Photo : Zoheïr Par Hasna Yacoub Ali Tounsi, directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), a été assassiné, jeudi dernier, peu avant 11h, dans son bureau. L'auteur du crime, le colonel Oultache est actuellement en soins intensifs à l'hôpital militaire de Aïn Naadja. Proche collaborateur et ami du défunt, le colonel Oultache, qui était à la tête de l'unité des hélicoptères depuis près d'une dizaine d'années, a été pris d'«une crise de démence», selon le communiqué officiel du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales qui a précisé également que l'incident est survenu «lors d'une séance de travail, au cours de laquelle un cadre de la police, apparemment pris d'une crise de démence a utilisé son arme et a blessé mortellement le Colonel Ali Tounsi, après quoi il a retourné l'arme contre lui se blessant gravement et a été transféré à l'hôpital. Une enquête judiciaire a été ouverte afin de déterminer les circonstances de ce douloureux événement». Selon nos sources, Chouaïb Oultache s'est présenté, jeudi dernier, à le DGSN suite à une convocation qui lui a été transmise auparavant. Le défunt devait lui annoncer sa décision de le suspendre jusqu'à la fin de l'enquête ouverte sur «des malversations dans des marchés d'achat d'équipements informatiques et de télécommunication». Une information qui, coïncidence, a été publiée la matinée même de cette convocation par un quotidien national. Chouaïb Oultache, contenant mal sa colère en apprenant par le biais de la presse sa suspension, s'est alors présenté à le DGSN où il a été accueilli en présence du chef de la Sûreté de wilaya d'Alger et du directeur général chargé de l'administration (DGA). Au cours d'un entretien houleux entre les deux colonels et amis, Chouaïb Oultache, prenant par surprise tous les présents, a dégainé son arme et tira en direction de Ali Tounsi, qui tomba raide mort sous les balles du tueur. L'auteur de cet assassinat s'est retourné vers le chef de sûreté auquel il asséné un coup de crosse, avant de menacer le DGA avec son arme. Selon la version officielle, le colonel Oultache a retourné l'arme contre lui pour se suicider. D'autres sources affirment que plusieurs coups de feu ont été entendus sans pouvoir préciser la provenance de la balle qui a blessé l'auteur du crime. Il est vrai que la nouvelle de l'assassinat de Ali Tounsi, au sein même de la DGSN, qui s'est répandue comme une traînée de poudre à Alger, a nourri, en un temps record, les rumeurs les plus folles. Surtout que juste après les coups de feu, tous les accès de la DGSN ont été fermés et des renforts considérables et des ambulances ont été dépêchés sur les lieux. Le défilé des officiels au siège de la DGSN a poussé encore à plus d'interrogations et ce n'est que vers 15 h que le communiqué officiel du ministère de l'Intérieur a mis fin à tous les ouï-dire. Dans ce communiqué, le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, Nourredine Yazid Zerhouni, qui a pris également en compte le choc d'une telle nouvelle sur l'ensemble du corps de la Sûreté nationale, a tenu à appeler «l'ensemble des personnels de la DGSN pour maintenir l'impulsion et la dynamique engagées par le défunt dans leurs missions au service des institutions de la République». A Hydra, sur les hauteurs d'Alger, très vite, un cordon de sécurité a été mis en place, filtrant l'accès à la ruelle menant vers le domicile mortuaire. Les véhicules de hauts cadres de l'Etat et de proches, venus présenter leurscondoléances à la famille, ont défilé jusque tard dans la nuit. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a présenté personnellement ses sincères condoléances à la famille. Dans son message, il a rendu hommage au défunt pour son parcours au service de l'Algérie. Le président du Conseil de la nation, M. Abdelkader Bensalah, le président de l'Assemblée populaire nationale (APN), M. Abdelaziz Ziari, et le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia, ont également adressé des messages de condoléances à la famille d'Ali Tounsi. Ce dernier, qui a été inhumé hier au cimetière d'El Alia, en présence de nombreux officiels et de cadres de la DGSN, laisse derrière lui un parcours des plus honorables, selon ceux qui l'ont connu. Cet ancien moudjahid de la guerre de libération nationale qui a assuré le bon fonctionnement de l'institution dont il avait la charge pendant plus d'une quinzaine années, a été à l'avant-garde de la lutte antiterroriste. Initiateur de la modernisation de la DGSN et l'un des mentors des cadres de la police, Ali Ghaouti, de son nom de guerre, a eu également le mérite d'avoir lutté pour «purifier» le corps de la police, sans se soucier des nouveaux «ennemis» qu'il se créait, affirme-t-on. H. Y. Ali Tounsi, ancien moudjahid et cadre au service de l'Etat Le défunt directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, (1937-2010) a été un moudjahid de la première heure avant d'occuper plusieurs postes de responsabilité au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Connu sous le nom de Ghaouti, ce licencié en droit, filière code pénal, a rejoint à l'âge de 20 ans les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN) en 1957, alors qu'il était étudiant au lycée de Meknès (Maroc). Deux années plus tard (1959), il a été fait prisonnier par l'armée coloniale. A l'époque, il a le grade de sous-lieutenant dans la zone 5 (Sidi Bel Abbès), relevant de la Wilaya V historique. Après son arrestation, il a séjourné successivement dans les services psychologiques d'internement de Misserghin, Baudens, Boukanéfis, puis a été écroué à la maison d'arrêt d'Oran. A l'indépendance, Ali Tounsi a créé et organisé les services de sécurité de l'armée, un poste qu'il a occupé jusqu'en 1980. Père de trois enfants, il a été directeur des sports militaires jusqu'en 1984 puis directeur de l'Ecole militaire des sciences géodésiques jusqu'en 1986. Par la suite, il a été nommé commandant de la 4e Région militaire avant d'être mis à la retraite avec le grade de colonel en 1988. Le défunt, qui a été un acteur et un dirigeant du mouvement sportif national, a été président de la Fédération algérienne de tennis pendant cinq ans et vice-président du Comité olympique algérien. En 1995, Ali Tounsi a été rappelé pour être désigné à la tête de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) qu'il a dirigée jusqu'à son décès. En plus de son parcours de cadre de l'Etat, il a été décoré aussi bien au niveau national qu'international. Il a ainsi reçu l'ordre de Mérite national, les médailles respectivement de l'Armée de libération nationale (ALN), l'Armée nationale populaire (ANP) et du Mérite militaire. Dans sa carrière de dirigeant sportif, Ali Tounsi a été notamment décoré de l'ordre du Mérite du Conseil international du sport militaire (CISM).