Aux alentours du 8 mars, selon un rituel rodé mais au demeurant poussiéreux, la femme est célébrée, dit-on. A l'observation sérieuse des manifestations politiques, des décorations et «gratifications», des hommages rendus à la gente féminine, il est légitime de se demander si l'on procède à des enterrements à répétition ou bien à la pose crédible de jalons à la promotion de la femme. L'émancipation de la moitié la plus méritante de la population, celle qui réussit le mieux dans les études (en Algérie comme en Europe), la place qu'elle occupe dans les institutions, dans l'économie publique et privée, dans le ouvernement, dans les ambassades, le monde sportif, les médias renseignent parfaitement sur l'inanité des discours redondants énoncés à l'occasion du 8 mars. La journée est aussi lugubre que les fêtes religieuses et celles relatives à la lutte armée et à l'indépendance. Les chiffres et statistiques contredisent frontalement les psalmodies récitées pour célébrer la femme, ses combats, y compris contre l'abject terrorisme qui voulait fermer les écoles et enfermer les femmes contre une aumône, celle de la «femme au foyer». Dans le champ culturel, à côté du logiciel laminé par l'âge, inventé en 1962, les ritournelles, les initiatives locales, les prodiges mis en œuvre par les farfouilleurs des tiroirs et du passé ajoutent à la tristesse, à la solitude des femmes, arborées, alignées dans des espaces clos pour mieux les soustraire à l'espace public, à la danse, aux bals de l'époque Boumediene dans les cités universitaires, lors des Algériades durant lesquelles on ne leur imposait aucune tenue saoudienne, afghane sinon cousues à l'époque du Moyen Age de l'humanité. Combien de réalisations dans les théâtres et cinémas algériens ? Le pourcentage est si bas qu'il est difficile de le faire entrer dans une quelconque statistique. Le nombre d'archives par rapport aux acteurs, nonobstant le talent qui est inégalement réparti, dans la pyramide des âges, en fonction de l'idéologie dominante farouchement structurée anti-femme, est dérisoire comparé à l'Egypte, la Tunisie ou la Syrie. A l'évidence, dans les résultats finaux, le ministère de la Culture n'est en rien responsable d'un système conçu et managé pour marginaliser la femme dans la création, l'exposition du corps dans de nombreuses disciplines artistiques et sportives. Lorsque des hommes officiels affichent des charges pondérales, surtout dans des corps censés être des exemples pour la jeunesse, il leur impensable de réfléchir à l'apparence de leur progéniture dans les deux sexes. «Activités au féminin» le temps d'une journée, Keltoum est mobilisée, que les moins de 25 ans n'ont jamais, sinon rarement vue à l'écran parce que son apparition à la TV ou au cinéma est confinée au Vent des Aurès à l'occasion d'une commémoration qui ne dit rien aux jeunes. Et la gamme de spectacles que proposent les chaînes satellitaires est telle que la jeunesse algérienne n'a que le choix de l'embarras, y compris dans les bidonvilles ou l'habitat précaire, c'est selon le locuteur. Alors on assiste à quoi le 8 mars ? A des choses surréalistes. L'Etat employeur gratifie la directrice d'un journal gouvernemental, le décrédibilisant encore plus. Il fallait oser le faire en 2010. La femme dans les espaces culturels et artistiques, surtout à la nuit tombée, si elle est strictement barrée dans l'Algérie profonde, est encore loin du compte dans les centres urbains. La formation, l'encouragement, les bourses à l'étranger pour la danse, la chorégraphie, la réalisation, la musique, le théâtre et l'art dramatique d'une manière générale relèvent de la responsabilité du gouvernement dans sa totalité. Et cette responsabilité, si elle est volontariste en direction des femmes, ne peut s'exercer que lorsque la volonté politique est partagée par les partis qui gouvernent, qui gèrent les mairies, etc.La Belgique, pour favoriser la présence des femmes dans les sphères politiques, fait obligation, par la loi, aux partis d'avoir, sur leurs listes à une élection, la parité hommes/femmes. La loi impose et les hommes s'exécutent. Mais si l'Algérie n'est pas la Suède, les Suédoises ont de la chance. A. B.