Le gouvernement thaïlandais a durci le ton hier à l'égard des manifestants qui réclament la tête du Premier ministre depuis plus d'une semaine, en équipant d'armes les officiers en poste dans les endroits stratégiques de Bangkok. Les «chemises rouges», partisans de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, avaient rejeté, le week-end dernier, les offres de négociations du gouvernement d'Abhisit Vejjajiva et connu un regain inattendu de leur mouvement, avec 65 000 personnes dans les rues de la capitale. Le défilé, joyeux et coloré, n'a entraîné aucune violence mais les autorités ont évoqué deux petites explosions, qui ont fait un blessé léger et n'ont pas été revendiquées, pour justifier un «ajustement» des mesures de sécurité. «A cause des incidents violents dans le passé […] le gouvernement est inquiet de la situation actuelle», a indiqué le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole de l'armée. A compter d'hier, selon la même source, les militaires déployés aux barrages, devant les bâtiments du gouvernement et les bases militaires seront armés «afin d'empêcher des gens mal intentionnés de provoquer des troubles». Cependant, seuls les officiers sont concernés et cette mesure ne s'applique pas dans le centre-ville historique de la capitale, où les «chemises rouges» se sont installées depuis le 14 mars dernier. Le vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban a, par ailleurs, indiqué que la loi de sécurité intérieure (ISA) serait étendue mardi pour une nouvelle durée de sept jours dans trois provinces, dont la capitale. Cette loi permet notamment au pouvoir d'installer des barrages et d'imposer un couvre-feu. Suthep a aussi menacé les manifestants d'une «action décisive» s'ils devaient perturber un Conseil des ministres prévu pour aujourd'hui. Autant de mesures qui rappellent «l'alarmisme des déclarations du gouvernement avant le début des manifestations», estime Michael Montesano, de l'Institut des études du Sud-Est asiatique à Singapour qui y lit en filigrane des mesures de diaboliser le mouvement des «chemises rouges» en les assimilant à «une menace de violence». Ces annonces pourraient en tout cas sonner le glas des timides espoirs de négociation apparus le week-end dernier entre les manifestants et Abhisit. Le chef du gouvernement, que les «rouges» accusent d'être au service des élites traditionnelles du pays et dont ils dénoncent l'absence de légitimité électorale, avait annoncé samedi dernier les avoir convaincus de négocier avec deux de ses émissaires. Les responsables du mouvement avaient démenti peu après, affirmant qu'ils ne discuteraient qu'avec le Premier ministre en personne, et uniquement pour évoquer la dissolution de la Chambre basse et l'organisation d'élections anticipées. Hier, les internautes pouvaient lire sur le compte Twitter de Thaksin de franches accusations de totalitarisme du pouvoir en place. Le richissime magnat des télécommunications avait, rappelons-le, été renversé par un coup d'Etat militaire en 2006. Il vit actuellement en exil depuis 2008 afin d'échapper à une peine de deux ans de prison pour malversations financières. R. I.