De notre envoyé spécial à Syrte (Libye) Ali Boukhlef Le vingt-deuxième sommet des pays membres de la Ligue arabe s'est ouvert hier en fin de matinée dans la ville libyenne de Syrte. Treize dirigeants suprêmes, dont Abdelaziz Bouteflika, sur les 23 pays composant cette entité, y ont assisté. Les autres pays ont préféré envoyer des représentants. Si des pays comme l'Irak ou l'Arabie saoudite ont envoyé leur chef de la diplomatie, d'autres se sont fait représenter par des responsables de moindre importance ; à l'image du Maroc, dont le roi a dépêché son frère, ou encore le Liban, représenté par son ambassadeur au Caire.Ces détails ont donc atténué les ardeurs d'un Mouammar El Kadhafi, soucieux d'organiser un sommet hors normes. Malgré cela, le guide libyen peut se targuer d'avoir associé aux travaux des dirigeants arabes deux de ses «amis» : l'Italien Silvio Berlusconi et le Turc Recep Tayyip Erdogan. Parmi les autres invités, le chef de la diplomatie espagnole, Angel Moratinos, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le président de la Commission de l'Union africaine, Jean Ping, et le président de la Conférence islamique, le Turc Ekmeleddin Ihsanoglun. A part le faste, cette ouverture a démontré ce que tout le monde redoutait : les différends arabes sont apparus, quoique de manière sibylline, même dans les discours d'ouverture, pourtant souvent plus protocolaires. A commencer par le tonitruant El Kadhafi qui, dans un discours décousu, empreint de fous rires et de leçons d'histoire approximatives sur les origines de «l'Afrique» du Nord, a rappelé que les sommets arabes «ne prennent pas de décisions». «Arrêtons de parler et passons à l'acte», a-t-il lancé à une salle totalement indifférente. «Moi-même, cela fait 40 ans que je fais des discours. J'ai parlé de tout. Mais les discours n'ont rien apporté […] les peuples nous ont devancés et ne croient plus que dans les actes», a-t-il encore dit, sur un air moqueur. Pour les actes, il a fait une première proposition. Il s'agit, selon lui, de ne plus adopter le consensus comme dogme. Il faut, selon lui, passer à l'acte dès qu'un petit groupe de pays tombe d'accord sur un sujet.«Les actes». C'est, en fait, un leitmotiv chez les dirigeants arabes. Puisque, avant le chef de l'Etat libyen, l'émir du Qatar, Hamed Bin Khalifa Al Thani, président sortant de la Ligue arabe, a lui aussi relevé le manque d'actions concrètes dans ce que tout le monde appelle sans conviction «l'action arabe commune». Et à cette «limite», El Kadhafi a trouvé une parade. «Nous ne pouvons pas te demander des comptes puisqu'on ne t'avait donné aucune prérogative», a-t-il lancé à l'adresse du dirigeant qatari, venu avec une main plâtrée. Cet avis n'est cependant pas partagé par le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. L'Egyptien, qui termine l'année prochaine son second mandat -sera-t-il renouvelé ?- trouve, au contraire, que «l'action arabe commune n'est pas que du négatif». Et pour illustrer ses propos, l'ancien chef de la diplomatie égyptienne cite des «actions concrètes» accomplies pendant son mandat : il cite pêle-mêle la zone arabe de libre-échange, le projet de l'université arabe ainsi que des projets d'électrification et de construction ferroviaires. Quant à ce qu'on appelle maintenant «les réformes de la Ligue arabe», Amr Moussa indique que «le projet avance». Seulement, il n'omet pas d'aborder le sujet de l'heure (et de toujours), à savoir la Palestine. Là, il a laissé monter, en lui, une poussée d'orgueil en lançant : «Israël n'a pas de place parmi nous.» Pour renforcer la Ligue, le secrétaire général a proposé un comité de voisinage dans lequel seront intégrés certains pays, en premier lieu la Turquie. Lui succédant, le Premier ministre turc, Erdogan, est beaucoup plus tranchant. «Nous ne laisserons pas mourir El Qods, la prunelle de nos yeux.» En tout état de cause, c'est El Qods qui va occuper l'essentiel des discussions. Les travaux se poursuivront à huis clos jusqu'à ce soir.