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Quand le discours élimine le travail
Le football algérien peine à trouver une orientation
Publié dans La Tribune le 11 - 05 - 2008

L'heure est au bilan dans la plupart des pays du continent. L'Algérie fait dramatiquement exception. C'est assez significatif pour comprendre le mal qui ronge le sport le plus populaire. Au moment où des fédérations en sont au stade de l'évaluation de ce qui a été accompli durant tout un exercice, en Algérie, la complexité de la situation ne permet pas une telle évaluation, tellement on opère sans aucune norme. Il y a manifestement les récents résultats enregistrés par les différentes sélections nationales qui sont venus rappeler à ceux qui croyaient que la relance du football national est à attendre dans quelques années, que la réalité est autre.
Le mal est très profond. Nous sommes, en effet, dans une situation qui frise le drame. Le rythme accéléré de la régression de notre football nous a fait perdre tous les repères. Actuellement, l'Algérie ne sait pas où elle en est sur le continent africain. Le verdict est venu cette fois-ci par le bas. Après quelques années de travail au sein des petites catégories, l'opinion sportive aspirait à des résultats positifs. Le mois de mai, en revanche, n'a rapporté que contre-performances, éliminations et échec. Le tout est remis en cause.
Aujourd'hui que la sélection algérienne juniors se fait éliminée par son homologue mauritanienne, le signal est au rouge. Il y a 29 ans, l'Algérie prenait part à la Coupe du monde de cette catégorie. Les Verts avaient affronté les Argentins, qui seront champions du monde six ans plus tard.
Aujourd'hui, l'Algérie du foot se révèle incapable de battre la Mauritanie, un pays dont le nombre de licenciés ne dépasse pas celui d'une région d'Algérie. Les temps ont sensiblement changé, et l'Algérie du football ne se conjugue qu'au passé très lointain. Aucune politique digne n'a été mise en place par les dirigeants élus à différents niveaux. Il n'y a eu que de la parole. Au moment où la discipline est en train d'évoluer sous d'autres cieux du continent africain, en Algérie, on continue à dilapider l'argent du contribuable. Le déroulement des deux compétitions nationales cette année renseigne sur l'état de déliquescence des instances qui gèrent le foot national. Il y a deux saisons seulement, des voix se sont exprimées pour se féliciter des avancées réalisées dans la structuration de la discipline. Pour certains, le succès en matière de structuration justifie les contre-performances techniques. On suggérait dès lors une continuité dans l'administratif et une relance dans le technique.
Mai 2008, on est en phase de remettre en cause ce qui a été qualifié d'acquis.
Techniquement, disons-le sans complexe, c'est la catastrophe.
Au lendemain de l'élimination des Verts de la Coupe d'Afrique des nations 2008, sous la houlette du coach français Jean-Michel Cavalli, la Fédération a fait appel à un technicien de valeur, M. Saadane, dont les compétences sont avérées en Algérie comme à l'étranger et qui connaît parfaitement la maison, peine, apparemment, à faire avancer les choses. Il le vérifie sur le terrain avant même de commencer officiellement les éliminatoires de la CAN et du Mondial 2010. Est-ce de son ressort ? A priori non. Tout simplement, le redressement du football algérien ne saurait se faire avec le simple concours de l'un de ses techniciens. C'est une certitude. Le mal qui ronge la discipline est tellement énorme, et la question pour remettre le foot national sur les rails demeure nationale. Si des acteurs nationaux du foot ne sont pas impliqués de manière directe ou indirecte, le résultat ne sera jamais meilleur. Est-ce que Rabah Saadane a fait mauvaise manœuvre ? En voulant tout contrôler, il finira par tout encaisser. Alors que l'urgence était de mettre en place des structures pérennes, juridiquement identifiables, pourvues de moyens financiers et humains à la hauteur de la mission, on assiste à un autre mode d'emploi. La sélection des juniors, qui vient d'essuyer une élimination contre la Mauritanie, a été privée d'un sélectionneur. Confiée à Mustapha Heddane et à Zouhir Djelloul, en classe d'apprentissage, mais surtout coupables d'un cumul de fonctions -le premier est présent quasiment dans tous les staffs, le second est adjoint de Saadane-, la sélection déçoit, malgré une série de regroupements et de matches amicaux. Nous sommes bien dans une situation inédite : beaucoup de techniciens pour une politique d'organisation zéro. Sans nul doute, Rabah Saadane a arraché de la Fédération un maximum de prérogatives lui donnant pleins pouvoirs. Pouvoir qu'il avait d'ailleurs exercés pour le choix de son staff, lequel est, jusqu'à présent, éparpillé avec l'administration novatrice de Djadaoui. Mais, au-delà de la composante et des modifications apportées par l'actuel patron des Verts, il y a manifestement l'absence de structures. Une question mérite ainsi d'être posée : pourquoi Saadane n'a-t-il pas revendiqué une direction technique nationale, autonome dans son fonctionnement et appelée à rappeler à l'ordre aussi bien les sélectionneurs nationaux que l'instance fédérale ? Pourtant, Saadane la revendiquait il y a de cela trois ans. On dirait qu'il ne voulait pas noyer ses responsabilités avec celles des autres. Ce n'est pas si convainquant quand on se prive de bâtir des instances. L'utilité de ces dernières est de pouvoir réunir les compétences du pays, particulièrement les anciens internationaux de différentes générations. Doter le football algérien de structures fiables est plus qu'une priorité. Ces structures auront à canaliser le travail que devraient faire les clubs en matière de formation.
Evoquer la formation de la planète foot d'aujourd'hui, c'est aller à contresens de certains trabendistes de circonstance promus comme présidents d'associations sportives. C'est notoirement connu que les petites catégories dans les clubs algériens sont dramatiquement abandonnées. «Mon club m'a abandonné dès que j'ai contracté une blessure au niveau de la cheville.
J'ai dû demander de l'argent à mon frère pour me soigner», nous révéla un jeune junior d'un club algérois qui joue en nationale une. Les détails ne manquent pas pour saisir l'environnement dans lequel évoluent les jeunes footballeurs algériens. L'entraîneur n'est pas payé, l'horaire d'entraînement est rarement respecté, en plus sans aucune assurance. Et comme ce n'etait pas suffisant, on programme les matches du championnat à 9 heures du matin, en l'absence de la Protection civile et d'ambulance.
Le constat alarmant vient d'être donné par un vrai connaisseur de la chose footballistique, en l'occurrence Peter Schnittger, lequel déclarait le week-end dernier que «la volonté et la disposition pour réformer et restructurer le football font partie du discours sans plus». Le même intervenant regrette l'absence d'un plan perspectif de développement.
En conclusion, le redressement du football algérien reste bloqué dans des vestiaires sans aucun aménagement.
A. Y.


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