Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani
A Annaba ce n'est pas tant les structures culturelles qui manquent ou qui font «cruellement» défaut, on en trouve dans presque tous les grands quartiers et on en construit à tout-va à coups de millions et parfois de milliards. Ce qui ne va pas, ce qui va mal, de plus en plus mal, c'est la culture elle-même. Elle est, pour ainsi dire, à l'agonie, presque à l'article de la mort, si ce n'est les quelques embellies -des feux de paille sans consistance- qui la raniment et qui la ravivent pendant un certain temps pour ensuite rechuter. Il y a bien eu récemment le Festival national du théâtre professionnel qui a vu ressusciter les planches de la scène de cet espace culturel et qui a quelque peu redonné des couleurs à une culture moribonde par le fait de la présence de troupes, de spécialistes, de dramaturges et de metteurs en scène qui se sont retrouvés mais cela est resté tout à fait limité dans l'espace et le temps. Une fois cette manifestation terminée, on plie bagage, on met tout à la remise et on se complaît dans une profonde léthargie jusqu'à ce qu'une autre manifestation «prévue dans le programme» vienne réveiller l'institution responsable -la direction de la culture- pour mettre en branle la machine à faire de la culture. Une machine qui fonctionne par à coups et qui doit être fouettée pour aboutir à des résultats qui ne peuvent être que médiocres puisque encadrés et commandités. Les structures culturelles à Annaba sont virtuelles, c'est-à-dire qu'elles existent sur du papier, fonctionnent au papier et se terminent par du papier. Il n'y a pas vraiment d'initiatives qui pourraient stimuler la création et l'inspiration, il n'y a pas ce stimulus créateur parce qu'on n'a pas suscité la curiosité, éduqué le goût, appris à apprécier une œuvre et à la critiquer sur la base de connaissances acquises justement par cette éducation du goût. Il n'y a pas à vrai dire de cercles culturels, littéraires, d'association d'artistes ou un noyau réunissant quelques «têtes de série» qui pourraient initier une renaissance culturelle, ne serait-ce qu'un embryon croîssant avec le temps et qui se transformant peut-être plus tard en un véritable mouvement qui animerait la scène culturelle et qui serait le point de départ de la création. Il ne faudra pas s'attendre, bien-sûr, à la naissance, du jour au lendemain, d'un nouveau courant littéraire ou artistique mais au moins à l'appréciation fondée sur l'étude d'une œuvre quelconque, une appréciation qui sera respectée et ce sera déjà une forme de culture. Il faudra d'abord «faire ses classes» et bien assimiler tel ou tel courant littéraire avant de passer à la création. Parce que les semblants de culture, celle de l'Internet ou des films présentant telle ou telle œuvre, vous servent une forme de culture aseptisée et stérilisée, vue à travers un prisme réducteur et parfois tendancieux. C'est un frein à l'imagination, à la vision personnelle, à la projection de soi et donc ces moyens ne feront que des copies conformes qui «dégurgiteront» ce qu'ils auront vu, assimilé, c'est-à-dire un ersatz fait de bribes qu'on étale en public pour s'affirmer comme étant une personne cultivée mais, comme on dit, la culture c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale. Nos structures culturelles étaient pourtant bien parties dans les années 70 et on s'attendait à voir foisonner des écrivains, ce qui avait été le cas pendant un certain temps puis ce fut le temps des vaches maigres pour finalement s'égarer dans un désert culturel infini.