Le chercheur dans le domaine du génie nucléaire, M. Amar Mansouri, a indiqué, hier à Alger, que la France, en abandonnant les sites des essais nucléaires en Algérie à l'air libre avec des matériaux et équipements contaminés, a commis un double crime à l'encontre des Algériens. En effet, il a expliqué, lors de la conférence sur les effets des essais nucléaires français effectués dans le Sahara algérien, dont les travaux ont débuté lundi à Alger, qu'il considérait que cet état de fait multiplie les cas de risques non seulement pour la population mais aussi pour la faune et la flore. Il a, cependant, ajouté que "jusqu'à présent, nous sommes démunis de toute information en ce qui concerne ces essais, notamment en matière d'archives", tout en soulignant qu'il était temps de mettre un terme à ce danger et recenser tous les dégâts et les lieux contaminés. Par ailleurs, il a évoqué, à titre d'exemple, le cas de l'Australie qui a connu des essais nucléaires sur ses terres commis par la Grande-Bretagne. Mais cette dernière, contrairement à la France, a reconnu ses fautes, allant jusqu'à indemniser les victimes et aussi réhabiliter les sites dans lesquels il y a eu des essais. Il a également cité le cas de la Polynésie, où la France a non seulement pris des mesures importantes en matière de réhabilitation des bases militaires mais aussi remis des dossiers médicaux aux victimes concernés. Elle a même construit, en 2004, un centre médical pour le suivi des victimes, a-t-il ajouté. Sur ce fait, M. Mansouri a déploré que l'Algérie n'a toujours pas eu ses droits, et ce malgré qu'elle fait partie des 21 pays concernés par les conséquences nucléaires sur la santé de la population et sur l'environnement notamment sur la faune et la flore. Cependant, il a relevé que l'Algérie n'avait ni archives, ni dossiers médicaux, ni indemnisation, et que la France persiste à ignorer les dégâts qu'elle a occasionnés par les essais nucléaires au Sahara ainsi que leurs méfaits. Pour sa part, Mme Fatima Benbraham, qui est avocate à la Cour d'Alger, a souligné, hier à Alger, qu'il était temps de réfléchir à la notion de crime d'Etat qui puisse permettre aux juridictions spéciales de juger les crimes coloniaux. En ajoutant que, face aux dégâts humains et environnementaux, l'Algérie n'était plus devant un crime classique où l'auteur doit être sanctionné mais que c'était du fait de l'Etat. A ce propos, elle a indiqué que des avocats algériens sont en contact avec des juristes français qui, grâce à leurs actions judiciaires, le scandale des essais nucléaires français est porté à la connaissance du public. De son côté, M. Bruno Barrillot, qui est expert français, a affirmé qu'il existait, dans l'administration française, des personnes qui s'opposent à toute reconnaissance parce qu'elles sont, selon son point de vue, impliquées dans les essais nucléaires. En effet, il a déclaré que la France considère avoir réalisé des essais nucléaires chez elle, mais, aujourd'hui, il est temps qu'elle reconnaisse ses responsabilités. Il a ensuite ajouté qu'il y avait un besoin urgent de réhabiliter les sites contaminés et qu'il est temps d'aller au-delà des mesures de simples protections des sites. A cet effet, il a cité que dans les années 1980 les médecins de l'hôpital de France ont soigné des enfants polynésiens atteints de cancer. Alors pour éviter cette situation, M. Barillot propose d'élaborer un traité franco-algérien basé sur les échanges d'informations, estimant que l'Algérie a les moyens nécessaires pour engager des procédures sur la question, notamment avec des experts internationaux. Il a notamment cité l'essai au lieu-dit la "Gerboise blanche" qui n'était même pas instrumenté, et qu'il n'y avait pas assez d'information concernant ce lieu. Cependant, il a estimé que le devoir des historiens c'est de retrouver des personnes qui peuvent témoigner à ce sujet. Par ailleurs, les travaux de la conférence se sont poursuivie hier, ils seront, notamment, consacrés aux aspects juridiques et à la prise en charge des victimes à la lumière de la loi Morin sur leurs indemnisations. De ce fait, les travaux seront clôturés par la lecture des rapports des trois ateliers, citant notamment celui des conséquences sanitaires, des conséquences environnementales, ainsi que de la déclaration finale.