Les aspects juridiques et la prise en charge des personnes contaminées, à la lumière de la loi Morin sur l'indemnisation des victimes, ont été au centre de la deuxième journée du Colloque international sur les essais nucléaires français en Algérie. D'autres témoignages et interventions ont mis la lumière sur l'importance des dégâts occasionnés par les expériences de la France coloniale avec comme cobayes humains des travailleurs et des populations algériennes, sans protection aucune contre les risques de contamination. Ainsi, il a encore été question hier de la loi Morin portant indemnisation des victimes «irradiées», que le juriste algérien, Azzedine Zalani, a qualifié de «portée très limitée» compte tenu de son champ d'application et du fait qu'elle ne réponde pas aux revendications des concernés. Dans son exposé intitulé «La loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires : une loi a responsabilité limitée», il a observé que cette dernière fixe un cadre et des limites à la responsabilité civile : «On s'aperçoit que le mot ‘‘victime'' renvoie uniquement aux conséquences sanitaires et s'applique à des personnes déterminées, souffrant d'une maladie radio induite». Tout en soulignant que cette loi porte, pourtant, un début de reconnaissance et un droit à l'indemnisation, il note que ces acquis sont limités «à certaines personnes, préalablement répertoriées et administrativement enregistrées auprès du ministère français de la Défense. La qualité de victime est conférée exclusivement aux personnes ayant résidé ou séjourné dans les centre de Reggane et de Tan Affella, près d'In Ekker, ou dans les zones dites périphériques à ces centres». Me Zalani a relevé qu'une autre condition «inadmissible» est contenue dans cette loi, fixant des périodes de présence limitées entre le début et la fin des expérimentations. Et de préconiser une solution qui passe une convention bilatérale algéro-francaise en vertu de laquelle la France prendrait en charge les victimes et réparerait, entre autres, les dommages occasionnés à l'environnement. Le juriste ira plus loin en suggérant que la question soit entendue et traitée à la Cour internationale de justice. Car, estime-t-il, le législateur français ne semble pas vouloir également évoquer l'épineuse question des atteintes à l'environnement, causées par les explosions nucléaires, à travers des dispositions législatives et réglementaires. Témoignage précieux que celui de Michel Verger, ayant été présent sur la base de Reggane et assisté aux deux premiers essais. Actuellement, il est président honoraire de l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), créée en 2001. Ce dernier s'est félicité de l'existence d'une loi après «un demi-siècle de négationnisme». Ce qui, à ses yeux, représente un premier pas vers la vérité et la justice. Pour autant, ce texte de loi donne tout pouvoir au ministre de la Défense, dira-t-il, reprenant la réflexion du président de l'AVEN, en ce sens que la création d'un Comité d'indemnisation se fait sans les représentants des associations, de même que, eu égard au caractère restrictif des zones de retombées des essais, la délimitation des maladies concernées par l'indemnisation… Programmé pour intervenir lors de cette rencontre, le japonais Shoji Kihara n'a pu être présent mais sa communication a été présentée aux participants. Considéré comme victime de 2e génération des essais de Hiroshima, celui-ci est ingénieur en informatique et a été convié en sa qualité de représentant d'une association nippone de défense des victimes de ces essais, dénommée No Nukes Hiroshima Citizens's Association. Après avoir démontré la responsabilité de ces essais dans la mort de ses parents, M. Shoji Kihara explique que le système japonais d'assistance aux victimes des bombes atomiques ne peut faire bénéficier de l'assistance médicale que celles qui sont reconnues comme telles. Pour la seconde génération d'irradiés (hibakusha), les choses sont moins évidentes. Il plaidera, ensuite, pour que tous les hibakusha du monde resserrent leurs rangs en vue de faire valoir leurs droits et pour qu'il n'y ait plus de hibakusha dans le monde. M. C.