D'un pas lent et hésitant, visages serrés et yeux larmoyants, les membres de l'association «les Amis de la rampe Arezki Louni (ex-rampe Valée) se sont rendus jeudi dernier au centre de rééducation Serkadji pour un vibrant hommage au martyr Arezki Louni, guillotiné par les forces du colonialisme dans cette prison froide et humide un certain 8 avril 1957. Amis et membres de la famille étaient tous présents à ce rendez-vous avec l'histoire et la mémoire pour effectuer une action contre l'oubli. «Je me sens tout bizarre. En 1957, j'ai passé six mois dans cette prison avant d'être transféré dans un camp de concentration. Depuis, c'est la première fois que j'y reviens. Je ne peux contenir mon émotion. Je me rappelle comme si c'était hier», nous déclare M. Damerdji. Il scrute les moindres coins et recoins de cet établissement d'un air nostalgique et nous montre l'entrée de la prison. «C'est là que j'ai été emprisonné», dira-t-il tout simplement, avant de nous indiquer l'ancien emplacement de la guillotine, cette horrible machine de terreur. Les participants discutent entre eux, chacun évoquant ses anecdotes dans ces grandes retrouvailles. La foule entre dans l'enceinte de l'établissement et avance vers une plaque commémorative où sont inscrits les noms des martyrs de la guerre de libération. Un jeune homme dépose une gerbe de fleurs. Une minute de silence est observée suivie de la lecture de la fatiha. Grande surprise à la vue de la veuve du chahid, arrivée à la dernière minute. «Je me rappelle l'arrestation de mon époux. Il avait effectué sa dernière mission avant de se faire embarquer lui et ses quatre compagnons. Cela s'est passé au Cadix. Des amis à nous m'ont vite avertie, je suis donc partie me cacher chez une cousine. Le soir, en regardant le journal télévisé, elle a vite compris que j'étais recherchée. Il était jeune et brave, d'ailleurs les colonisateurs ont souffert avec lui. Même le jour de son exécution il s'est rebellé contre son bourreau. La guillotine s'est abattue trois fois sur son cou avant qu'il ne meurt», déclara-t-elle en faisant des efforts pour retenir ses émotions. Au-delà de la douleur et des circonstances, la veuve étonnera l'assistance par le pétillement de ses yeux chaque fois qu'elle parle de son époux. L'ambiance est pesante, lourde. La foule se disperse rapidement. Seuls les membres de la famille restent, comme figés. Plus tard, M. Damerdji, membre de l'association «les Amis de la rampe Arezki Louni», aborde le sujet de la dénomination des rues d'Alger, un thème qui lui tient beaucoup à cœur. «Chaque rue possède son histoire, son héro, mais hélas les jeunes ne connaissent pas cela. Les autorités devront penser à inscrire devant le nom de chaque rue, une petite biographie du martyr dont elle porte le nom. Cela permettra aux jeunes de se familiariser avec leur histoire», suggéra-t-il. «Les jeunes connaissent la rampe Arezki Louni mais pas la véritable histoire d'Arezki Louni. J'ai été étonné de savoir que certains amis croyaient que ce martyr était mort au maquis et non guillotiné», s'exclama-t-il.Dans ce sillage, l'association a organisé jeudi après-midi une conférence autour de la toponymie des rues, «un thème primordial pour consolider les repères de la mémoire collective. Une mémoire qui, avec le temps, se perd et que seuls ces témoins rares détiennent et tentent de partager». W. S.