Les affrontements entre l'armée thaïlandaise et les opposants, en l'occurrence, les chemises rouges, ne semblent pas près de connaître leur épilogue. Les soldats thaïlandais se sont donc déployés hier pour protéger le quartier financier de Bangkok d'éventuelles manifestations contre le gouvernement, alors que les «chemises rouges» contrôlent déjà la sécurité et la circulation d'un immense quartier, au cœur de la capitale. Selon les agences de presse, les militaires et policiers anti-émeute, dont une partie en armes, ont déployé des fils barbelés pour protéger le quartier de Silom, cœur financier de la capitale, où les «chemises rouges» avaient promis de manifester. Le mouvement, d'abord pacifique, avait dégénéré le 10 avril en affrontements ayant fait 25 morts et plus de 800 blessés. Une offensive militaire pour déloger les «rouges» d'une artère de la vieille ville, plus à l'ouest, avait tourné à la débâcle. Mais ce lourd bilan est attribué par le pouvoir à de mystérieux «terroristes». Des images ont, depuis, montré des individus vêtus de noir et cagoulés, équipés d'armes de guerre. Les «rouges», partisans de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, réclament depuis plus d'un mois la démission du gouvernement d'Abhisit Vejjajiva. Ils ont pris le contrôle d'un quartier touristique et commercial de plusieurs kilomètres carrés, régulant la circulation à leur guise et assurant la sécurité avec leur propre service d'ordre. Le gouvernement est désormais face à une impasse totale. Les «rouges» ont appelé à une nouvelle manifestation demain et utiliser la force pure semble extrêmement risqué pour le pouvoir. Le Premier ministre, enjeu central de cette crise, a pour sa part exclu de démissionner et n'envisage pas d'élections avant la fin de l'année. La Thaïlande ne voit donc pas d'issue à cet énième mouvement des «rouges», qui veulent restaurer l'ordre constitutionnel en vigueur avant le coup d'Etat qui a renversé Thaksin, en 2006. D'autant que leurs ennemis jurés, les «chemises jaunes» royalistes, directement ou indirectement impliqués dans la chute de Thaksin en 2006 puis dans celle d'un gouvernement qui lui était favorable deux ans plus tard, sont sorties de leur silence dimanche dernier. L'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) a lancé un ultimatum d'une semaine au gouvernement pour qu'il mette un terme aux manifestations, suscitant des craintes sur ce qui pourrait résulter d'un face-à-face dans la rue. Les deux forces rivales, qui représentent respectivement les masses rurales et populaires du pays, à savoir les rouges, et les élites traditionnelles de la capitale, à savoir les «jaunes», font et défont les gouvernements depuis le milieu des années 2000. Le chef du gouvernement, qui refuse de démissionner, n'a pas prononcé dimanche son allocution hebdomadaire habituelle, pour la seconde fois en 15 jours. Il s'est très peu montré depuis les affrontements du 10 avril. G. H.