Voilà encore un conflit social qui part en vrille et dans lequel tout le monde se contemple finalement comme bibelots sur cheminée, rendant justice de la manière la plus fidèle possible à ce proverbe bien de chez nous disant : «Si, au firmament, la volaille s'entredéchire, c'est l'épi qui en pâtit.» La volaille dans cette épopée étant le corps médical en grève et les pouvoirs publics, l'épi les populations. Sauf que celles-ci n'en pâtissent pas effectivement puisqu'elles sont habituées à des situations plus surréalistes les unes que les autres. Le ministre de la Santé a déclaré illégale le maintien de la grève à partir du moment où la justice l'a décidé. De leur côté, les grévistes considèrent que le premier responsable du secteur «a tout faux» et campent donc sur leurs positions. Et là encore, le lampiste par excellence semble être tout indiqué : le citoyen lambda. Ce qui, encore une fois, n'est pas le cas dans la mesure où heureusement celui-ci, de la grève et de la ridicule tournure qu'elle prend, s'en bat allègrement les cuisses pour la seule et simple raison qu'au rythme où fonctionnaient jusque-là les établissements de santé et même au plus fort de leur sérénité, il n'y a pas en réalité une grande différence. Cela étant, le mouvement s'achemine… comme ça… vers son quatrième mois d'existence, le Premier ministre monte au créneau, s'oublie et un plus… s'énerve, évoque une manipulation et dit des grévistes qui battent le pavé depuis plus de quatre-vingt-dix jours qu'ils feraient en parallèle l'appoint pour assurer l'intendance en bénéficiant de défraiements ailleurs. En plus clair, comme les enseignants il n'y a pas longtemps, ceux qu'on qualifie de blouses blanches arrondissent… rondement les fins de mois chez des employeurs informels. Autrement dit, qui chez des confrères, qui dans une clinique privée. En somme du déjà vu, su, convenu et tacitement toléré. Ce qui n'est pas totalement faux, d'autant plus que de tels procédés ont cours même en dehors des grèves, est-il besoin de le signaler. Maintenant, il est vraiment difficile de comprendre comment il peut être possible qu'il faille près de quatre mois pour que la justice tranche dans un dossier dont le dénouement n'aurait pas eu à dépasser la dizaine de jours si les lois de la République, elles sont disponibles à profusion et des plus précises et détaillées, avaient été scrupuleusement respectées. De là à dire du département de la santé qu'il est allé à un train de sénateur dans la prise en charge et le traitement de ce conflit, ce serait lui rendre malhonnêtement hommage comparativement à la vitesse sur cent mètres qu'aurait un cul-de-jatte face à Usain Bolt. En attendant, les grévistes s'arc-boutent sur les dispositions de la loi 90-11 (relations de travail) parce que l'une de ces dispositions érige en droits fondamentaux l'exercice syndical et le recours à la grève, mais ils passent malheureusement à la trappe toutes les obligations auxquelles ils sont également tenus, comme par exemple, et nous n'en citerons que deux parce qu'elles illustrent de la meilleure façon la réalité sur le terrain, «accomplir, au mieux de leurs capacités, les obligations liées à leur poste de travail, en agissant avec diligence et assiduité, dans le cadre de l'organisation du travail mise en place par l'employeur». Ce qui est discutable, «ne pas avoir d'intérêts directs ou indirects dans une entreprise ou société concurrente, cliente ou sous-traitante sauf accord de l'employeur» qui l'est (discutable) tout autant. Soulignons que, dans sa très grande largesse et dès lors qu'elle est sollicitée, la tutelle concernée autorise (textes à l'appui) les médecins à faire des extras, même si en général ces extras sont plutôt réquisitionnés d'autorité et au noir par les praticiens qui ne veulent dire «merci» à personne. C'est là, hélas, l'insoutenable irrationalité de l'individu. Les mêmes grévistes évoquent la loi 90-11 et la fourguent tous azimuts aux médias, évitant toutefois de faire allusion à celle 90-02 (prévention et règlement des conflits collectifs de travail et à l'exercice du droit de grève) aux dispositions de laquelle ils n'ont pas le souci de s'astreindre. En tout état de cause, le conflit perdure, même si le ministre de tutelle, comme récemment son collègue de l'Education, va forcément obtenir… en dehors des formes et en un fond partiellement discutable… l'arrêt du conflit. Résultat des courses ? Une réalité s'impose : les conflits sociaux en Algérie se multiplient comme, même coupée, une paramécie, et ne valent que par le désordre, l'anarchie qu'ils créent et rarement par l'impact attendu, c'est-à-dire la pénalisation d'un secteur d'activité donné et plus grave encore un ou des secteurs d'activité qui ont la mauvaise idée de ne pas pénaliser les populations. Du coup, l'adhésion ou la solidarité de ces populations avec les protestataires et/ou les mesures prises par les représentants des pouvoirs publics, il n'est même pas question d'en parler. La raison… ? Le combat douteux des protagonistes. A. L.