Le 4 avril 1956, le geste héroïque d'Henri Maillot fut comme une réponse à l'appel pressant d'Abane Ramdane. «Nous n'avons qu'un seul souci : les armes, les armes, les armes», écrivait d'Alger, à la Délégation extérieure du FLN installée au Caire, celui qui était devenu en quelques mois le chef de la lutte de libération nationale. Les armes dont avait besoin l'ALN, il fallait les arracher à l'ennemi, pensait Henri Maillot. C'est l'idée qui germa dans sa tête dès les premiers moments de son séjour à la caserne de Miliana où il avait été rappelé, au mois d'octobre 1955, comme officier de réserve. Venu en permission chez ses parents, à La Redoute, à l'occasion des fêtes de fin d'année, il rencontra son camarade du Parti communiste, William Sportisse. Celui-ci, en route vers Constantine, était venu rendre visite à la famille Maillot. Les deux camarades ne s'étaient pas vus depuis plusieurs mois. Le temps des retrouvailles passé, Henri confia à William l'idée qui lui trottait par la tête : capturer un camion d'armes. L'idée acceptée par les dirigeants du PCA clandestin fit son chemin. Pour la réaliser, il fallait évidemment du courage, du sang-froid et de l'intelligence. Ces qualités, Henri Maillot les réunissait. Un groupe de la branche armée du PCA -les Combattants de la libération **- se forma et passa à l'action.Le 6 avril 1956, l'Echo d'Alger, un quotidien à gros tirage, titrait à la une : «Un important chargement d'armes disparaît dans la forêt de Baïnem, 123 mitraillettes, 140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades et divers uniformes ont été subtilisés.» Au lendemain de cette opération de commando réussie en plein cœur d'Alger, Henri Maillot, qui l'a conduite de main de maître, transmet à la presse internationale une lettre qui fera le tour du monde :«L'écrivain français, Jules Roy, écrivait, il y a quelques mois : ‘‘Si j'étais musulman, je serais du côté des fellagas''. Je ne suis pas musulman mais je suis Algérien d'origine européenne. Je considère l'Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Au moment où le peuple algérien s'est levé pour libérer son sol natal du joug colonialiste, ma place est aux côtés de ceux qui ont engagé le combat libérateur… Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples coloniaux qui embrase l'Afrique et l'Asie. Sa victoire est certaine. Il ne s'agit pas, comme voudraient le faire croire les gros possédants de ce pays, d'un combat racial mais d'une lutte d'opprimés sans distinction d'origine contre leurs oppresseurs et leurs valets sans distinction de race… En accomplissant mon geste, en livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour le combat libérateur, des armes qui serviront exclusivement contre les forces militaires et policières, les collaborateurs, j'ai conscience d'avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés.» Ce message fut reproduit par le journal Liberté, organe du PCA clandestin, et largement diffusé.Les armes furent acheminées aux maquis de l'ALN, dans la Wilaya IV, par une formidable chaîne humaine qui fit preuve d'une extraordinaire ingéniosité pour déjouer l'ennemi aux abois. Dans la constitution de cette chaîne, Odet Voirin et Ahmed Belhadjouri jouèrent un rôle crucial. Henri Maillot connut une mort héroïque le 5 juin 1956. Repéré avec son groupe, au djebel Sidi Derraga, au flanc nord de l'Ouarsenis, par les fidèles du bachagha Boualem, auxiliaire servile de l'autorité coloniale, il fut capturé. Il préféra mourir que de s'agenouiller. Il fut tué debout par des militaires français de son âge, arrivés en Algérie avec le contingent. Cinq de ses camarades du groupe, Maurice Laban, Belkacem Hannoun, Djillali Moussaoui et Abdelkader Zelmat ont connu également la mort. Henri Maillot naquit à Alger le 21 janvier 1928. Il adhéra très jeune au Parti communiste algérien où sa conscience nationale se développa à travers les luttes constantes menées avec ses camarades contre le colonialisme. Il fit partie de la direction nationale de l'Union de la jeunesse démocratique algérienne (UJDA) aux côtés d'un de ses frères d'armes, Nour Eddine Rebah, tombé au champ d'honneur, dans les monts de Blida, à Bouhandès, au sud-ouest de Chréa, le 13 septembre 1957. M. B. *Mohamed Rebah Auteur de l'ouvrage Des chemins et des hommes(** Les Combattants de la libération (CDL), créés au mois de juin 1955, étaient présents dans quatre régions : Alger, Blida, Constantine et Oran. Ils intégrèrent le FLN à la suite de l'accord passé au mois de juin 1956 entre le FLN et le PCA. Sources :-Entretiens avec Mustapha Saadoun, William Sportisse et Odet Voirin.-Entretien, en 1979, avec Belkacem Bouchafa dit Mokhtar, premier responsable, en 1956, des groupes armés du FLN à Alger, sous l'autorité de Amar Ouamrane.