totales du pays. Parmi ces riches, les Blancs sont toujours majoritaires, même si l'on trouve plus de Noirs dans cette catégorie. Une autre étude montre que les pauvres qui vivent dans les bidonvilles ont vu leurs conditions de vie s'améliorer en ayant davantage accès à l'eau ou à l'électricité. Ce que l'étude montre clairement, c'est que les plus pauvres sont toujours aussi pauvres et que, pour changer la situation, il faudrait une croissance plus forte et la création d'emplois en grand nombre.
En fait, la question de la répartition des richesses n'est pas qu'une question économique, c'est aussi une question politique épineuse pour un gouvernement qui veut mener une politique de lutte contre la pauvreté. C'est pourquoi la stabilité du pays s'en est durement ressentie. Ainsi, en mai 2009, des manifestations violentes ont explosé pour dénoncer la corruption et l'inefficacité des pouvoirs publics locaux.
La minorité blanche, une nouvelle problématique
A noter par ailleurs que les inégalités sociales ne concernent pas seulement la majorité noire. Ainsi, au sein de la population blanche, de fortes disparités sont apparues, sous forme d'une «misère cachée», affirme Dirk Hermann, le directeur de Solidarity. Selon ce syndicat de mineurs, près de 400 000 des 4,2 millions de Blancs que compte le pays seraient pauvres. Cela dit, il serait faux de penser que la politique de discrimination positive est toujours responsable de cet état de fait. En effet, des experts critiquent certaines applications négatives et contreproductives de cette politique. A titre d'exemple, une maison d'édition a été restructurée en licenciant tous les Blancs qui occupaient des postes de haut niveau pour les remplacer par des Noirs. Par la suite, les employés renvoyés ont été réembauchés, en tant que consultants, à un salaire double de celui qu'ils gagnaient auparavant.
Autre exemple favorable aux Blancs : les gouvernements successifs n'ont jamais respecté l'engagement relatif au transfert de 30% des terres exploitables aux populations noires. Actuellement, la redistribution n'a été que de 3%. Il faut savoir aussi, dans ce cas précis, que 75% des terres cultivables sont exploitées presque exclusivement par les Blancs.
L'histoire et la dépolitisation
Globalement, la situation des Blancs participe à la revigoration d'un discours nostalgique, du temps où les Blancs avaient tous les privilèges. «Les relations raciales n'ont jamais été aussi mauvaises depuis la fin de l'apartheid», analyse Seepe Sipho, le président de l'Institute For Race Relation. Le rêve de la nation arc-en-ciel de Nelson Mandela, d'un pays réconcilié, a fait long feu. «C'était un mythe auquel on voulait croire», poursuit le chercheur. «Mandela était président, il portait des enfants blancs et noirs dans ses bras, mais dans la réalité, rien ne changeait. Les Blancs restaient riches et les Noirs pauvres». Son successeur, Thabo Mbeki, a changé la donne. «Mbeki a clairement dit que la réconciliation ne pouvait avoir lieu sans une sérieuse amélioration de la condition des Noirs. Il a mis en place une politique en leur faveur», détaille Aubrey Matshiqi, chercheur au Political Institute de Johannesburg. Ce volontarisme affiché, s'il a fait éclore une classe moyenne noire, a effrayé la communauté blanche. En 10 ans, près d'un million de Blancs auraient émigré à l'étranger. Jacob Zuma, le président de l'ANC, le parti au pouvoir, semble prendre un virage plus conciliant à l'égard des blancs.
L'histoire de l'apartheid est officiellement enseignée dans les écoles sud-africaines. Mais le système public dispose de moins en moins de professeurs dans cette discipline. Les jeunes sont plus orientés vers des carrières informatiques ou médicales. Ainsi, les born free (nés libres) connaissent mal les détails de l'apartheid. «Ce n'est plus la question raciale qui différencie aujourd'hui les centres d'intérêts des adolescents sud-africains, c'est une question de
portefeuille», observe John Simpson, professeur de marketing à l'université du Cap qui étudie depuis plusieurs années les tendances des born free. Avec l'augmentation des disparités salariales, le schisme se situe surtout entre les have not et les have lots, relève encore Caroline Dumay.
Ce désintérêt pour l'histoire politique récente du pays est directement lié au désintérêt pour la chose politique.
La génération Mandela représente plus de 30% de la population, mais aucun parti politique ne semble pouvoir l'attirer. Julius Malema, patron de la jeunesse à l'ANC, a lamentablement échoué. Quant aux partis d'opposition, ils ne font pas mieux. D'où des scores toujours plus élevés de l'abstention lors des élections. Les moins de 20 ans critiquent la corruption des politiciens et se reconnaissent de moins en moins dans les discours réducteurs du parti.
Moins surprenante est la prise de distance vis-à-vis des institutions et de la politique qui est encore plus grande chez les jeunes Blancs. «Ils sont nettement moins confiants dans l'avenir que leurs camarades de couleur, fait remarquer John Simpson. Le marché de l'emploi est plus compétitif, et il y a des lois qui imposent une préférence à l'embauche pour les Noirs. Cela joue un rôle décisif dans l'état d'esprit des jeunes Blancs.»
ANC : un parti Etat ?
L'ANC célébrera son centenaire en 2012. L'apartheid est fini depuis 20 ans, mais l'ANC continue de se concevoir comme un mouvement de libération nationale. Chemin faisant, la pratique du pouvoir déteint indubitablement sur son identité et sa nature idéologique.
Il devient, comme n'importe quel parti, capable du meilleur comme du pire. André Brink dénonce les dérives d'un parti omnipotent et omniscient. Un statut qui ne peut qu'être porteur de dérives car le pouvoir absolu corrompt absolument. Ainsi critique-t-il le fait que l'ANC intervient lors des nominations aux postes-clés au détriment des règles de la représentativité des urnes. «Le régime de Thabo Mbeki a davantage amplifié le mouvement et l'a rendu plus visible : ce n'est plus seulement le parti qui écrase les protestations ou annule des libérations sous caution, c'est le président en personne. Mbeki utilise constamment les organes de l'Etat pour réduire l'opposition au silence». La campagne contre Jacob Zuma en fait partie. L'ANC est également accusé d'avoir quasiment paralysé la majorité légalement élue du Démocrat Party au Cap, refusé de prendre des mesures à l'encontre d'un ambassadeur accusé et condamné plusieurs fois pour harcèlement sexuel, maintenu, à des postes élevés, des membres de l'ANC au comportement condamnable (lors de transactions financières ou coupables de harcèlement sexuel). Quant à Botowamungu Kalome, il se montre très critique sur un autre point, relatif à la destitution de Thabo Mbeki. Certes, le Président était critiqué sur le front du sida, sur son laxisme face aux violences xénophobes, et sur sa diplomatie de plus en plus controversée à l'égard du Zimbabwe. Mais pour l'analyste, ce n'est pas son bilan jugé devant et par l'opinion publique qui a conduit à sa chute, mais une lutte d'influence au sein de l'ANC. «L'ANC ne deviendrait-il pas le parti-propriétaire de l'Afrique du Sud, le parti qui fait et défait à sa guise le président de tout un pays ?
L'ANC ne serait-il pas ainsi devenu la principale force politique et son propre contre-pouvoir ?» s'interroge Kalome tout en suggérant en filigrane la réponse.
Le risque majeur qui guette l'ANC est celui de sombrer dans le populisme et l'autoritarisme en instrumentalisant son combat contre l'apartheid.
La transformation de la légitimité révolutionnaire en système autoritaire est une dérive trop répandue en Afrique pour que cette inquiétude ne soit pas légitime.
L. A. H.


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