Il est écrit quelque part que la corporation des journalistes ne parlera jamais d'une seule voix. Pis, la désunion a atteint parfois de tels sommets qu'on se demande parfois à qui elle profite ? Jamais une corporation n'a connu autant de divisions : arabophone et francophone, grands et petits tirages, publique et privée. Et pour clore le tout, le grand fossé qui sépare les éditeurs, tant du point de vue matériel qu'idéologique. Si la presse ressemble aujourd'hui à un capharnaüm ou à un réceptacle de titres hétéroclites, cela est certainement le résultat d'une vision réductrice imposée par certains, pour des considérations purement mercantiles, à d'autres au nom de la loi du plus fort. Mais au-delà de ce prisme déformant -c'est là que le bât blesse-, cela arrive, au moment où la majorité des gens de la profession connaissent un désarroi au double plan social et professionnel. A telle enseigne qu'il ne fait pas bon d'être journaliste par les temps qui courent. Comparée à d'autres professions, elle semble reléguée au bas du tableau, de l'échelle sociale, ne serait-ce qu'au plan des salaires qui connaissent des revalorisations dans tous les secteurs sauf le sien. Pour l'une ou l'autre cause, cette dichotomie aidant, ils y font face en rangs dispersés. Pourtant, que de tentatives n'a-t-on entreprises par le passé pour rapprocher les gens du métier autour des mêmes revendications socioprofessionnelles, les plus élémentaires. Que cela soit avant même le début avec l'ouverture démocratique du pays, ou est né le Mouvement des journalistes algériens (MJA), où l'ère qui lui a succédé avec l'apparition de l'Association des journalistes algériens (AJA) et le Syndicat national des journalistes algériens (SNJA), pour aboutir au SNJ et à la FNJA, affiliés à l'UGTA, de création récente. Les syndicats qui se sont succédé n'ont pas réussi à fédérer la profession autour du même combat, pour la défense des intérêts matériels et moraux de la profession. A défaut d'un dénominateur commun qui les rassemble et autour duquel se constitue la lutte des syndicats de la profession, à commencer par les principes de lutte visant à arracher des droits démocratiques, comme la liberté d'expression et l'accès aux sources de l'information, ou matériels, notamment les revendications socioprofessionnelles, les syndicats formés autour d'un noyau de journalistes se sont perdus dans des combats politiques d'arrière-garde qui ne sont pas, finalement, de leur ressort. Ce qui finira par les éloigner de leur vocation première. C'est d'autant plus valable pour le premier que, pour ces derniers-nés des syndicats de la corporation, même si au plan des «acquis» on ne le dira jamais assez, le MJA, qui a accompagné les premiers balbutiements de la démocratie dans le pays, de l'avis de tous a été d'un grand apport pour la corporation au double plan moral et matériel, mais hélas, il n'eut qu'une vie éphémère. Celui-ci miné de l'intérieur, ses membres ont dû prêter le flanc aux attaques du pouvoir de l'époque, faisant apparaître leurs divisions, pour disparaître à jamais, emportant avec eux les belles promesses de lendemains meilleurs pour la presse. Laissant la corporation à ses malheurs, parce que n'ayant pas atteint totalement ses objectifs. Loin s'en faut, la désorganisation et l'anarchie sont devenues les maîtresses des lieux. Mis à part les organes publics, qui se sont imposé des règles de conduite, quoique ce ne fût vraiment pas appliqué à la lettre, en matière de déclaration des journalistes à la Sécurité sociale, et octroyant des contrats de travail en bonne et due forme, rares étaient les titres privés qui le faisaient. L'encouragement dû à cette «aventure intellectuelle» qui s'est matérialisée par la mise en place d'entreprises de presse, s'est faite sans bon nombre de confrères. Contrairement aux apparences, qui la présentent à la périphérie du pouvoir, la presse ou, du moins, ceux qui la font chaque jour, a toujours vécu dans l'indigence matérielle en dépit des clichés. Tout son problème provient de là justement. Longtemps qualifiée de quatrième pouvoir, la presse a été victime de son aura, ayant fait sur elle l'effet de la lumière sur les papillons qui, une fois attirés, finissent par se brûler les ailes. C'est autant valable pour les syndicats que pour les collectifs, nés pour des intérêts immédiats, dans une adversité totale. L'expérience des l'Association des journalistes algériens (AJA), née en 1992, est assez éloquente. Les conditions sécuritaires de l'époque et les menaces de suspension émises par le pouvoir, chacun de son côté, n'ont laissé qu'une marge de manœuvre très réduite à l'association pour s'inquiéter en priorité de la sécurité de ses membres, contraint de choisir le cercueil ou la valise. Cela va sans dire qu'en s'occupant de l'essentiel, le syndicat a ouvert la voie aux critiques, qui lui rappellent avoir oublié un bien plus important aspect, celui relatif à l'éthique et à la déontologie, dont l'absence se fait sentir au regard des multiples dérives. Lui succédant, la Coordination des rédactions (CDR), qui focalisera sur les problèmes socioprofessionnels, ne fera pas long feu. Il a fallu attendre 1998 pour assister à la création du Syndicat national des journalistes (SNJ), qui se jettera dans l'arène avec pour seule arme la volonté de changement de ses adhérents, qui se retrouvent au four et au moulin, tentant tant bien que mal de remédier à des années de déchirure de la corporation. Le syndicat a beau présenter des propositions d élaboration d'un statut par exemple, hélas, sa voix ne trouvera pas d'écho auprès des pouvoirs publics. D'où la naissance de la Fédération nationale des journalistes algériens (FNJA), qui n'est jamais de trop, eu égard au retard accumulé en la matière qui, sous le couvert de la centrale ouvrière, tente d'investir le terrain revendicatif, pour l'amélioration de la situation socioprofessionnelle des gens du métier. Ce syndicat réussira-t-il là où d'autres ont échoué ? Seul l'avenir nous le dira. A. R.